Maladies rares : l'institut Imagine tire un bilan positif de son programme thérapie génique, mais peine à convaincre les industriels

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Publié le 25/01/2023
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Crédit photo : PHANIE

La thérapie génique est l'un des réseaux de recherche labellisés DIM (domaine d'intérêt majeur) par la région Île-de-France entre 2017 et 2022. Lors d'une conférence de presse, l'institut Imagine, choisi par la région pour porter ce DIM (sous la coordination de la Pr Marina Cavazzana, pédiatre et chercheuse), affiche son satisfecit : selon les protagonistes, le dispositif a démontré toute son efficacité, mais se pose maintenant les questions du développement clinique et de l'accès aux innovations qui émergeront des phases précliques en cours.

En tout, ce sont 12 millions d'euros qui ont été injectés par la région dans 56 projets répartis dans 11 domaines thérapeutiques. En termes de résultats, cela représente 33 recrutements, 15 brevets et 42 publications scientifiques rendus possibles par ce soutien. Grâce au réseau constitué dans le cadre de ce programme de financement, 25 millions d'euros de financement supplémentaires ont été levés.

Les AAV au cœur des travaux

La principale réalisation d'Imagine est la création d'une plateforme technologique de mise au point de vecteurs viraux adéno-associés (AAV) et le renforcement de deux plateformes AAV à l'institut de la vision et au centre de recherche en myologie. Signe de l'intérêt de l'industrie pour la production scientifique du DIM Thérapie génique : les chercheurs de l'institut de la vision ont créé une spin-off, Gamut Therapeutics, afin de développer une thérapie génique (SPVN20) de la dystrophie mixte cônes-bâtonnets, laquelle a été rachetée par le laboratoire SparingVision en avril 2021.

Dans le domaine des hémoglobinopathies (drépanocytose et bêtathalassémie), l'équipe du laboratoire « Chromatine et régulation génique au cours du développement » de l'institut Imagine est parvenue à compenser le déficit en hémoglobine en réactivant la production de globine fœtale grâce à deux techniques d'édition du génome : Crispr-Cas9 et le « base editing » (édition de base). Les chercheurs s'attachent maintenant à évaluer laquelle de ces deux approches est la plus adaptée.

D'autres avancées ont également été faites dans le syndrome de Wiskott-Aldrich, la prévention des rejets de greffe grâce aux cellules CAR-T régulatrices et la restauration de la rétine à l'aide de cellules souches pluripotentes induites (IPS).

Premiers éléments d'une thérapie de leucinose

Mais il est une pathologie pour laquelle un espoir pourrait bientôt se matérialiser sous la forme d'expérimentation clinique : la leucinose. Il s'agit d'une maladie génétique rare qui oblige les jeunes patients à suivre une diète très stricte, voire à recevoir une greffe de foie, sous peine de tomber dans le coma.

Les équipes coordonnées par le Pr Manuel Schiff et le Dr Clément Pontoizeau du centre de référence maladies rares des maladies héréditaires du métabolisme à l'hôpital Necker-Enfants malades ont testé avec succès chez la souris un gène porté par un AAV et destiné à s'insérer et s'exprimer dans les cellules du foie. « Nous destinons ce traitement à des patients dont les hépatocytes ne se multiplient plus. Si nous parvenons à 15 % de cellules du foie exprimant ce gène, alors il devrait y avoir une amélioration clinique », explique le Pr Schiff.

Les industriels renâclent devant l'obstacle

Les chercheurs s'attaquent à la difficile question de la valorisation, en tentant de convaincre un laboratoire d'investir pour financer les premiers essais chez l'homme. Problème : « nos interlocuteurs estiment que la leucinose touche un trop petit nombre de patients », regrette le Pr Schiff. Il y a actuellement 50 patients confirmés en Île-de-France pour cette maladie qui fait partie, depuis le 1er janvier 2023, des maladies génétiques dépistées à la naissance. « Nous essayons d'expliquer aux laboratoires que ce n'est pas qu'un simple traitement d'une seule pathologie rare que nous voulons leur vendre, mais une plateforme de développement industriel, poursuit le médecin. Hélas, c'est sans succès pour l'instant. »

Pour passer outre ces hésitations et mener à bien les premières phases de développement clinique, les chercheurs envisagent la création de start-up directement au sein des instituts de recherche. Néanmoins, « la création de start-up par les centres de recherche est plus laborieuse en France qu'aux États-Unis, où les universités disposent de leurs fonds propres alimentés par des donations et des legs, déplore le Pr Stanislas Lyonnet, directeur de l'institut Imagine. Aux États-Unis, l'université de Berkeley à elle seule finance des start-up à hauteur de 900 millions. Nous ne disposons pas non plus de fonds d'investissement européens en mesure d'investir dans une avancée médicale. »

« On a tout ce qu’il faut pour aller plus vite : la technologie AAV de l'institut a pu être mise au point en trois ans en partant de zéro, insiste la Pr Cavazzana. Le point bloquant, c'est vraiment l'industriel qui regarde le nombre de patients pour décider s'il investit ou pas. Nous pouvons demander des fonds européens mais il s'agit de grosses machines, lentes et peu souples. »


Source : lequotidiendumedecin.fr