Pr Israël Nisand, gynécologue-obstétricien, ancien président du CNGOF

« Un label pour distinguer les maternités bientraitantes »

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Publié le 24/06/2022
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Lancé en 2019 dans le sillage de la libération de la parole sur les violences obstétricales, le label « Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) – Maternys » permet aujourd’hui de distinguer les maternités qui inscrivent la bientraitance au cœur de leurs préoccupations.

Crédit photo : DR

LE QUOTIDIEN : Pourquoi avoir décidé de créer un tel label ?

Pr ISRAËL NISAND : En juin 2018, un rapport sur les violences qui se sont produites dans le secteur médical gynécologique et obstétrique à l’encontre des femmes a été remis à la secrétaire d’État Marlène Schiappa. Un an avant, des femmes ayant mal vécu leur grossesse et leur accouchement s’étaient exprimées dans les médias, sur la scène nationale. Une libération de la parole et des révélations qui l’avaient conduit à commander ce rapport inédit. À cette époque, j’étais président du CNGOF. Je ne pouvais pas affirmer sur les ondes que certains confrères se comportaient mal. En revanche, il fallait que l’on fasse concrètement quelque chose pour que moins de femmes vivent leur suivi de grossesse et leur accouchement comme empreint de violences.

Comment expliquez-vous justement ce ressenti de violences ?

On a trop souvent dit que l’accouchement et la grossesse sont des moments merveilleux, en oubliant de parler des risques, des douleurs et des complications, toujours possibles en obstétrique. Dans leurs témoignages, les patientes nous ont reproché de ne pas assez expliquer, informer. C’est un reproche justifié, sur lequel on peut agir.

Une autre cause de ce ressenti de violences concerne les antécédents des patientes : elles ont vécu antérieurement des traumatismes qui font que l’accouchement sera forcément difficile…

Enfin, la question des événements douloureux vécus lors de l’accouchement : analgésie insuffisante, épisiotomies, césariennes ou déclenchements, pratiqués de façon abusive, non-respect du consentement lors d’actes médicaux spécifiques, etc. Là aussi, il est possible de contribuer à ce que cela change : nous avons souhaité faire en sorte que les maternités prennent conscience de la nécessité d’améliorer le vécu des pratiques qui se déroulent dans leurs murs.

Comment est décerné le label ?

Ce label, appelé CNGOF – Maternys, est fait pour mesurer la bientraitance dans les maternités et pour aider celles-ci à améliorer la perception par les femmes des soins qu’elles prodiguent.

Concrètement, la maternité qui le souhaite fait la demande du label. On vérifie ensuite ses statistiques (taux de césarienne, taux d’épisiotomie, notamment), puis on lui demande de s’engager fermement sur douze mesures, en lien direct avec les axes suivants : améliorer l’information et le consentement des femmes et le tracer ; améliorer l’accueil des femmes dans les maternités ; répondre à la demande de démédicalisation et d’autonomie ; promouvoir la bientraitance dans les soins.

Une fois que la maternité a rempli le formulaire et s’est engagée sur ces mesures, le label lui est décerné. Ce sont ensuite les patientes elles-mêmes qui vont pouvoir attester des bonnes pratiques de leur maternité.

Quelle est l’ambition de la plateforme à destination des femmes ?

Avec la création de la plateforme CNGOF/Maternys*, l’objectif est de confier désormais une partie du contrôle qualité aux femmes elles-mêmes. Quand elles sont dans une maternité labellisée, elles ont accès à ce site, où elles peuvent évaluer la bientraitance de leur établissement. Tenir compte de la parole des femmes pour améliorer nos pratiques est pour nous une priorité. En outre, cette méthode permet vraiment de s’inscrire dans un cercle vertueux : quand une maternité est saluée pour ses pratiques, elle en ressent de la fierté, une envie de continuer à faire mieux, et cela donne envie à d’autres de s’inscrire dans la démarche.

Enfin, CNGOF/Maternys est aussi une plateforme d’information, d’encadrement et de suivi de la qualité des soins par les patientes. C’est un outil important pour permettre aux femmes d’accéder à l’information.

La diffusion du label a forcément été affectée par la pandémie de Covid-19. Quelles sont les prochaines étapes ?

Aujourd’hui, une cinquantaine de maternités (sur 450) a obtenu ce label. L’objectif est bien sûr de continuer à le porter, à le faire découvrir et adopter. Le plus important, c’est que les maternités s’impliquent activement dans l’amélioration de la bientraitance, en favorisant la transparence. De l’entretien prénatal précoce au suivi post-accouchement, du confort du nouveau-né aux formulaires de satisfaction, la bientraitance passe par différents leviers, qui peuvent tout changer.

Exergue : « Tenir compte de la parole des femmes pour améliorer nos pratiques est pour nous une priorité »

* maternys.com/label-cngof-maternys

Propos recueillis par Anne-Lucie Acar

Source : lequotidiendumedecin.fr