Ramsay Santé lance une offre de téléconsultation illimitée à 11,90 euros par mois, une initiative contestée

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Publié le 05/06/2023
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Des difficultés pour obtenir un rendez-vous avec un praticien ? Besoin d’un avis médical ? « Téléconsultez facilement un médecin 24h/24 et 7j/7 » pour la modique somme de 11,90 euros par mois, propose Ramsay Santé sur son site internet. Leader de l'hospitalisation privée et des soins primaires en Europe, la filiale européenne de la multinationale Ramsay Health Care vient en effet de lancer un abonnement qui ouvre droit à une téléconsultation médicale avec un médecin généraliste, un spécialiste (plus de 20 spécialités médicales représentées) ou un professionnel paramédical (psychologue, sage-femme…) « sans délais d'attente », fait valoir Ramsay Santé.

Si la spécialité souhaitée n’est pas directement accessible, la demande sera « immédiatement redirigée vers un médecin généraliste », poursuit Ramsay Santé qui met en avant le « contact direct » avec le professionnel, sans « filtre » ni « intermédiaire ». Une téléconsultation (en partenariat avec Medaviz) qui peut être réalisée par téléphone ou depuis son ordinateur « à tout moment » (jour, nuit, week-ends et jours fériés).

Pour autant, le nombre d'appels au service de téléconsultation ne peut dépasser « un nombre raisonnable d’appels » (soit 20 par an), peut-on lire dans les conditions générales de vente. D’autre part, suite à une première téléconsultation, il n’est pas possible d’échanger à nouveau avec le même médecin, selon le groupe qui précise que son service est « complémentaire » au parcours de soins et ne peut donc « se substituer au suivi » du médecin traitant.

Des précautions d’usage qui n’ont pas empêché certains médecins de faire part de leur colère sur Twitter. À l’image du Pr Christophe Marguet, chef du service de pneumologie pédiatrique et membre du collectif inter-hôpitaux (CIH). Selon lui, Ramsay Santé « dégaine un abonnement comme Netflix » pour un accès à une téléconsultation 24h/24h « remboursée par la Sécurité Sociale ». Un dispositif jugé « scandaleux » par le pédiatre.  

De son côté, le Dr Jonathan Favre, médecin généraliste à Villeneuve d’Ascq (59) et membre du collectif « No FakeMed », estime que « la médecine générale n’a tellement pas de valeur qu’elle coûte moins qu’un abonnement à Netflix avec Ramsay ». Une autre membre du collectif, la Dr Marion Lagneau se demande sur quel « modèle économique et organisationnel » repose l’abonnement, tout en s’interrogeant sur « la qualité des médecins assurant ces consultations ».

Quant au collectif « Nos services publics », auteur d’un thread sur le sujet sur Twitter, il considère que cet abonnement est « une attaque inédite contre l'égalité face aux soins ». Ce que propose Ramsay n’est rien d’autre qu’un « coupe-file payant pour faire face à la saturation des soins. Ce n’est plus votre état de santé mais votre argent qui décide de votre niveau de priorité », juge le collectif.

Il met également en garde contre une « médecine au rabais ». Et rappelle que les actes de téléconsultation sont remboursés par l’Assurance-maladie, sous réserve de répondre à plusieurs conditions : respect du parcours de soins coordonné avec orientation préalable du médecin traitant, suivi régulier et de qualité des patients, pas plus de 20 % d'actes en téléconsultation par médecin, etc. En clair, « quand on a un problème de santé, on consulte quelqu’un qui nous connaît et nous suit. Pas un inconnu en vidéo qu’on ne verra qu’une fois », assène le collectif.

Vers une offre de soins à deux vitesses ?

Si la téléconsultation s’inscrit dans le respect du parcours de soins coordonné, certains actes peuvent être remboursés « hors parcours de soins », notamment les consultations réalisées face à une « situation d’urgence ». Une exception à la règle qui permettra aux médecins qui contracteront avec Ramsay « de cocher systématiquement la case "urgence" pour être payés par l'Assurance maladie », estime « Nos services publics ».

Et d’ajouter : « En rémunérant très cher des médecins prêts à faire de la sous-médecine, pour s'occuper de patients ayant les moyens de payer, Ramsay détourne des ressources médicales rares des priorités collectives de santé publique. Le tout payé par vos cotisations. » Raison pour laquelle le collectif exige « une réaction rapide des pouvoirs publics », sous peine de voir « se développer de manière accélérée une offre de soins à deux vitesses ».


Source : lequotidiendumedecin.fr