Éditorial

Patate chaude

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Publié le 05/11/2021

C’est la patate chaude de la politique de santé de ce quinquennat. Et sur cette question de l’envolée folle des tarifs de garde des praticiens intérimaires, les pouvoirs publics vont malheureusement de coups de menton en renoncements. Depuis l’arrivée d’Agnès Buzyn avenue de Ségur, il a fallu 100 fois remettre l’ouvrage sur le métier pour tenter de résoudre un phénomène qui paraît toujours, aux yeux de beaucoup, insoluble. Le soufflé était un peu retombé avec la crise du Covid. Il revient comme un boomerang à la faveur de l’entrée en application de la loi Rist, qui contenait un dispositif anti-contournement au plafonnement des indemnités de permanence de soins dans les hôpitaux. Cette fois, les pouvoirs publics pensaient vraiment avoir enfin trouvé la parade en verrouillant de la sorte le marché de l’intérim médical. Patatras ! Il a fallu en rabattre fin octobre, face à l’inquiétude des responsables de la communauté hospitalière, le recul d’Olivier Véran renvoyant la résolution de ce dossier à plus tard.

Dans cette affaire, l’actuel ministre de la Santé joue sa crédibilité et son autorité. D’abord parce qu’il s’agit d’un problème majeur d’accès aux soins et d’égalité des patients aussi, les zones les plus excentrées étant les plus affectées par la pénurie de personnel médical. Ensuite, parce que cela fait près de dix ans que le neurologue de Grenoble a fait de la mise au pas des « mercenaires » son cheval de bataille. N’était-ce pas lui ce jeune député qui tapait du poing sur la table à l’encontre de ces confrères qui abusaient, préconisant — dans un rapport remis en 2013 à Marisol Touraine — la manière forte pour remettre de l’ordre sur ce marché ? En différant cette fois la coercition, il choisit pour l’heure de reculer pour mieux sauter. Mais sans avoir l’assurance que le gouffre ne se sera pas élargi entre-temps…

Pourtant, soyons honnêtes : ce gouvernement n’est pas pleinement responsable de la crise. C’est la conséquence d’une situation démographique de plus en plus dégradée, fruit de décennies d’impérities dans la gestion du numerus clausus, qui ont abouti à transformer le statut, jusque-là peu enviable, de vacataires en un métier de chasseurs de primes prêts à se vendre au plus offrant. Si le dossier est si difficile à résoudre, c’est qu’il renvoie au déficit de main-d’œuvre qualifiée, à l’hôpital, mais aussi en médecine ambulatoire, les déserts médicaux étant là pour nous le rappeler. Le problème affecte d'ailleurs actuellement des pans entiers de l’économie. Sauf que fermer un restaurant ou reporter un chantier porte évidemment moins à conséquence que suspendre l’activité des urgences, comme ce fut le cas dans maints sites l’été dernier… Au-delà des chiffres et du déséquilibre patent entre offre et demande, l’hôpital doit aussi s’attaquer à la question de l’attractivité des carrières. Le gouvernement a commencé à lâcher du lest il y a un an lors du Ségur de la santé. Tous les acteurs du secteur le pressent désormais à aller plus loin pour résoudre le problème lancinant de la vacance des postes.

Exergue :  Outre le déséquilibre entre offre et demande, l’hôpital doit aussi résoudre la question de l’attractivité des carrières.

Jean Paillard

Source : Le Quotidien du médecin