3 questions à…

Olivia Fraigneau, présidente de l'Intersyndicale nationale des internes (Isni)

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Publié le 30/09/2022
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LE QUOTIDIEN : Chirurgie plastique, ophtalmologie, dermatologie… Pour vous, ces préférences sont-elles uniquement liées aux rémunérations ?

OLIVIA FRAIGNEAU : Il y a plusieurs facteurs. Effectivement ces spécialités, en ville, sont très bien rémunérées. Ce qui leur vaut d’ailleurs d’être décriées dans l’opinion générale. Mais il faut également noter que ce sont des disciplines qui ont une très grande valence libérale. Celles qui partent en premier sont finalement les spés qui offrent un exercice hospitalier très faible.

À l’inverse, les spés qui n’existent presque que dans le monde hospitalier — comme la médecine d’urgence, la médecine interne ou la gériatrie — sont boudées… Aujourd’hui, le tout public n’attire plus ! En réalité, au-delà de bien gagner leur vie, les internes ne veulent surtout plus être bloqués à l’hôpital public, d’autant plus dans le contexte politique que l’on connaît actuellement. Pour preuve : selon un sondage de l’Isni, seuls 20 % des internes se projettent dans un exercice exclusivement hospitalier. Les futurs professionnels sont en demande de travail partagé, d’exercice mixte et pas forcément en temps complet.

La santé publique, la biologie médicale ou la médecine du travail peinent chaque année à faire le plein. Comment l’expliquez-vous ? Y a-t-il trop de postes offerts ?

Nous avons remarqué que les internes ne choisissaient pas les spécialités où ils n’ont jamais fait de stage. Parmi les disciplines que vous citez, il n’y a jamais de stage en externat. Les futurs internes font des stages en médecine générale, en chirurgie, mais la santé publique ou la biologie médicale sont très loin de l’exercice qu’ils connaissent ! C’est impossible de s'y projeter. Et effectivement, il reste des postes vacants dans ces spécialités boudées, ce qui peut mettre en péril certains terrains de stage. Néanmoins, je ne suis pas sûre qu’il faille revoir la ventilation des postes, car c’est important que les derniers des ECN puissent quand même avoir un minimum de choix et non une spécialité imposée. Il est hors de question de demander aux internes de combler toutes les spécialités pour faire tourner les services. 

Certains internes peuvent se tromper de choix. Qu’en est-il du droit au remords ?

Malheureusement, c’est encore très compliqué de changer de spécialité, et quasiment impossible de changer de lieu d’affectation. En théorie, un interne peut demander — une seule fois — un droit au remords avant la fin de son quatrième semestre. Donc, il faudra qu'il prenne sa décision, souvent bien avant la moitié de son internat. C’est trop tôt ! Et, comme les capacités de formation des hôpitaux n’ont pas été augmentées, on peut être refusé de cette nouvelle spé faute de places. En 2022, personne, dans aucun métier, ne se voit travailler 40 ans exactement au même endroit.

Et pourtant, en médecine, on a encore du mal à se dire qu’on pourrait passer de la médecine générale à la médecine d’urgence, de l’orthopédie à la médecine physique et réadaptation… Il faut qu’à terme, on accepte les mutations au cours de l’internat. Ça existe dans tous les métiers de la fonction publique, mais on continue à négliger les internes qui représentent tout de même 40 % du personnel médical de l’hôpital.


Source : Le Quotidien du médecin