Il existe une HTA chez plus de la moitié des diabétiques, et 8 % des hypertendus sont diabétiques (3). L'étude Entred 2007-2010 montre cependant, par rapport aux résultats obtenus en 2001, un abaissement des chiffres de pression artérielle (PA), avec une médiane à 130/80 mmHg et une pression artérielle systolique (PAS) et diastolique (PAD) respectivement diminuées de 3 et de 2 mmHg, quel que soit l'âge des patients (2 ; 3). Pour autant, seuls 14 % des patients se situent en dessous du seuil de PA recommandé à l'époque, soit 130/80 mmHg, et chez plus d'un tiers d'entre eux, le niveau tensionnel reste au-dessus ou au niveau de 140/90 mmHg.
L'enjeu de la prise en charge de l'HTA chez le diabétique est important puisqu'il ne s'agit pas moins que de réduire le risque de complications cérébrales, cardiaques et rénales chez ces patients dont le risque vasculaire est déjà majoré par le diabète.
Le profil tensionnel de l'hypertendu diabétique
› Dans le cadre du diabète de type 2, l'HTA précède souvent la maladie diabétique et survient volontiers dans un contexte de syndrome métabolique (voir encadré E1), dont on sait qu'il est prédictif de la survenue d'un diabète en l'absence de prise en charge. Si l'obésité viscérale et l'insulinorésistance qui sous-tendent le syndrome métabolique sont de nature à favoriser l'augmentation de la PA, l'HTA du diabétique peut aussi résulter des lésions de glomérulosclérose caractéristiques de la néphropathie diabétique.
› Dans ce contexte, il existe une altération du cycle nycthéméral de la PA, sans doute liée à la présence d'une neuropathie végétative cardiaque et vasculaire : l'une des spécificités de l'HTA du diabétique de type 2 est en effet l'absence de baisse de la PA nocturne (sujets dits « non-dipper » en mesure ambulatoire de la PA). Ce profil tensionnel participe à l'élévation du risque cardiovasculaire, majore le retentissement de l'hypertension sur les organes cibles (cœur, rein, artères), et s'accompagne d'une élévation de la mortalité (3). Par ailleurs, il existe chez ces patients une importante variabilité tensionnelle, avec survenue d'à-coups tensionnels potentiellement délétères, tandis que la fréquence cardiaque n’est pas modifiée en moyenne (altération du baroréflexe) et présente une altération de sa variabilité physiologique. La dysautonomie diabétique favorise en outre la survenue d'épisodes d'hypotension orthostatique.
Les examens à demander
› Lors de la phase diagnostique et comme le recommande la Société française d'Hypertension artérielle (5), il convient de confirmer la réalité de l'HTA (PA ≥ 140/90 mmHg) par une mesure de la pression artérielle en dehors du cabinet médical, soit par automesure tensionnelle, soit par mesure ambulatoire de la PA (MAPA), que le patient soit diabétique ou non. La seule exception est la présence d'une HTA sévère (PA ≥ 180/110 mmHg), qui nécessite un traitement immédiat.
› Chez tous les nouveaux hypertendus, le bilan initial comporte : électrocardiogramme de repos, ionogramme sanguin, créatininémie avec calcul du débit de filtration glomérulaire (DFG), glycémie à jeun, bilan lipidique, protéinurie (6). Chez le diabétique, en l’absence de protéinurie, on ajoute le dosage de la microalbuminurie.
Objectif tensionnel : du neuf
L'objectif tensionnel chez le diabétique hypertendu, qui se situait jusque-là en dessous de 130/80 mmHg en mesure conventionnelle au cabinet médical, est désormais identique à celui de tous les hypertendus, c'est-à-dire compris entre 130 et 139 mm Hg pour la PAS et inférieur à 90 mmHg pour la PAD (6). Le résultat obtenu en mesure conventionnelle doit être confirmé en dehors du cabinet médical. Ces nouveaux objectifs sont très proches de ceux préconisés par les dernières recommandations européennes sur l'HTA (PAS entre 130–139 et PAD entre 80-85 mmHg chez tous les hypertendus (7) et par les récents guidelines américains sur le diabète (PAS < 140 et PAD < 80 mmHg chez tous les diabétiques hypertendus (8). Les données de la littérature études HOT, ADVANCE, ACCORD, sous-groupe de diabétiques de l'étude INVEST) en effet sont d'un faible niveau de preuve concernant la pertinence d'un objectif tensionnel inférieur à 130/80 mmHg chez les diabétiques.
Les bloqueurs du SRA en première ligne
› Au plan thérapeutique, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine 2 (ARA2 ou sartans) doivent être préférés en première intention dès le stade de microalbuminurie (6). « En l’absence de microalbuminurie le choix, bien que plus large, se porte volontiers aussi vers ces familles thérapeutiques », indique le Pr Valensi.
› L'HTA du diabétique étant volontiers résistante à ce seul traitement, il est souvent nécessaire de passer à la bi- voire à la trithérapie. Dans ce cas, les combinaisons fixes doivent être préférées (6) afin de favoriser l'observance. La combinaison thérapeutique doit alors toujours comporter un bloqueur du système rénine angiotensine (SRA) (7), en pratique un IEC ou un ARA 2, dont les propriétés néphroprotectrices sont établies en dehors de la baisse tensionnelle qu'ils induisent.
Lorsqu’une trithérapie est nécessaire, l'association de choix chez l'hypertendu « tout venant » est
celle combinant un bloqueur du SRA, un diurétique thiazidique et un antagoniste calcique (7).
À noter que malgré leur effet favorisant l’augmentation glycémique ou lipidique, les diurétiques thiazidiques et les bêta-bloquants restent très utiles, tout particulièrement les bêta-bloquants lorsqu'il existe une indication élective telle qu'une coronaropathie.
L'association de deux bloqueurs du SRA (IEC, ARA2, inhibiteur direct de la rénine) relève d'une prise en charge spécialisée.
Repères pour le suivi
› Pour juger de l'efficacité du traitement antihypertenseur, la mesure de la PA en dehors du cabinet médical est recommandée (5). Attention à la survenue d'une hypotension orthostatique favorisée par le traitement antihypertenseur.
› Le suivi biologique recommandé chez tous les diabétiques, a fortiori s'ils sont hypertendus, comporte, outre le dosage trimestriel de l'HbA1c, un contrôle annuel de la glycémie à jeun, du bilan lipidique, de la microalbuminurie, de la créatininémie à jeun et du DFG. Un ECG de repos doit également être réalisé tous les ans, de même que le dépistage de la rétinopathie diabétique (9).
› Après chaque introduction ou adaptation posologique des bloqueurs du système rénine angiotensine et/ou des diurétiques, il est recommandé de réaliser un ionogramme sanguin avec créatininémie et débit de filtration glomérulaire estimé (6).
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