Dr Pascal Gendry : au sein des maisons de santé, « le tout paiement à l'acte ne correspond pas à toutes nos pratiques, notamment de prévention »

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Publié le 16/03/2023
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Le mouvement fédéré AvecSanté (avenir des équipes coordonnées, ex-fédération des maisons et pôles de santé) réunit son congrès les 17 et 18 mars à Saint-Malo. Malgré la dynamique porteuse pour les structures pluriprofessionnelles, son président, le Dr Pascal Gendry, généraliste en Mayenne, attend des gages supplémentaires du gouvernement en faveur de l'exercice coordonné en équipe.   

LE QUOTIDIEN : Combien compte-t-on aujourd'hui de maisons de santé pluriprofessionnelles ?

Dr PASCAL GENDRY : L'objectif du précédent quinquennat d'Emmanuel Macron était d'atteindre le chiffre de 2 000. Nous sommes aujourd'hui à plus de 2 300 MSP labellisées par les ARS ! Ce sont 20 à 25 % des médecins généralistes qui exercent désormais dans ce cadre. Autour de 1 850 structures ont déjà signé l'accord conventionnel interprofessionnel (ACI). Pour une MSP de taille moyenne, cela correspond à une enveloppe de 70 000 euros qui devrait augmenter de 10 à 20 % grâce au dernier avenant. Ce n'est sans doute pas assez mais, sans ce budget, beaucoup de MSP seraient en difficulté pour assurer leurs missions.

Qu'attendez-vous des ministres qui sont annoncés à votre congrès ?

Qu'ils nous fixent des objectifs clairs pour les prochaines années car cela traduirait la volonté politique de soutenir notre mouvement en donnant, en même temps, une direction aux agences régionales de santé et à l'Assurance-maladie. La labélisation des MSP est importante à nos yeux car c'est la garantie pour les pouvoirs publics d'avoir des équipes à même de répondre aux besoins de la population.

Existe-t-il encore des maisons de santé « coquilles vides » comme on le voyait il y a quelques années quand tous les élus locaux ont voulu en bâtir ?

Il en reste peut-être encore quelques-unes… Mais globalement la logique de l'ACI a été structurante. Elle a permis aux MSP de s'organiser afin de mettre en place des fonctions de coordination, des systèmes d'information partagés ou de répondre à des critères d'accueil du public. Le dernier avenant a permis, par exemple, de reconnaître l'implication des MSP en cas de crise sanitaire et de soutenir celles qui rentrent dans des démarches de qualité.

Les MSP sont-elles correctement réparties sur le territoire ?

On assiste à un rééquilibrage et les ARS s'appuient de plus en plus sur l'Assurance-maladie et nos propres fédérations régionales pour accompagner les équipes. Une des difficultés est que les aides publiques sont essentiellement fléchées vers les déserts médicaux. Celles-ci sont évidemment nécessaires mais le regroupement des professionnels dans les zones urbaines est parfois aussi freiné par des problématiques immobilières qui sont finalement plus prégnantes qu'en zone rurale.

Le récent échec des négociations conventionnelles vous inquiète-t-il ?

Il nous interroge. Et on peut se demander si on n'est pas arrivé au bout d'un système. C'est d'ailleurs pour cela que le tout paiement à l'acte ne correspond pas à toutes nos pratiques notamment de prévention, de coordination autour des pathologies chroniques ou d'approche des problématiques de précarité.

Autre exemple, dans les MSP, des médecins ont embauché des assistants médicaux mais nous aurions préféré que ce soit les structures elles-mêmes qui puissent les employer de sorte que les objectifs d'augmentation de la patientèle soient partagés par toute l'équipe.

Quel est votre positionnement par rapport à la loi Rist sur les partages de compétences et l'accès direct aux paramédicaux ?

Nous ne sommes pas dans une attitude de défense mais dans la promotion de nouvelles pratiques. Au sein de nos équipes, nous discutons déjà de savoir qui fait quoi, nous savons travailler en coopération de manière efficace en partageant les compétences des uns et des autres et en assurant la sécurité du patient. Nous sommes même prêts à assumer des financements collectifs pour répondre à certains besoins. Peu importe qui dans l'équipe vaccine – le médecin, l'infirmière ou le pharmacien – tout ce qui compte est que les patients soient bien vaccinés ! Vraiment, ce qui est important n'est pas qui réalise l'acte mais que cet acte soit effectué dans le champ de compétence de chacun.

Quel est le bon échelon du partage de compétences, selon vous ? La MSP ou la CPTS comme l'imagine le projet de loi Rist ?

Les coopérations sont possibles là où les professionnels se connaissent déjà et sont capables, s'ils le considèrent plus juste, de dire non à l'application d'un protocole parce qu'ils ne se sentent pas de le faire. Concrètement, cela veut dire que cela peut se faire très naturellement au sein d'une équipe pluriprofessionnelle structurée reconnue, notamment dans une MSP. Cela me semble beaucoup plus compliqué dans le cadre d'une CPTS tout simplement parce que ce n'est pas un espace d'effecteurs de soins.

Comment les MSP s'intègrent-elles dans le maillage en construction des CPTS ?

Certaines MSP matures sont déjà capables de proposer des actions qui dépassent leurs patientèles et s'inscrivent dans une démarche populationnelle. C'est d'ailleurs en général ces maisons de santé qui sont à la genèse de CPTS. Elles ont un rôle d'animation et de modélisation. Nous pensons aussi que, lorsqu'une MSP entre dans une CPTS, elle devrait en faire partie en tant que structure et non pas comme une simple addition de professionnels. Ce serait plus pertinent, en particulier quand il s'agit de réfléchir sur les pratiques de soins non programmés.

Propos recueillis par Véronique Hunsinger

Source : lequotidiendumedecin.fr