Cancer : savoir repérer les dérives

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Publié le 26/05/2023
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L’emprise sectaire commence souvent par le soulagement d’une douleur liée à la maladie, et notamment au cancer. D’où l’importance d’identifier les pratiques pouvant donner lieu à des dérives. C’est le travail entrepris par trois soignants occitans.

« Professionnels de terrain, nous constatons la multiplication d’offres thérapeutiques noyées dans le flou de la définition des soins de support. » Ainsi commence la contribution rédigée par Céline Bensoussan, Fabienne Jules-Percebois et le Dr Jean-Marc Huygue dans le dernier rapport de la Miviludes. Les deux premières sont psychologues cliniciennes, le troisième est généraliste, et tous travaillent en région Occitanie où ils s’alarment de voir les patients atteints de cancer courtisés par des mouvements sectaires, sous le prétexte de leur venir en aide et de leur proposer des thérapies alternatives.

Leur travail repose sur une minutieuse collecte d’informations sur le terrain. « J’ai fréquenté les salons du bien-être, j’ai passé du temps à recueillir les flyers, à écouter des gens qui, pour certains, étaient bien intentionnés, d’autres qui avaient avant tout des visées commerciales, et d’autres enfin qui étaient clairement à risque de dérive sectaire », se souvient Jean-Marc Huygue. Les informations ont également été recueillies via les propositions de soins de support adressées aux comités départementaux de la Ligue contre le cancer, ou directement sur les lieux de soin, et le tout a débouché sur des constats relativement inquiétants.

Course à la créativité

En effet, les trois soignants ont constaté que soit par croyance, soit par indifférence, soit parce qu’ils se sentent obligés d’apporter une réponse, certains professionnels de santé exerçant en structure de soins orientent leurs patients vers des praticiens à risque. Voilà qui amène les auteurs à dénoncer « une course effrénée des lieux de soins à vouloir être créatifs, novateurs au détriment de la pertinence et de la garantie d’une honnêteté professionnelle ». Du côté des patients, les mécanismes identifiés par les trois Occitans vont de la recherche de sens (« pourquoi moi ? »), au complotisme, en passant par des « expériences décevantes ou blessantes dans la relation au soignant ».

« On pourrait se dire qu’il faut laisser faire, tant que les pratiques alternatives ne leur font pas de mal, elles peuvent leur faire du bien, explique le Dr Jean-Marc Huygue. Le problème, c’est qu’il peut y avoir une forme de glissement progressif vers des pratiques déviantes» D’où le conseil de ce praticien : « ne pas se rendre complice de ce genre de pratique ». « Il faut vraiment que les associations comme la Ligue contre le cancer fassent le tri entre les différentes demandes qu’elles peuvent recevoir », note-t-il. « Ce n’est pas uniquement le retard au diagnostic et au traitement qui sont en jeu, concluent les trois auteurs. La remise en cause des savoirs scientifiques, la défiance sont entendables, mais ceux qui s’y engouffrent au nom du bien sont condamnables»


Source : Le Quotidien du médecin