Annoncées par Jean Castex fin février, l'universitarisation du CHR d'Orléans et la création d’une fac de médecine dans la cité johannique sont en bonne voie pour la rentrée prochaine. Dans une lettre de mission adressée à l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et à l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (Igésr), le Premier ministre a réclamé un rapport sur la faisabilité de ce projet, qui vise à lutter contre la désertification médicale. Les conclusions ont été rendues publiques cette semaine.
Premier constat : l’urgente nécessité de pourvoir, rapidement, en carabins la région Centre-Val de Loire, territoire le moins dense en médecins de métropole. Et alors qu’un habitant sur cinq n’a pas de médecin traitant, la région est également l’une qui compte le moins d'étudiants en médecine. Les jeunes admis en deuxième année de médecine ne représentent que 2,9 % du numerus apertus total, alors que la population régionale concentre près de 4 % de la population française. Aussi, seuls 2,8 % des postes d’internes sont fléchés vers la région.
Fuite d'étudiants
L’Igas souligne, par ailleurs, que le Centre-Val de Loire se caractérise par « un très fort taux de fuite entre le 2e et 3e cycle, où 72 % des étudiants en médecine de Tours » choisissent de faire leur internat ailleurs, contre 36 % à Rouen ou 53 % au niveau national. Une fois l’internat fini, même constat d’échec : 42 % des internes tourangeaux décident de s’installer en dehors de la région, « le plus fort taux national ».
Pour contrer la désertification médicale et la fuite des jeunes, le gouvernement souhaite former près de 200 étudiants supplémentaires à Orléans d'ici à 2025 - la seule fac de la région étant aujourd'hui à Tours. Ainsi, dès la rentrée prochaine, 105 places de PASS seront créées à l’université d’Orléans et 90 places de L.AS. Une nouvelle filière dont le budget est chiffré par l’Igas à 370 000 euros. Pour cette première année de mise en place, les cours de PASS seront dispensés en visio à Orléans - en direct de la fac de Tours. Par conséquent, l'Igas recommande ainsi de renforcer le tutorat de ces néobacheliers, pour éviter le décrochage.
Dès 2023, une cinquantaine de places devrait être ensuite ouverte en deuxième année. En parallèle, à Tours cette fois-ci, le numerus apertus sera augmenté de 50 places, passant de 300 à 350 en médecine.
Les quotas devraient monter crescendo jusqu’en 2025, pour atteindre 550 futurs médecins formés chaque année dans la région Centre. Pour ce faire, l'Igas recommande de renforcer dans le temps les moyens alloués aux facs de Tours et d'Orléans. « Ainsi, en 2025, 30 % du numerus apertus de la région serait alloué à Orléans, et 1 028 étudiants pourraient étudier la médecine (sur l’ensemble du premier cycle) sur le site d’Orléans, contre 96 en 2021 (comptant les étudiants PASS et de L.AS) », détaille l’Igas, qui anticipe même la possibilité « d’ouvrir un PASS à Bourges à la rentrée 2023 ».
Recruter des encadrants
Pour former ces centaines de nouveaux carabins, le CHR d’Orléans se transformera en CHU, avec un impératif pour l’Igas : recruter 25 postes d’hospitalo-universitaires titulaires et 21 postes de HU non titulaires d’ici à 2025. Les recrutements devront se mettre en place urgemment, « dès 2022 quitte à les pourvoir dans un premier temps par des personnels contractuels. Une attention particulière devrait être portée à la formation en médecin générale », met en garde l’inspection. Ces recrutements - « nécessaires à une formation de qualité » - coûteraient aux alentours de 4,3 millions d’euros. D'ici fin 2022, une convention hospitalo-universitaire fondatrice du CHU d’Orléans devrait être ainsi élaborée, en associant les universités de Tours et d’Orléans.
Pour l’heure, 83 % des externes de la région sont en stage à Tours, 4 % à Orléans. Pour l’Igas, qui recommande d’augmenter le nombre de maîtres de stage et d’ouvrir des terrains en ambulatoire, la diversification des lieux de stage sera donc la clé.
Côté internat, pour éviter les stages surchargés, l’inspection propose une série d’actions pour « améliorer la répartition des internes sur le territoire régional tout en assurant la qualité de leur formation ». L’Igas recommande ainsi de mieux répartir les internes entre CH et CHU, et de les orienter davantage vers Bourges, Chartres, Châteauroux ou Blois. « Ces stages hors CHU permettent aux étudiants d'être moins nombreux au lit du malade et d'être ainsi mieux formés » notent les auteurs.
La facture totale du projet est estimée à 7,8 millions d’euros d’ici à 2025. L’inspection des affaires sociales anticipe d’ailleurs, à terme, la création d’une faculté de plein exercice à Orléans, et non plus d'une simple « antenne » pour pérenniser ces actions. Pour mettre en œuvre l'ensemble de ces recommandations, « une mission d’accompagnement sera confiée à Michel Mondain, ancien doyen de médecine et Daniel Moinard, ancien directeur général de centre hospitalier universitaire », précise Matignon dans un communiqué.
L'école privée croate recadrée
La création d’une fac de médecine en bonne et due forme à Orléans se pose également comme un pied de nez au projet d’implantation d’une antenne privée de l'école de médecine de Zagreb dans la préfecture du Loiret. En septembre prochain, la succursale de la fac croate devrait accueillir 50 étudiants, selon le maire d’Orléans. Or, l’Igas juge le projet « incertain », bien que le diplôme délivré par l’école croate fasse partie, depuis 2009, de la liste des écoles reconnues en France pour exercer légitimement la médecine. Toutefois, aucune convention n’a été signée pour l’heure entre l’école zagréboise et un établissement de santé de la région, prérequis essentiel pour pouvoir accueillir des étudiants en stage.
Si le projet privé du maire d’Orléans n’est pas encore abandonné, l’Igas juge qu’il conduira « à tendre la situation en termes de terrain des stages, déjà critique, sans que cela puisse être piloté par l’État ». L’inspection recommande donc plutôt de soutenir les acteurs engagés autour de la création de la fac de médecine d’Orléans.
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