MSF élit la Dr Isabelle Defourny à sa tête, une humanitaire soucieuse de faire entendre la voix des patients

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Publié le 14/06/2022

Crédit photo : MSF

La Dr Isabelle Defourny, généraliste belge de 51 ans, a été élue présidente de Médecins sans frontières (MSF) France, lors de la 51e assemblée générale qui s'est tenue à Paris ces 11 et 12 juin. Elle succède au Dr Mego Terzian.

L'histoire entre la Dr Defourny et MSF a commencé en 1999, lorsque, quittant sa spécialisation en gynécologie-obstétrique, elle est partie en mission dans les montagnes du Yémen, à Ibb (nord) dans le cadre d'un projet d'accès aux soins de santé dans les zones reculées. Puis la généraliste a participé à la prise en charge des réfugiés et déplacés en Érythrée, lors de la fin de la guerre avec l'Éthiopie.

Lutte contre le paludisme et la dénutrition

En 2001, elle travaille sur le paludisme au Burundi, alors que la zone vient d'être confrontée à une importante épidémie, traitée par chloroquine et Fansidar (sulfadoxine/pyriméthamine). « Or une enquête de résistance a révélé plus de 50 % de résistance au Fansidar. Nous nous sommes donc lancés dans un combat pour changer de protocole et utiliser les ACT (combinaison à base d'artémisinine), qui nous avaient été un temps refusés », explique au « Quotidien » la Dr Defourny. Les efforts ont payé : à la suite d'une grande campagne MSF d'accès aux médicaments essentiels, le Burundi et d'autres pays ont pu bénéficier du protocole.

En 2003, la Dr Defourny contribue à un grand projet d'urgence au Liberia en guerre, où les équipes de MSF soignaient en première ligne les blessés à Monrovia, avant de les transférer pour chirurgie au centre international de la Croix-Rouge (CICR), plus éloigné du front, tout en luttant contre une épidémie de choléra et une crise nutritionnelle. Elle travaille encore au Darfour en 2004 puis au Niger avant d'arriver au siège, où elle développe des programmes de prise en charge de la malnutrition à l'aide du plumpy'nut, un produit à base d'arachide considéré à l'époque comme une révolution médicale. Elle est responsable de programmes jusqu'en 2011, puis membre du conseil d’administration de l’association entre 2013 et 2015, avant de prendre le poste de directrice des opérations de MSF jusqu’en mars 2022. Elle est également l’une des co-fondatrices de l’ONG humanitaire Alima, en 2009, soucieuse de travailler avec les organismes nationaux.

« Je suis entrée dans l'humanitaire par envie de voyager et de découvrir le monde ; j'ai découvert avec MSF l'activité humanitaire qui m'a passionnée, notamment en ce qu'elle permet d'améliorer les soins de santé pour les populations, mais aussi les conditions de travail des équipes », confie-t-elle.

Droits et place des patients

« Je suis plus que jamais convaincue que MSF occupe une place unique dans le champ de l’action humanitaire : celle d’une organisation médicale de terrain, capable d’exercer une médecine de pointe dans les contextes les plus précaires et d’agir politiquement pour améliorer le sort des victimes de catastrophes aiguës et chroniques », déclare-t-elle.

Au-delà du soutien aux équipes sur place et de leur sécurité, « une évidence », la Dr Defourny entend faire de la promotion des droits et de la place des patients une priorité de son mandat. « Pour progresser en médecine, nous devons améliorer notre relation aux patients. Il faut être attentif à l'information donnée au patient, prendre le temps de lui faire comprendre son diagnostic et son traitement, afin qu'il puisse s'impliquer dans sa prise en charge, comme cela se fait dans le cadre du VIH ou de la nutrition », précise la nouvelle présidente.

« Nous souhaitons aussi renforcer l'aide sociale dans nos projets, c'est-à-dire soutenir des patients dans des conditions socioéconomiques complexes, pour qu'ils vivent mieux avec leur maladie et aillent au bout de leur soin », ajoute-t-elle. C'est notamment ce que MSF a entrepris au Malawi auprès de patientes atteintes d'un cancer du col de l'utérus. L'ONG apporte à ces femmes souvent isolées, voire rejetées, un soutien financier en lien avec l'association GiveDirectly. Toujours pour renforcer le droit des patients, la Dr Defourny espère améliorer la participation des patients aux lieux de décisions.

Crises au Nigeria et au Burkina Faso

Quant aux urgences humanitaires, la nouvelle présidente de MSF entend mettre un coup de projecteur sur les crises qui sévissent au Burkina Faso et au nord-ouest du Nigeria, à Katsina, où les équipes admettent chaque semaine dans leurs centres 2 000 enfants atteints de malnutrition aiguë.

« En Ukraine, où les soins de santé sont en majorité assurés par les Ukrainiens, nos équipes travaillent surtout sur des questions sociales, par exemple, auprès des personnes âgées qui se retrouvent seules qu'il faut évacuer », ajoute-t-elle.  


Source : lequotidiendumedecin.fr