Urgences digestives de l’enfant : l’échographie en première ligne

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Publié le 29/10/2021
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Les vomissements chez l’enfant peuvent constituer le premier signe d’appel d’une urgence digestive. Qu’il s’agisse d’une invagination intestinale aiguë, d’une appendicite ou plus rarement d’une occlusion, l’échographie constitue l’examen de première intention.
L’invagination intestinale aiguë est le plus souvent idiopathique entre 3 mois et 3 ans

L’invagination intestinale aiguë est le plus souvent idiopathique entre 3 mois et 3 ans
Crédit photo : phanie

L’invagination intestinale aiguë (IIA) est une urgence diagnostique et thérapeutique du fait du risque d’ischémie, de nécrose et de perforation. C’est l’urgence abdominale la plus fréquente chez le nourrisson. La triade douleurs abdominales paroxystiques, vomissements, rectorragies est classique mais souvent inconstante et la symptomatologie peut se résumer aux vomissements. La forme idiopathique est la plus fréquente (90 à 95 % des cas), surtout entre 3 mois et 3 ans, et fait suite le plus souvent à une infection virale. Elle est de topographie iléocolique. Une IIA récidivante ou survenant chez un enfant de moins de 3 mois ou de plus de 5 ans − même si elle peut se voir à tout âge − doit faire suspecter une forme secondaire à un diverticule de Meckel, une duplication digestive, un lymphome digestif, un purpura rhumatoïde ; elle sera alors plus volontiers grêlo-grêlique.

L’échographie est l’examen clef du diagnostic ; le boudin d’invagination donne une image en cocarde en coupe transversale, en « sandwich » ou « pseudo-rein » en coupe longitudinale. Son diamètre oriente vers une forme anatomique iléocolique ou grêlo-grêlique, cette dernière étant souvent physiologique, intermittente et spontanément résolutive en cours d’examen. L’imagerie recherche une éventuelle cause secondaire et surtout les signes de gravité : absence de vascularisation des anses, épanchement au niveau de la tête d’invagination. L’abdomen sans préparation (ASP) est généralement peu contributif et la TDM n’a pas d’indication, sauf si on suspecte une forme secondaire.

Le lavement thérapeutique sous contrôle radiologique est réservé aux IIA iléocoliques, après avoir formellement éliminé une perforation. Il est réalisé sous prémédication, soit par une méthode pneumatique avec insufflateur de gaz carbonique, soit hydrostatique, avec des produits hydrosolubles. Il permet de visualiser l’image d’arrêt au niveau de l’invagination et de surveiller la progression du boudin, qui descend progressivement en fosse iliaque droite FID sous contrôle scopique.

Des signes d’appendicite souvent frustres chez le tout-petit

L’appendicite aiguë est l’urgence chirurgicale la plus fréquente chez l’enfant, avec un pic de fréquence entre 6 et 12 ans. « Sa présentation est identique à celle de l’adulte, mais elle est souvent frustre, trompeuse et peu spécifique chez le nourrisson et le jeune enfant, d’où un diagnostic souvent tardif au stade de complications ; les formes compliquées représenteraient plus de la moitié des cas avant 5 ans et plus de trois-quarts des cas avant 2 ans », remarque la Dr Sonia Ramadhane (imagerie pédiatrique, CHU de Nice).

Là aussi, l’échographie est l’examen de première intention : elle montre des signes directs − augmentation du diamètre de l’appendice, épaississement de la paroi, hyperhémie, stercolithe − et des indirects : image échogène de la graisse appendiculaire, épanchement. Ces signes indirects peuvent être très importants pour le diagnostic différentiel. On recherche aussi des complications à type d’abcès, péritonite, plastron appendiculaire.

Il peut être difficile de visualiser un appendice ectopique ; un gros appendice n’est pas synonyme d’appendicite, car il peut correspondre à une hyperplasie lymphoïde, une mucocèle appendiculaire ou un épaississement réactionnel à une inflammation loco régionale.

La TDM peut être utile si l’échographie n’est pas contributive (obésité, appendicite ectopique) ou en cas de discordance entre la clinique et l’échographie. Le radiologue ne doit pas méconnaître d’autres causes chirurgicales plus rares de vomissements, notamment les occlusions.

Même en cas d’occlusion

Enfin, les occlusions sur diverticule de Meckel relèvent de divers mécanismes : volvulus sur bride congénitale, bride secondaire à des remaniements inflammatoires chroniques, invagination, occlusion fonctionnelle sur diverticulite ; les tumeurs obstructives sont exceptionnelles. Parmi les autres causes d’occlusion intestinale aiguë, les plus fréquentes sont les brides ou les adhérences, au-devant des duplications digestives, la hernie interne, la hernie étranglée…

Contrairement aux idées reçues, l’échographie est d’un grand intérêt dans les occlusions et reste toujours l’examen de première intention chez le nourrisson et le jeune enfant pour le diagnostic positif, topographique et étiologique, ainsi que pour la mise en évidence de signes de souffrance − épanchement, vascularisation, pneumatose. L’obstacle est inconstamment visualisé en imagerie, surtout en cas de bride ou de hernie interne. L’ASP et la TDM ne sont demandés qu’en seconde intention.

Session 26 409-V3

Dr Maïa Bovard Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin