Live chat du « Quotidien »

Contrôle d'activité, contentieux avec la CPAM… Posez vos questions à nos deux avocats

Publié le 01/02/2022

Quelle attitude tenir en cas de contrôle d'activité par la caisse d'assurance-maladie ? Comment gérer une plainte devant la section des assurances sociales ? Les médecins ne sont pas toujours bien armés pour faire valoir leurs droits en cas de contentieux sur leurs pratiques médicales. Maîtres Maud Geneste et Jacques-Henri Auché, avocats au cabinet Auché Avocats Associés, répondront à vos questions sur le sujet pendant près d'une heure au cours d'un Live chat. Œuvrant exclusivement dans la défense des professionnels de santé, Me Geneste anime depuis plusieurs années la rubrique « Le Droit & Vous » du « Quotidien ».
 
Peut-on refuser un contrôle d'activité ? Comment préparer et conduire un « entretien confraternel » à l’issue du contrôle ? Peut-on contester une mise sous accord préalable ? Quel est le rôle de la section des assurances sociales ? Quelles sanctions encourt un médecin ? Dans quels cas se faire assister par un avocat ?

Chat Geneste Auché

Journaliste QDM (SL)
Bonjour à toutes et à tous.
Les médecins font l'objet de contrôles d'activités par l'Assurance-maladie. Ces contrôles peuvent déboucher sur des sanctions financières importantes. Comment aborder au mieux ces situations ? Quelles sont les règles à respecter pour faire valoir ses droits ?
Pour en parler, nous accueillons aujourd’hui maître Maud Geneste et maître Jacques Henri Auché, avocats au cabinet Auché Avocats Associés. Ils répondront à vos questions pendant près d'une heure.

Journaliste QDM (SL)
Le Live chat va bientôt commencer. Nos deux invités interviendront à distance, depuis Montpellier où est installé leur cabinet.

Journaliste QDM (SL)
Bonjour Maud Geneste. Bonjour Jacques Henri Auché. Nous sommes ravis de votre participation à ce Live chat.
Mes Geneste et Auché
Bonjour, nous sommes ravis de participer à ce chat organisé par "Le Quotidien du Médecin" et nous espérons qu'il permettra de vous éclairer sur toutes les difficultés que vous pouvez rencontrer pendant un contrôle d'activité, ou à la suite d'un contrôle d'activité.
RDG
Les médecins libéraux sont-ils à risque de contrôle fiscal ? Et que faire (ou ne pas faire) quand on fait l'objet de ce type de procédure ?
Mes Geneste et Auché
Même si cela ne constitue pas l'objet même du chat du jour, puisque le contrôle d'activité et le contrôle fiscal sont deux types de contrôle distincts, nous vous confirmons, qu'effectivement, les médecins libéraux comme toutes les professions libérales sont toujours à risque de contrôle fiscal.
Il est donc vivement conseillé en cas de contrôle fiscal de prendre attache avec son expert comptable et éventuellement son avocat.
Carrouze
J'exerce en désert médical et il m'arrive de voir 50 patients par jour : le Conseil de l'Ordre ou la Caisse peuvent-ils me le reprocher ?
Mes Geneste et Auché
Dans la mesure où vous exercez dans un désert médical, les caisses ainsi que le Conseil de l'Ordre savent que cela entraîne généralement un surcroît d'activité, et cela ne génère donc pas forcément un contrôle. Il faut par ailleurs préciser que si le contenu d'une consultation est précisé par les textes ; en revanche, la durée ne l'est pas.
S'il peut paraître excessif de voir 50 patients par jour, cela ne constitue donc pas forcément une anomalie. Il faudra en revanche être très vigilant et démontrer qu'il s'agit de réelles consultations facturées à la caisse et non pas d'actes fictifs.
La cata
Sur quels critères la Caisse estime-t-elle que nos prescriptions d'arrêt de travail sont abusives ?
Mes Geneste et Auché
La Caisse estime que les prescriptions d'arrêt de travail peuvent être abusives en se fondant généralement sur la moyenne régionale des arrêts de travail des médecins.
Si la Caisse constate un écart considérable, elle risque de mettre en place une procédure de mise sous accord préalable.
Il s'agira pour le médecin attaqué par la Caisse de démontrer en quoi sa patientèle se différencierait de la patientèle type résultant des moyennes régionales.
House
Pour ne pas avoir de problèmes avec la Sécu, conseillez-vous aux prescripteurs libéraux comme moi de se caler sur la moyenne de leurs confrères ? Comment avoir accès à ces données ?
Mes Geneste et Auché
Il s'agit effectivement de regarder tous les ans son activité dans le RIAP (relevé individuel d'activité et de prescriptions) qui détaille l'activité de chaque praticien et la compare à la moyenne régionale.
Il est par conséquent conseillé de rester dans cette moyenne sauf à pouvoir être en mesure d'expliquer en quoi sa patientèle serait différente et présenterait des particularités justifiant la prescription d'arrêts de travail en proportion plus importante.
dadouzaza
Lors d'un contrôle par exemple avec anomalies de facturation, d'association d'actes : la méconnaissance des règles, l'ignorance peuvent-elles être plaidées et apporter une réduction des sanctions ?
Mes Geneste et Auché
A l'issue du contrôle, diverses procédures peuvent être mises en place par les caisses et notamment au niveau financier. Deux types de procédure : procédure de récupération d'indus et procédure de pénalités financières.
La pénalité financière ne peut être prononcée en cas de bonne foi, et donc il sera intéressant de démontrer la méconnaissance des règles et l'ignorance pour éviter une telle pénalité. En revanche, cela n'aura pas d'incidence sur la procédure en recouvrement d'indus.
Juanito de Quito
J’ai un contrôle CPAM en cours. J’ai reçu une liste « d’irrégularités » et je dois me rendre chez le MedCo dans un mois. Dois-je venir accompagné ou, à ce stade, discuter CCAM directement avec eux ?
Mes Geneste et Auché
Non, il est toujours conseillé d'aller à l'entretien à l'issue du contrôle d'activité, accompagné d'un confrère ou d'un avocat.
S'il s'agit d'une discussion relative à l'application de la CCAM, il est vivement conseillé d'y aller assisté d'un confrère de la même spécialité et si possible appartenant à un syndicat ayant l'habitude des contrôles d'activité.
Une petite réserve : tout dépendra du montant réclamé par la Caisse et de l'enjeu du litige. Pour des indus peu importants, il n'est pas utile d'y aller et même pas opportun d'y aller avec un avocat car cela pourrait jeter une suspicion sur le praticien contrôlé.
Dr Rivera
J’ai un contrôle médical CPAM. Courrier hyper menaçant du directeur mais plutôt conciliant du médecin conseil, qui me recommande de venir m’expliquer devant eux, cas par cas, et sans assistance d’avocat. Est-ce légal ? Vous me conseillez quoi ?
Mes Geneste et Auché
Non, il n'est pas légal de refuser l'assistance d'un avocat à un praticien contrôlé. En effet, le contrôle d'activité par le service médical doit toujours être réalisé en respectant le principe des droits de la défense et du contradictoire. L'assistance d'un avocat est de droit.
Si par extraordinaire vous n'avez d'autre solution que de vous rendre seul à un entretien, il ne faut en tout état de cause jamais signer quoi que ce soit à l'issue de cet entretien et indiquer à la Caisse et au service médical que vous souhaitez prendre le temps de la réflexion (pas de signature d'accord ou de protocole transactionnel).
Raïssa
Bonjour, plusieurs gynécologues d'Ille-et-Vilaine font l'objet d'une procédure de recouvrement d'indus par la Sécurité sociale pour des montants exorbitants (2,5 ans de recul de cumul de cotations sont redemandés). Pouvons-nous obtenir une réduction de peine, avec quels arguments ?
Mes Geneste et Auché
En l'état, il n'est malheureusement pas possible de répondre à votre question faute de connaître les raisons pour lesquelles les indus vous sont réclamés.
Ce qu'il faut savoir en revanche, c'est que la caisse est parfaitement en droit de réclamer la récupération (ou le remboursement) des actes payés par elle sur trois ans, ou cinq ans si la caisse estime qu'il y a une faute commise par le professionnel de santé.
Quoi qu'il en soit, si une négociation n'est jamais exclue avec la Caisse, elle peut s'avérée en revanche délicate si les montant d'indus sont exorbitants comme vous l'indiquez puisqu'elle suspectera, à tort ou à raison, l'existence d'une fraude.
Nous vous conseillons donc vivement de bien étudier, au besoin en interrogeant les confrères ou les syndicats de spécialistes concernés, afin de déterminer si oui ou non le cumul d'actes est justifié.
Stone
Dans l'une de vos précédentes réponses, qu'appelez-vous "indus peu importants" ?
Mes Geneste et Auché
Tout dépend de la spécialité exercée, du chiffre d'affaires réalisé et de la qualification par la Caisse des griefs reprochés (fraude ou faute), mais généralement en dessous de 10 000 ou 15 000 euros, on peut estimer que l'indu n'est pas très important.
docosteo
La CPAM conteste de nombreux indus que l'on fait parfois en CV dégradée car les gens oublient leur carte. Ils nous réclament des actes qui ont été faits et sont procéduriers. Que faire ?
Mes Geneste et Auché
La gestion des feuilles de soins dégradées par les caisses est très compliquée, et nécessite en outre de la part du médecin l'impression d'un duplicata, d'un bordereau récapitulatif par caisse en fin de journée, avec toujours un risque d'indus à la clé si la caisse a trop remboursé le patient.
En cas d'oubli de la carte Vitale, il est donc plus judicieux de faire une feuille de soins papier.
Journaliste QDM (PT)
J'ai fait une consultation de cancérologie. Post staff dite longue, patiente 80 ans métastatique.
CS MPC MCS + MTX, patiente à 100 %.
Ne retrouvant pas le code MTX, j ai fait une feuille classique sur laquelle la patiente a noté ne pas avoir payé. Dans un premier temps, la CPAM m'a demandé de confirmer le code MTX. Courrier de Rouen, puis de Rennes. Dans un 3e temps, ils me disent avoir remboursé ma patiente qui n'avait pas payé. Mais comble de la malhonnêteté, ils me demandent de la contacter pour me faire payer...
Incroyable. Quelle démarche pour la reconnaissance de leur erreur et se faire payer par la CPAM et non par la patiente ?
Mes Geneste et Auché
Nous comprenons parfaitement votre mécontentement mais malheureusement vous n'avez effectivement, en théorie, que la faculté de demander le paiement de l'acte à la patiente directement...
Si un courrier de réclamation à la Caisse nous paraît pour le principe judicieux, il ne faut toutefois pas en attendre grand chose.
Journaliste QDM (SL)
En rapport avec une précédente question relative à des gynécologues :

-- Raïssa
Il s’agit de cumul actes cliniques et techniques, non reconnus. 31 gynécologues concernés. Ils ont bien reconnu qu’il était nécessaire que nous le fassions mais ne veulent pas que nous les cotions. Pensez vous que nous ayons une marge de négociation? Merci pour vos réponses.
Mes Geneste et Auché
Il s'agit de vérifier si les règles de cumul de ces actes cliniques et techniques sont prévus par la CCAM. Si tel est le cas, il ne nous apparaît pas que vous ne puissiez pas les facturer, sauf à ce que la caisse vous explique sur quel fondement elle estime que c'est impossible.
Il y a, quoi qu'il en soit, toujours une marge de négociation possible avec les caisses si elles estiment que vous êtes de bonne foi...
Dans ce genre de situation, il est vivement recommandé de se rapprocher du syndicat des gynécologues pour déterminer si d'autres confrères ont la même pratique. Et cela afin d'avoir une marge de négociation plus importante car il s'agira d'une pratique généralisée, non révélatrice d'une fraude et d'une interprétation des règles de la CCAM commune à de nombreux confrères.
Attention toutefois, la règle reste, selon la CCAM, l'interdiction du cumul d'un acte technique et d'un acte clinique, sauf pour l'ECG.
Journaliste QDM (PT)
Une consœur a été condamnée en appel par le TGI de Papeete en 2019 pour le détournement de ma patientèle à me dédommager d’une somme conséquente.
Le jugement étant exécutoire, celle-ci a quitté la France où elle était installée pour se réfugier au Cameroun d’où elle est originaire. Elle est inscrite au conseil de l’Ordre national de ce pays et exerce au sein d’une clinique privée.
Je dois faire l’exequatur du jugement (accord bilatéral France-Cameroun) afin de faire exécuter ce jugement.
Cependant, afin d’éviter une action en justice longue coûteuse et aléatoire, j’ai pensé à faire intervenir l’ordre des médecins du Cameroun à fin de médiation.
De quels moyens dispose l’Ordre des médecins pour faire pression sur cette personne et obtenir un arrangement à l’amiable ?
Par exemple, menace de la sanction de suspension de son droit d’exercer tant qu’elle n’aurait pas réglé sa dette.
Mes Geneste et Auché
C'est effectivement à tenter, puisque l'Ordre national des médecins du Cameroun est en charge des questions de déontologie et des conflits entre confrères.
A première vue d'ailleurs, les règles apparaissent sensiblement les mêmes qu'en France, un décret n°83-166 du 12 avril 1983 portant code de déontologie des médecins est en vigueur, sauf erreur, au Cameroun.
Nous vous conseillons vivement de prendre un avocat camerounais pour effectuer tant l'exequatur que le dépôt d'une plainte disciplinaire.
Stone
La règle du non-cumul n’apparaît-elle pas obsolète aujourd’hui où la pénurie médicale ne permet plus de faire revenir 3 fois les gens pour des actes faisables en une fois ?
Mes Geneste et Auché
Si les médecins doivent, conformément aux dispositions L162-2-1 du code de la Sécurité sociale, observer la plus stricte économie compatible avec la qualité, la sécurité et l'efficacité des soins, et qu'il est donc évidemment moins coûteux de tout réaliser en une seule fois, cette règle du non-cumul perdure et le praticien n'a d'autre solution que de s'y conformer, la Caisse étant sur ce point généralement inflexible.
Journaliste QDM (PT)
Le médecin contrôleur a décidé de reprendre la cotation de certains actes chirurgicaux et a estimé non nécessaire de coter un second code de l’intervention (à 50% de sa valeur) sous prétexte que le premier acte opératoire comprend le second implicitement (ceci n’est pas écrit dans le Manuel de codage d’actes). La CPAM a demandé de rétrocéder le surplus encaissé depuis deux ans. A-t-il le droit de faire cela ? Bien cordialement.
Mes Geneste et Auché
Oui, la Caisse est parfaitement en droit de réclamer les actes qui lui ont été facturés à tort. Toutefois, nous vous conseillons d'abord de vérifier si le deuxième acte facturé était inclus dans le premier comme le pense le médecin conseil en se fondant sur la notion d'acte global.
S'il existe un acte global à la CCAM, la caisse est en droit de réclamer le deuxième acte facturé à tort, à 50 % ou non.
dadouzaza
Le médecin contrôleur peut-il venir au cabinet pour "voir comment cela se passe ?" Quid du secret médical ? Faut-il le consentement des patients ?
Mes Geneste et Auché
Le médecin contrôleur dispose de pouvoirs très étendus tels que définis aux articles L315-1 et R315-1-1 du code de la Sécurité sociale, comme la consultation des dossiers médicaux des patients, il peut entendre et examiner ces patients.
En revanche, le code de la Sécurité sociale ne prévoit pas que le médecin contrôleur puisse se rendre dans le cabinet du praticien contrôlé pour voir comment cela se passe.
Stone
S'il existe un désaccord manifeste sur certaines indications entre le médecin et la CPAM, une expertise est-elle en mesure de trancher ou est-ce l'interprétation de la Caisse qui prime ?
Mes Geneste et Auché
S'il existe un désaccord manifeste entre le médecin et la Caisse, sur l'interprétation de la règle de cotation, celle-ci sera tranchée par le juge, lequel pourra éventuellement déterminer si l'interprétation de la Caisse est la bonne en ordonnant éventuellement une expertise par un expert judiciaire (cela est rarissime).
Journaliste QDM (SL)
À quels moments du parcours de contrôle peut-on s'expliquer de vive voix ?
Peut-on le faire devant la commission de recours amiable ?
Merci de votre réponse
Mes Geneste et Auché
On peut toujours solliciter un entretien avec le médecin conseil en cours de contrôle en cas de difficultés particulières, lequel aura toutefois un caractère informel et reste à la discrétion du service médical.
En revanche, à l'issue du contrôle, un entretien peut toujours être sollicité par le praticien (il doit l'être dans le mois de la notification des griefs par la caisse) et il est vivement conseillé d'y aller assisté d'un confrère ou d'un avocat.
Devant la commission de recours amiable, il n'est pas prévu la faculté d'être entendu et il est donc vivement conseillé de motiver attentivement son recours écrit adressé à la commission de recours amiable.
Journaliste QDM (SL)
Ce Live chat est sur le point de se terminer. Dernière question.

Stone
Pouvez-vous résumer comment a évolué la jurisprudence ces dix dernières années ? En quelques mots...
Mes Geneste et Auché
Les contrôles d'activité se sont accrus ces dix dernières années et amènent depuis environ cinq ans à une jurisprudence fournie. La jurisprudence depuis une quinzaine d'années rappelle toujours que les règles du code de la Sécurité sociale s'appliquent strictement.
On s'aperçoit que la jurisprudence impose aux caisses de Sécurité sociale de respecter strictement les règles de procédure de contrôle d'activité, afin de préserver les droits de la défense des praticiens contrôlés.
Journaliste QDM (SL)
Merci d’avoir participé à ce Live chat avec les lecteurs du « Quotidien ». Le mot de la fin, maître Geneste, maître Auché ?
Mes Geneste et Auché
Merci infiniment au "Quotidien du Médecin" et à toute son équipe de nous avoir permis d'animer ce chat, merci aux lecteurs de nous avoir fait part de leurs interrogations aussi variées qu'intéressantes. Nous espérons que nos réponses auront permis de vous éclairer !
Journaliste QDM (SL)
Merci à toutes et à tous pour votre participation. Rendez-vous dans quelques semaines pour un nouveau Live chat.

 


Source : lequotidiendumedecin.fr