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Dossier

Téléconsultation: succès durable mais pas arme anti-déserts médicaux

Par Léa Galanopoulo et Véronique Hunsinger - Publié le 09/09/2022
Téléconsultation: succès durable mais pas arme anti-déserts médicaux


Phanie

La téléconsultation a connu un boom spectaculaire à partir du premier confinement. Depuis quelques mois, elle a trouvé son rythme de croisière autour d'un million d'actes par mois. En exclusivité, « Le Quotidien » publie les données sur cette nouvelle pratique en partenariat avec le Health Data Hub.

C'était une autre époque de la télémédecine. En 2019, malgré les encouragements des pouvoirs publics et le volontarisme de l'Assurance-maladie, 127 178 téléconsultations avaient été réalisés. Trois fois rien par rapport aux deux années suivantes. En 2020, ce sont 18 549 259 consultations de ville qui ont été réalisées à distance puis 11 966 153 l'année suivante.

Ces chiffres précis ainsi que les données exhaustives pour ces trois années que nous publions sont issus d'une extraction du Système national de données de santé (SNDS) réalisé par le Health data hub, à la demande du « Quotidien ». Qui sont les patients qui font appel à téléconsultation ? Quelles sont les spécialités qui l'utilisent aujourd'hui le plus ? En moulinant les bases de données, il apparaît clairement qu'en 2020, comme en 2021, ce sont les populations, plutôt jeunes, des zones urbaines à plus forte densité médicale qui ont davantage téléconsulté. Bien davantage que les patients chroniques qui vivent des déserts médicaux, cœur de cible de la téléconsultation.

Malgré la stabilisation de la pratique et les facilitations mises en place par l'Assurance maladie depuis le début de la pandémie, la téléconsultation est loin de séduire les populations des zones les plus éloignées du soin. En 2021, sur les 15 départements où la part d'habitant qui avait fait au moins une téléconsultation dans l'année était la plus élevée, dix font partie des territoires les mieux fournis en médecins, comme Paris, la Gironde ou encore les Alpes-Maritimes. Au haut de la liste : la capitale donc, où 16 % des habitants ont déjà réalisé au moins une téléconsultation dans l’année. Viennent ensuite le Bas-Rhin (15,9 %), les Hauts-de-Seine (14,5 %), le Val-de-Marne (14,4 %), les Alpes-Maritimes (13,9 %), les Yvelines (13,8 %), le Val-d’Oise (13,5 %), le Rhône (13,5 %), l’Hérault (12,2 %) et les Bouches-du-Rhône (12 %). Si certains départements du haut de la liste sont moins bien pourvus en médecins, ils se situent systématiquement en Île-de-France, comme la Seine Saint-Denis et l’Essonne.

À l’inverse, parmi ceux qui téléconsultent le moins on retrouve des départements bien plus ruraux, et des déserts médicaux, comme l’Aisne, l'Ariège, l’Orne, le Lot, l’Yonne ou l’Aveyron. Dans la Creuse, dernier département du classement, 2,29 % de la population du département a réalisé au moins une téléconsultation en 2021, 4,36 % en 2020, et aucun en 2019 ! À noter que le Lot et la Creuse sont également les deux départements les plus vieux de France. Mais ce sont aussi des zones rurales, qui peuvent être des zones blanches, moins connectées. Autre biais : parce qu'il y a moins de médecins qu'ailleurs, le nombre de consultations pourrait être plus faible, qu'elles soient physiques ou virtuelles.

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En 2020 déjà, les populations des zones urbaines étaient les plus amatrices de téléconsultations, - avec 20 % l’ayant expérimenté au moins une fois dans le Bas-Rhin, 18 % dans le Rhône ou à Paris - confirmant le rôle de la visio pour éviter les contaminations dans les zones de fortes circulations du virus. Plus étonnant : un résident des outre-mer sur deux a réalisé au moins une téléconsultation en 2020.

En 2022, la dynamique se poursuit. Selon les données préliminaires transmises par l’Assurance-maladie au « Quotidien », 7,3 millions de téléconsultations ont été facturées au premier semestre, à raison de 1,1 à 1,2 million par mois. Le temps est désormais au recadrage de la pratique. Des nouvelles règles devraient être posées via le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale. La téléconsultation sera également au menu des négociations de la prochaine convention médicale à partir d’octobre.

Dossier réalisé par Léa Galanopoulo et Véronique Hunsinger