95 %. C’est la probabilité qu’Émeline Fontenoy estimait avoir, avant les Épreuves classantes nationales (ECN) qu’elle a passées en 2018, de choisir in fine la médecine du travail. Elle se laissait 5 % pour la médecine générale, ou encore la gériatrie, mais n’a finalement pas eu besoin de cette marge de sécurité : arrivée au septième semestre d’un internat qu’elle est en train d’effectuer à Paris, elle est certaine d’avoir pris la bonne décision.
« J’étais sûre de vouloir une spécialité transversale, et la médecine générale ou la gériatrie étaient à ce titre intéressantes, se souvient-elle. Mais la médecine du travail apporte l’aspect social… Il ne suffit pas d’avoir des connaissances médicales, il faut aussi s’intéresser au métier de la personne, au fonctionnement de l’entreprise… » La jeune femme se réjouit aussi de la diversité des types d’exercice proposée par sa spécialité. « On peut exercer à l’hôpital, en pathologies professionnelles, ou en service de prévention et de santé au travail, que ce soit dans un service autonome au sein d’une entreprise ou dans un service inter-entreprises… », détaille-t-elle.
Attirée par le terrain
Arrivée à l’avant-dernier semestre de son internat, Émeline a eu le temps de défricher ces différentes possibilités, et elle sait désormais que ce qui l’intéresse, c’est la prévention et la santé au travail. « Je ne sais pas encore si je veux travailler en service autonome ou en service inter-entreprises, mais je suis attirée par l’aspect terrain : en plus des consultations, on fait des visites, des études de poste, des ateliers de sensibilisation, on échange avec une équipe pluridisciplinaire… », se félicite l’interne.
Actuellement en stage dans une grande entreprise de l’industrie nucléaire, elle est d’ailleurs en train de mettre en pratique ces différents aspects. C’est donc en interne comblée qu’elle aborde la dernière ligne droite de sa formation, et n’allez surtout pas lui dire qu’elle s’apprête à exercer une spécialité pratiquée en majorité par des gens qui auraient voulu en choisir une autre, mais qui n’ont pas pu, faute d’un classement suffisant. « Dans ma promotion, la médecine du travail était le premier choix de tous les internes », affirme-t-elle.
Haro sur les clichés
C’est d’ailleurs avec bonne humeur qu’Émeline désamorce les autres clichés liés à sa spécialité. Non, sourit-elle, la médecine du travail n’est pas une médecine où l’on serait, justement, à l’abri du travail. « Souvent, en visite, les salariés me disent au contraire qu’ils n’ont jamais eu un examen clinique aussi complet, qu’on ne leur a jamais posé autant de questions », raconte-t-elle.
Même réaction quand on évoque l’impossibilité de prescrire pour les médecins du travail. « Nous pouvons prescrire des examens complémentaires, par exemple, et nous le faisons quotidiennement, précise-t-elle. Et nous ne sommes pas des médecins de soin : ce qui m’intéresse, sur le plan médical, c’est d‘examiner et d’orienter vers le médecin de soin si besoin. C’est notre rôle de santé publique. »
Pas de lunettes roses
Il ne faudrait cependant pas croire qu’Émeline se voile la face ou qu’elle regarde sa spécialité avec des lunettes roses. Elle est par exemple parfaitement consciente du manque de bras, particulièrement criant, dont souffre la médecine du travail. « Dans les services où je suis passée, on voit bien qu’il y a une pénurie, observe-t-elle. On cherche à recruter, et les offres de postes se multiplient. »
Mais justement, la réforme de la santé au travail, adoptée dans le cadre de la loi Touraine en 2016, permet, selon elle, « d’adapter la situation au mieux pour les salariés en fonction des moyens ». Une évolution permise notamment par le rôle plus important donné aux infirmières en santé au travail, estime-t-elle, même si, s’empresse-t-elle d’ajouter, « il faut que leur activité reste supervisée dans le cadre de protocoles définissant ce qu’elles peuvent faire d’une part, et ce qui nécessite un examen médical d’autre part. »
Émeline se projette donc sans inquiétude exagérée dans l’avenir de sa spécialité. Quant au sien propre, il lui semble relativement dégagé. « Je ne sais pas encore exactement où je vais m’orienter, mais en région parisienne, où je souhaite rester, les offres de poste ne manquent pas… je me laisse donc un peu de temps », explique-t-elle. Reconnaissons qu’il y a peu de professions où les jeunes peuvent afficher une telle sérénité.
Exergue : la jeune femme se projette sans inquiétude dans l’avenir de sa spécialité. Quant au sien propre, il lui semble relativement dégagé.
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