Une période cruciale où s’installe le déficit

L’ostéoporose, une maladie pédiatrique

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Publié le 15/07/2022
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Le capital calcique osseux se constitue durant la croissance. C’est pourquoi le lait et les produits laitiers sont si importants durant l’enfance et l’adolescence, a plaidé la Dr Laurence Plumey, médecin nutritionniste, praticienne hospitalière et fondatrice d’EPM Nutrition (1) lors de la journée mondiale du lait, le 1 er juin dernier (2).
Les enfants et adolescents se détournent de plus en plus du lait

Les enfants et adolescents se détournent de plus en plus du lait
Crédit photo : phanie

« Le capital calcique osseux n’est que de 30 g à la naissance, alors qu’il est d’environ 1 kg vers l’âge de 17-18 ans. Ainsi, c’est bien durant les 18 premières années de vie que le jeune dépose progressivement du calcium dans ses os pour les rendre solides… À condition de recevoir des apports calciques suffisants durant cette période ! » Pour la Dr Laurence Plumey, il est nécessaire de rappeler les nombreuses qualités nutritionnelles du lait — protéines, calcium, phosphore, vitamines (A, D et du groupe B) — à un moment où les produits laitiers font l’objet de critiques récurrentes, et où leur consommation baisse chez les enfants et adolescents.

Manque de calcium

Alors que 69 % des enfants de 3 à 11 ans buvaient du lait en 2016, ils n’étaient plus que 65 % en 2019. Du côté des adolescents (de 12 à 17 ans), on est passé de 61 % en 2016 à 52 % en 2019. « Quand ils boivent du lait, l’apport calcique moyen est de 350 à 400 mg. Mais, quand ils n’en boivent pas, cet apport chute à 100 mg, ce qui signifie qu’ils ne compensent pas par un autre produit laitier », déplore la Dr Plumey. Selon les dernières données de consommation Inca 3, les enfants de 4 à 17 ans consomment en moyenne 100 ml de lait par jour, une quantité qui se révèle donc insuffisante. Le manque d’apport calcique est d’ailleurs confirmé par cette même, qui indique que 38 % des enfants de 7 à 18 ans ne couvrent pas les apports recommandés en calcium (dont 48 % de filles) et qu’entre 11 et 17 ans, ils sont 77 % à manquer de calcium (dont 85 % de filles).

Dommages irréversibles

Conséquence de ces déficits ? Une baisse du capital calcique, qui peut s’installer rapidement et durablement. « Si le jeune a manqué de lait et de produits laitiers pendant toute son enfance, les dommages sont irréversibles car la capacité de capitalisation n’est plus du tout aussi efficace à l’âge adulte, complète la Dr Plumey. Non seulement ces enfants et adolescents ont des os plus fragiles, mais ils sont également prédestinés à développer, à partir de 50 ans, une ostéoporose plus précoce et plus sévère, avec un fort risque fracturaire. C’est très problématique, en particulier pour les femmes. » L’ostéoporose touche sept femmes pour un homme ; 10 % des femmes de plus de 50 ans sont concernées et 40 % des plus de 75 ans. « Ces chiffres sont appelés à augmenter. Les implications en termes de santé publique sont d’ores et déjà importantes, constate-t-elle. En France, sur la seule année 2020, on a recensé 50 000 fractures du col du fémur, 50 000 tassements vertébraux et 75 000 fractures du poignet. »

Santé publique

Vieillissement inéluctable de l’os, l’ostéoporose est accélérée sous l’effet de la ménopause, de traitements répétés par corticoïdes, de la sédentarité… et de la carence d’apport calcique, en particulier quand elle a eu lieu pendant l’enfance et l’adolescence. « Plusieurs études ont montré que les femmes de plus de 50 ans qui ont bu suffisamment de lait durant les 18 premières années de leur vie ont une meilleure ostéodensitométrie que les autres, ajoute la Dr Plumey. C’est pour cela que l’on considère l’ostéoporose comme une maladie pédiatrique. Dans ce contexte, une des pistes pour réduire le risque fracturaire consiste bien à consommer des produits laitiers tout au long de la vie, et en particulier durant les 18 premières années, période cruciale pour constituer son capital calcique. » Et quid des quantités ? « Trois produits laitiers par jour de la naissance à l’âge de 10 ans, puis quatre de 10 à 18 ans et, enfin, au moins trois à l’âge adulte. »

Exergue : « Les femmes de plus de 50 ans qui ont bu suffisamment de lait durant les 18 premières années de leur vie ont une meilleure ostéodensitométrie »

(1)Pour en savoir plus : epm-nutrition.org

(2) Conférence de presse organisée par Syndilait, l’organisation professionnelle qui regroupe la majorité des fabricants de lait de consommation liquides en France, soit quinze entreprises

Anne-Lucie Acar

Source : lequotidiendumedecin.fr