Après le rapport choc de l'Académie de médecine, les praticiens de la naissance favorables à la fermeture des très petites maternités

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Publié le 06/03/2023
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Crédit photo : S.Toubon

Le rapport n'a pas encore été adopté en séance plénière ni même rendu public mais il a déjà fait couler beaucoup d'encre. La semaine dernière, l'Académie nationale de médecine a examiné un travail rédigé sous la houlette du gynécologue Yves Ville, chef du service d'obstétrique de l'hôpital Necker à Paris (AP-HP), qui préconise « une réduction accrue du nombre de maternités ». Selon les éléments du document révélé par le quotidien « Le Parisien » et que « Le Quotidien » a consulté, le spécialiste juge « illusoire de soutenir » les établissements réalisant moins de 1 000 accouchements par an, ce qui reviendrait à réduire de 20 % le nombre de maternités en France. « Cette stratégie nécessite une complémentarité entre les établissements de santé et la médecine de ville » estime par ailleurs le Pr Ville. 

Défaillances

Manque d'attractivité, postes vacants, recours à l'intérim : comme le reste de l'hôpital, les maternités n'échappent pas aux pénuries de personnels. Cette « crise démographique sans précédent » explique déjà la baisse continue du nombre de maternités, tombé à 471 fin 2021, souligne le rapport.

Un diagnostic sombre dans lequel se reconnaît le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi aux autres spécialités (Snphare). Dans un communiqué publié ce lundi, celui-ci « salue la grande qualité de ce travail qui décrit très objectivement la situation des maternités, ainsi que les nombreuses défaillances du système actuel ».

Leur regroupement avec les grandes maternités voisines supprimerait 111 implantations sur les 452 sites en métropole – la vingtaine de structures en outre-mer devant « faire l'objet d'un examen particulier », précise le rapport du Pr Yves Ville. « Alors que la réforme des autorisations de soin de la périnatalité s’est arrêtée en chemin à l’hiver 2019-2020, officiellement pour cause de Covid, ce rapport propose des mesures réalistes relatives à l’accès aux soins, aux moyens humains, à l’organisation des parcours de soins afin de garantir la sécurité des futures mères et des enfants à naître », estime le Snphare. 

Cependant, si une telle restructuration était mise en œuvre, elle dégraderait nécessairement l'accessibilité géographique aux soins. La part des femmes enceintes résidant à moins d'une demi-heure de la maternité la plus proche reculerait de près de 5 points, à 89 %, note le rapport. L'effet serait toutefois concentré dans les zones montagneuses, « difficiles d'accès et à faible densité de population ».

Surcharge de travail et moindre sécurité

Samedi, dans le quotidien « Le Monde », six organisations médicales et une association d'usagers, ont signé une tribune réclamant une réforme, à l'initiative de la Société française de médecine périnatale (SFMP). « Les maternités de moindre taille ont davantage recours à des professionnels qui n'ont pas toujours une bonne connaissance des services, écrivent ces organisations. La dimension plus modeste des équipes est, en effet, synonyme de charge supplémentaire de travail, de responsabilités accrues et d'une moindre sécurité ».

Cette prise de position est signée notamment par la Dr Joëlle Belaisch-Allart, présidente du Collège national des gynécologues-obstétriciens français (CNGOF), le Pr Pierre Alabaladejo, président de la Société française d'anesthésie et de réanimation (SFAR) ou encore le Pr Michel Dreyfus, président de la Société française de médecine périnatale. Elle fait clairement écho au rapport de l'Académie selon qui « seules de grandes structures seront à même de proposer une offre et une qualité de soins exigées par les usagers comme par les professionnels ».

Le constat des sociétés savantes et organisations de gynécologues-obstétriciens, néonatologues ou anesthésistes-réanimateurs s'appuie en particulier sur la hausse inquiétante de la mortalité infantile lors de la dernière décennie qui place la France au « 25e rang européen » quand, en 2012, la France était en deuxième position. Sans réforme du système de soins périnatal, celui-ci va « au naufrage », tranchent ces professionnels de la naissance.   

« Usines à bébés »

« Transformer les petites maternités réalisant un faible volume d’accouchement en centre périnatal de proximité réalisant une activité uniquement programmée (suivi de grossesse, suivi échographique, suivi du postpartum, etc.) et regrouper les forces dans des maternités faisant plus de mille accouchements (hormis quelques exceptions géographiques) est une excellente idée que le CNGOF a toujours promue, a appuyé de son côté cette société savante dans un communiqué, même si cette transformation nécessaire va à l’encontre des idées de certains professionnels et usagers »

Anticipant les critiques, le Pr Yves Ville invite à « renforcer les moyens humains » de ces services afin qu'ils ne soient plus « caricaturés comme des usines à bébés ».

La coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité a, pour sa part, estimé que « la fermeture de plus de 100 maternités aggraverait la sécurité des femmes enceintes » et plaidé pour d'autres solutions dont celle de mieux payer les professionnels à l'hôpital pour réussir à les garder. La coordination manifestera ce mardi à Lannion pour y défendre sa maternité.


Source : lequotidiendumedecin.fr