Réformes des retraites : « pas de hold-up sur les réserves », jure Édouard Philippe

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Publié le 11/12/2019

Crédit photo : AFP

Le premier ministre a dévoilé ce mercredi 11 décembre le futur système universel de retraite, qui sera débattu au Parlement fin février 2020, pour une application à partir de 2025. « L'ambition d'universalité portée est une ambition de justice sociale, s'est employé à rassurer Édouard Philippe. Il n'y a pas d'agenda caché, nous ne cherchons pas de petites économies ici ou là ». 

Valeur du point indexée sur les salaires

Le nouveau système universel par points sera un régime par répartition, comme aujourd'hui. Un euro cotisé produira les mêmes droits à la retraite pour tous les Français, y compris « les élus et les ministres ». Le principe est bien d'en finir avec les régimes spéciaux. Les Français auront le même niveau de cotisation sur la totalité des revenus jusqu'à 120 000 euros. La réforme « fera que le travail paye davantage puisque chaque heure travaillée ouvrira des droits ».

Le chef du gouvernement s'engage à ce que la valeur du point « ne soit pas fixée à la sauvette, au gré des difficultés budgétaires  ». C'est pourquoi les partenaires sociaux fixeront sa valeur et son évolution sous le contrôle du Parlement. Une règle d'or sera prévue dans la loi pour que la valeur des points acquis ne puisse pas baisser et que l'indexation se fasse non plus sur les prix mais sur les salaires.

Travail de nuit : des critères plus souples

L'âge légal de départ est maintenu à 62 ans mais la réforme instaure un âge d'équilibre à 64 en 2027, assorti d'un système de bonus-malus fixé par les partenaires sociaux.

Pour les personnes qui ont commencé à travailler « avant 20 ans », Édouard Philippe affirme maintenir le principe des carrières longues. Elles pourront « continuer de partir deux ans avant les autres », tout « comme ceux qui sont dans des métiers usants ».

La pénibilité sera prise en compte « selon des critères qui seront les mêmes pour tous ». Le compte pénibilité sera ouvert à la fonction publique et en particulier à l'hôpital. « Cela bénéficiera directement aux infirmiers de la catégorie A qui travaillent de nuit et n’ont aucun droit aujourd’hui. Ensuite, nous abaisserons le seuil du travail de nuit, afin que davantage d’agents puissent bénéficier d’un départ anticipé ».

Transition progressive pour les professions libérales

La première génération à intégrer complètement le système universel sera celle de 2004 (18 ans en 2022). Les Français nés avant 1975 « ne seront pas concernés » par la réforme. « Seules les années travaillées à partir de 2025 seront régies par le système universel », précise Édouard Philippe. 

La transition sera progressive, promet Édouard Philippe, qui a évoqué les spécificités des professions libérales. Pour elles, la convergence « douce » des cotisations se fera sur un « horizon de 15 ans ». Le principe est de compenser certaines hausses de cotisation retraite par une réforme de la CSG et des cotisations vieillesse des indépendants. 

Quant aux réserves, fort sujet d'inquiétude des libéraux (et notamment des médecins), il n'y aura « pas de hold-up ou de siphonnage pour combler tel ou tel trou ». « Les réserves resteront dans les caisses des professionnels concernés. Et elles auront vocation, notamment, à accompagner la transition vers le système universel au bénéfice des auxiliaires médicaux, avocats, et médecins concernés », assure le premier ministre.

Colère des médecins 

La feuille de route d'Édouard Philippe a déjà fait réagir le Syndicat national des médecins concernés par la retraite (SNMCR, rattaché à la CSMF). Dans un communiqué, il affirme que « l'assiette de cotisation à 120 000 euros par an avec un taux de cotisations fixé à 28,12 % jusqu'à 40 000 euros puis au-dessus (de 40 000 à 120 000 euros) à 12,94 %, entraînera à terme une baisse des cotisations mais aussi mécaniquement et surtout une baisse plus importante des pensions, d’autant que ces taux comprennent une partie (2,81 %) qui n’apporte aucun droit à la retraite ». « Même avec un mécanisme compensateur"de baisse de CSG, ça ne suffit pas ! ».

Les libéraux ont toujours réclamé un système universel limité au plafond de la la Sécurité sociale (soit 40 000 euros) pour préserver les caisses professionnelles.

Qui va gérer? 

Le SNMCR n'est pas rassuré davantage au sujet de la préservation des réserves des libéraux. « Les réserves accumulées par plusieurs générations de médecins resteraient acquises à la profession, mais comme la CARMF disparaît, qui les gérera ? ».

Idem sur la gouvernance. Même confiée aux partenaires sociaux, « la place de l’exercice libéral y est restreinte, dans le seul collège employeur du futur conseil d’administration de la Caisse nationale du régime universel ». Le syndicat appelle les médecins à la mobilisation pour une meilleure prise en compte de leurs demandes.

De son côté l'Union française pour une médecine libre (UFML) ne cache pas son mécontentement. « Les réserves des professions libérales et indépendantes vont être utilisées et détournées de leur fonction sans notre accord pour permettre une transition vers un système universel. Elles vont servir à payer une partie des cotisations générales ! Pour résumer, on veut nous faire rentrer dans un système des cotisations qui vont payer des cotisations ! C'est Ubu au gouvernement ». 


Source : lequotidiendumedecin.fr