Prééclampsie : des chercheurs français explorent une nouvelle piste thérapeutique liée au monoxyde d'azote

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Publié le 02/09/2022
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Crédit photo : PHANIE

Alors que 2 à 8 % des femmes enceintes souffrent de prééclampsie dans le monde, des chercheurs de l'Institut Pasteur, de l'Inserm, et du CNRS, explorent une nouvelle thérapie à base de BH4 (ou tétrahydrobioptérine, un cofacteur dans la synthèse du monoxyde d'azote NO). Les résultats obtenus chez le rongeur démontrent une correction au niveau maternel de la pression artérielle ainsi que de l’excès de protéines dans les urines et des anomalies cardiovasculaires. Ils sont publiés le 30 juillet dans la revue Redox Biology.

La prééclampsie est une dysfonction du placenta au cours de la grossesse, qui se traduit notamment par une hypertension artérielle, une protéinurie (présence importante de protéines dans les urines), une anomalie de la coagulation dans le placenta, des anomalies cardiovasculaires chez la mère ou encore un retard de croissance fœtale. La prééclampsie peut aussi avoir des effets sur le long terme chez la mère, au niveau cardiovasculaire, rénal, cérébral et hépatique. Le traitement actuellement recommandé est la prise préventive d’aspirine par les patientes à risque, pour faire baisser l’état pro-coagulant dans le placenta et soulager partiellement le réseau vasculaire.

Le BH4 pour corriger les trophoblastes dysfonctionnels

Au niveau moléculaire, la prééclampsie est provoquée par une dysfonction des trophoblastes, ces cellules spécifiques du placenta qui contribuent à organiser et gérer le réseau vasculaire au bénéfice de l’apport en oxygène, nutriments et autres éléments essentiels à la croissance fœtale. Cette dysfonction est liée à un excès de STOX1, facteur de transcription qui contrôle l'expression de milliers de gènes, avec pour conséquence des perturbations dans la production du monoxyde d’azote (NO), agent vasodilatateur pourtant indispensable pour favoriser les afflux vers le placenta.

À partir de travaux sur des trophoblastes surexprimant STOX1, ainsi que des recherches sur deux modèles rongeurs de prééclampsie, les chercheurs* ont montré que le traitement des trophoblastes avec le BH4 permet de corriger les défauts identifiés dans ces cellules.

Plus important encore, l’administration de BH4 sur les deux modèles précliniques de rongeurs (l'un mimant les formes précoces de prééclampsie, l'autre les formes tardives) a permis de restaurer le poids placentaire et le poids fœtal. Sur le modèle précoce (caractérisée par une surexpression placentaire de STOX1 avec une importante hypertension artérielle et une protéinurie), le traitement BH4 a permis de corriger au niveau maternel la pression artérielle, l’excès de protéines dans les urines et les anomalies cardiovasculaires. Les résultats suggèrent même que le traitement serait efficace pour contrer les effets à long terme de la prééclampsie chez les mères (anomalies vasculaires cérébrales, rénales, cardiaques, hépatiques). À noter, ces corrections de l'expression des gènes perturbés par l'excès de STOX1 interviennent de manière différente des dérégulations induites par l'aspirine dans le placenta.

Selon l'Institut Pasteur, ces travaux sont la première pierre vers le développement d’une thérapie de la prééclampsie. Et de suggérer que le traitement combinant le BH4 et l’aspirine soit une solution thérapeutique pour de nombreux cas de prééclampsie, hypothèse qui reste à valider par des études cliniques. 

* Il s'agit d'une collaboration de plusieurs années entre l’équipe du Dr Daniel Vaiman (Institut Cochin, Inserm/CNRS/Université Paris Cité) et l’équipe du Dr Miria Ricchetti (Département de biologie du développement et cellules souches, Institut Pasteur/CNRS), avec le Dr Laurent Chatre (CNRS), ainsi qu’une équipe américaine du Mississippi.


Source : lequotidiendumedecin.fr