C’EST UN son de cloche dissonant parmi les protestations du moment. Le Dr Gilles Leclerq, médecin-conseil à l’ACMS (Association interprofessionnelle des centres médicaux et sociaux de santé au travail de la région Ile-de-France), soutient la réforme de la médecine du travail votée par les députés, telle qu’elle arrive aujourd’hui sur le bureau de la commission des Affaires sociales du Sénat. Pour le Dr Leclercq, ce texte comporte des « progrès sensibles ».
Dans une note de trois pages qu’il diffuse largement à ses confrères, le Dr Leclerq s’explique. Inefficace, le système actuel n’a pas permis d’éviter le drame de l’amiante. « N’est-il pas antidéontologique de reconnaître un salarié apte à travailler en présence d’un produit cancérogène ?», interpelle-t-il. Une réforme s’impose donc. C’est d’ailleurs à cette urgente conclusion que le Dr Leclerq est parvenu, avec Christian Dellacherie et Paul Frimat, dans un rapport corédigé avant l’été.
Gilles Leclerq entend la colère de ses confrères sans la comprendre. La crainte d’une perte d’indépendance vis-à-vis des employeurs ? Balayée d’un revers de manche. « C’est vraiment faire peu de cas de l’honnêteté intellectuelle et de la compétence des médecins du travail », écrit le Dr Leclerq dans sa note. Les députés ont puisé dans les conclusions du rapport Dellacherie-Frimat-Leclerq pour proposer le développement des équipes pluridisciplinaires, et le recours aux généralistes et aux internes. « ll faut aller encore plus loin, commente Gilles Leclerq, et faciliter la reconversion vers la médecine du travail. C’est pourquoi nous avons proposé la création d’un DESC alternant la théorie et les stages sur deux ans. Le ministère de la Santé, qui nous a récemment reçus, semble favorable à la création de passerelles compte tenu des nombreuses demandes de généralistes. Il souhaite étendre cette possibilité à toutes les spécialités médicales, ce qui va prendre du temps, sans doute deux ou trois ans. »
Un diplôme universitaire « médecine du travail » pourrait voir le jour à la rentrée de septembre 2011. Ce DU, combiné à la validation des acquis et de l’expérience, pourrait déboucher sur l’attribution d’un DES spécifique. « C’est une piste qui permettrait aux médecins en voie de reconversion d’être embauchés directement par une structure de santé au travail, dans leur région, et avec un salaire supérieur à celui d’un interne, d’environ 4 000 ou 4 500 euros », s’enthousiasme le Dr Gilles Leclerq.
Alors que l’opposition à la réforme en préparation s’organise, Gilles Leclerq espère que les sénateurs tiendront bon, et qu’ils ne changeront pas une ligne aux amendements adoptés par les députés. « Ce projet n’est pas l’enterrement de la médecine du travail annoncé par ses détracteurs. Ce projet améliore la protection de la santé des travailleurs », conclut-il.
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