Un colloque antivax au sein de l’IHU Méditerranée ? Les membres fondateurs se désolidarisent, le Pr Raoult plaide la « liberté d’expression »

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Publié le 25/03/2022

Crédit photo : AFP

Les 30 au 31 mars se tiendra entre les murs de l’IHU Méditerranée un colloque sur les « premiers bilans des connaissances et des controverses scientifiques » autour du Covid. À la manette : le collectif « Réinfo Covid », fondé par l'anesthésiste marseillais Louis Fouché, connu pour ses positions antivax, complotistes et anti-avortement… Une vingtaine de personnalités sont annoncées – dont la plupart se sont illustrées par des positions à contre-courant de la communauté scientifique pendant l’épidémie.

Raoult en ouverture

Parmi elles, l'épidémiologiste Laurent Toubiana, intervenant du documentaire complotiste « Hold-up », ou encore le sociologue du CNRS Laurent Mucchielli, qui a cosigné une étude relativisant l'impact de l'épidémie sur la mortalité en France, diffusée par une association dont le Dr Toubiana est le fondateur. Le sociologue s'était aussi fait le porte-voix de la mortalité supposée des vaccins contre le Covid. Si bien que ce directeur de recherche au CNRS a provoqué une réaction de son autorité de tutelle fin août 2021. Sans le nommer, le CNRS déplorait « les prises de position publiques de certains scientifiques, souvent plus soucieux d’une éphémère gloire médiatique que de vérité scientifique, sur des sujets éloignés de leurs champs de compétences professionnelles ».

L’IHU de Marseille – encore dirigé pour quelques mois par le Pr Raoult qui se contentera de faire le discours d’introduction du colloque – doit accueillir également dans ses locaux le médecin américain Robert Malone, ayant tenu des propos antivax, ou le Dr Pierre Kory, défenseur de l'ivermectine, médicament dont l'efficacité contre le Covid n'a pas été démontrée.

Cet « International Covid summit » est parrainé par « Enseignement, recherche libertés », syndicat d’enseignants dont Laurent Mucchielli est membre. Créé au cœur de l’été 2021, il fustige le « danger » des vaccins, ou la « transformation des établissements scolaires en lieux de propagande incitant à une "vaccination" expérimentale ».

Des pedigrees qui jettent le trouble 

Depuis l’annonce de ce colloque, qui sera diffusé par le patron de l’IHU sur les réseaux sociaux, les critiques se multiplient sur le profil et le pedigree des intervenants. Le 24 mars, les six membres fondateurs de l'IHU Méditerranée Infection ont demandé à la direction de l'institut de « délocaliser le colloque » en dehors des murs.

Dans un communiqué commun, le Service de santé des armées, l'université Aix-Marseille, l'Institut de recherche pour le développement, l'Établissement français du sang, l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) et l'Inserm expliquent « qu'ils n'ont pas été concertés et ne sont en rien associés » à cette conférence. Pour les membres fondateurs de l'IHU, « l'intitulé et la nature des participants et des associations partenaires ne laissent aucun doute sur les objectifs » du colloque, d'où leur demande explicite de « délocalisation »« Les membres fondateurs sont attachés à la liberté d'expression et nul manquement à l'exigence de rigueur et d'excellence (...) ne saurait être toléré », soulignent les membres fondateurs de l'IHU, expliquant « qu'ils ne permettront pas non plus que la réputation de leurs établissements et équipes respectives soit mise en cause ».

Liberté d'expression

Mais la contre-attaque des supporters du colloque n’a pas tardé. Dans la foulée, le Pr Didier Raoult a justifié dans un tweet la tenue de ce congrès à l'IHU « par souci de liberté d'expression, sans le censurer ni le cautionner ».

Le syndicat « Enseignement, recherche, libertés » s’est, de son côté, employé à défendre la réputation des intervenants « exclusivement des médecins, des universitaires et des chercheurs (actifs ou retraités) du CNRS et de l’Inserm ». Des retraités, il y en a parmi les panélistes, à l’instar du microbiologiste Jean-Michel Claverie, qui doit intervenir sur les vaccins ARNm. Étiqueté « CNRS » sur le programme du colloque, le Pr Claverie est PU-PH retraité d’Aix-Marseille Université. À l’été 2021 après des sorties relativisant l’impact du variant Delta – « un rhume » – le Pr Claverie avait été lâché par la Société française de virologie (SFV) qu’il avait pourtant fondée.

Le nouveau directeur général de l'IHU, qui succédera au Pr Raoult, prendra ses fonctions « entre le 30 septembre et le 31 décembre 2022 », précisait l'Institut dans son appel à candidatures rédigé en anglais.

L.G. (avec AFP)

Source : lequotidiendumedecin.fr