Alors que la ministre déléguée aux professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, a consacré un déplacement en Savoie au thème de la sécurité des soignants lundi, l'observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS) a publié son rapport annuel sur les données de 2020 et 2021.
Cet organisme (dépendant du ministère de la Santé) a dénombré 1 791 signalements effectués par des médecins en 2021 – sur les 34 550 victimes d’atteintes aux personnes et aux biens en milieu hospitalier. L'année précédente, ils étaient 1 676 sur un total de 33 139 victimes. Dans le même temps, environ 10 000 infirmiers et autant d'aides-soignants font un signalement chaque année.
En 2020 et 2021, « la baisse de fréquentation a logiquement entraîné une baisse du nombre de violences, même si, par ailleurs, la limitation des entrées et la situation exceptionnelle de cette crise ont pu générer des violences spécifiques avec régulièrement une "négociation" de la règle encore plus insistante qu’avant cette période », commente l'ONVS dans son rapport. En effet, les actes de violence au sein de l'hôpital sont très généralement provoqués par une « intolérance à la frustration » de la part des usagers. Une réaction qui peut être aggravée quand le patient est sous l'emprise d'alcool, de médicaments ou de stupéfiants.
Les services de psychiatrie et d’urgence en première ligne
En 2021, 82 % des signalements étaient des atteintes aux personnes, dont 21 % liées directement à un trouble psychique ou neuropsychique. Les structures déclarant le plus de signalements pour atteintes aux personnes restent dans le même ordre sur les deux années : la psychiatrie (22,2 % des signalements en 2021), les USLD et Ehpad (12,5 %), les urgences (12,2 %), les unités de soins (10,1 %) et les services de médecins (7,6 %).
Les violences physiques et les menaces représentent 46,7 % des signalements, les insultes et injures 32,1 %, les menaces d’atteinte à l’intégrité physique 18,3 % et les violences avec arme 2,9 %.
Reproches de prise en charge
Dans près de la moitié des cas, le « motif » de la violence est un « reproche relatif à la prise en charge du patient », devant le « refus de soins » (21,5 %) ou le « temps d'attente » (8,7 %).
Les événements de violence signalés ont donné majoritairement lieu à une intervention : dans 59 % des cas par le personnel hospitalier lui-même, dans 23 % par le service de sécurité/sûreté et seulement dans 6 % des cas par les forces de l’ordre. « Les formations professionnelles pratiques dispensées sur la gestion des tensions et de l’agressivité (souvent conçues par des soignants pour des soignants) se révèlent extrêmement utiles afin de mieux prévenir et gérer les moments de violence, commente l'ONVS. Elles doivent aussi intégrer une meilleure communication vis-à-vis des patients et des accompagnants. L’accompagnement des professionnels pour se reconstruire après des violences est essentiel ».
Nouveaux outils pour la ville
Ce mercredi, le ministère de la Santé a fait savoir qu'il souhaite « concevoir de nouveaux outils de lutte contre ces violences protéiformes, adaptés aux différents modes d’exercice des professionnels de santé et adoptés par les soignants ».
Ainsi, à partir de janvier prochain, une nouvelle plateforme en ligne sera ouverte pour effectuer les signalements auprès de l'ONVS. Intégrée au « portail de signalement des événements sanitaires indésirables » du ministère, « elle sera plus facilement identifiable et donc plus accessible », précise l'avenue de Ségur. Un mode de saisine y sera proposé aux professionnels libéraux là où seuls les utilisateurs en établissement de santé pouvaient déclarer auparavant. De même, le guide du ministère sur la « sécurité bâtimentaire » va être décliné dans une nouvelle version pour les structures de ville en 2023.
Justice, police et Ordres main dans la main
Une circulaire ministérielle rappelant les bonnes pratiques en matière de protection fonctionnelle des agents de la fonction publique hospitalière sera signée. Et le ministère promet aussi de relancer la coopération avec les Ordres, la justice, la police et la gendarmerie pour renforcer l’application des conventions « santé-sécurité-justice » déjà existantes.
Enfin une concertation entre des représentants des ARS, des établissements publics et privés, des Ordres, des forces de police, de la justice, des étudiants, des organisations syndicales, des métiers de la sûreté et de la sécurité incendie, ainsi que des membres de la Conférence nationale de la santé sera lancée « dans les prochaines semaines ». Le but est cette fois de présenter des propositions au printemps 2023 sur la prévention des violences et la formation des soignants pour y faire face.
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