Téléthon 2024 : l'AFM à la croisée des chemins

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Publié le 29/11/2024

La 37e édition du Téléthon s’ouvre aujourd’hui et l’Association française contre les myopathies (AFM), créée il y a 67 ans, est à un tournant de son histoire. Plusieurs thérapies géniques sont aux portes des phases cliniques et des sommes considérables sont désormais nécessaires pour poursuivre leur développement.

Crédit photo : SIPA

« Cela fait 30 ans que l'on attendait un essai de ce genre ans dans la myopathie de Duchenne », affirme Serge Braun, directeur scientifique de l'AFM-Téléthon en commentant les premiers résultats d’une thérapie génique expérimentée sur cinq patients. Le traitement consiste à introduire hMD1, une version minimale du gène codant pour la dystrophine, à l'aide du virus AAV8. Ce dernier a la particularité de pénétrer dans le muscle, y compris le muscle cardiaque.

À l’heure actuelle, cinq patients âgés de 6 à 10 ans ont été traités, dont quatre en France et un au Royaume-Uni. Huit semaines après l'injection, 54 % des fibres musculaires des patients traités expriment la microdystrophine. En outre, le taux de CPK a baissé de 74 % en moyenne. Douze mois après l'injection, le score clinique des patients traités est resté stable, alors qu'il aurait dû diminuer de trois points.

Selon Serge Braun, 30 à 35 % des malades ne sont pas éligibles à ce traitement, car porteurs d’anticorps anti-AAV. Cependant, « des recherches sont en cours pour contrecarrer ce problème, rassure-t-il. On pense pouvoir détruire transitoirement ces immunoglobulines ». Un essai clinique incluant des patients positifs pour les immunoglobulines anti-AVV est en préparation, dans l'indication de la maladie de Crigler-Najjar, utilisant un traitement immunosuppresseur transitoire. « S’il fonctionne, on pourra tenter cette stratégie dans la maladie de Duchenne », espère Serge Braun.

Recherche de nouveaux partenaires

Ces résultats sont le fruit d'un long processus commencé en 1993, avec le premier succès d'une thérapie génique de la myopathie de Duchenne chez la souris par l'équipe d'Axel Khan. « Depuis, on n'avait un peu arrêté d'y croire », reconnaît Laurence Tiennot-Herment, présidente de l’AFM. Maintenant que les données chez l'homme sont enfin positives, c'est un autre problème qui se dresse : le financement des phases cliniques suivantes.

Pour mener le futur essai pivot de la thérapie génique de la maladie de Duchenne sur 64 malades, prévu pour démarrer en 2025, 115 millions d'euros seront en effet nécessaires, dont 40 rien que pour l'année prochaine. À titre de comparaison, le Téléthon 2023 avait permis de permis de collecter la somme record de presque 93 millions d'euros. « Il ne sera pas possible de financer de tels travaux uniquement grâce à la générosité publique », prévient Laurence Tiennot-Herment.

L'AFM recherche en ce moment des partenaires pour cofinancer les dernières étapes de développement de ces diverses thérapies géniques. Mais Laurence Tiennot-Herment craint des divergences d'opinions. « Les entreprises pharmaceutiques et les fonds d'investissement peuvent partager notre ambition de mettre à disposition ces traitements, mais nous pourrions ne pas tomber d'accord sur les prix : notre volonté à nous est que ces thérapies géniques soient les plus accessibles possible. » Or les thérapies géniques déjà sur le marché coûtent jusqu'à deux millions d'euros par patient. « Si on a un partenaire pharmaceutique ou un fonds d'investissement, nos chemins risquent de diverger sur la question du prix », alerte Laurence Tiennot-Herment, qui appelle les pouvoirs publics à s'investir. « À l'heure où on parle d'indépendance sanitaire, il est inconcevable qu'on laisse dans un placard ces candidats médicaments, s’indigne-t-elle. Il faut qu'on puisse industrialiser les médicaments de thérapie génique en France. »

Les myopathies des ceintures

Un autre groupe de myopathies pourrait bientôt faire l'objet d'une première étude clinique chez l'homme : les myopathies des ceintures. L'équipe d'Isabelle Richard, directrice de recherche au Généthon, a mis au point un premier candidat médicament en association avec la biotech Atamyo Therapeutics. Il s'agit d'un vecteur AAV contenant le gène codant pour la protéine FKRP. Ce gène, identifié par Isabelle Richard, est muté dans certaines myopathies des ceintures.

Trois patients ont déjà été traités. Sur un an, leur vitesse de déplacement a augmenté de 18,7 %, alors qu'elle diminue de 8,2 % durant la même période dans les cohortes historiques de malades non traités. Le score sur l'échelle de fonction motrice n'a pratiquement pas baissé (contre une baisse de 8,9 % dans la cohorte historique). Les patients traités ont par ailleurs amélioré leurs performances de 15,8 % dans le test activlim (contre une baisse de 7,3 % pour les patients non traités).

En attendant la confirmation de ces résultats, Atamyo Therapeutics a obtenu une autorisation des autorités de santé pour un essai clinique de thérapie génique dans une autre forme de myopathie des ceintures : la gamma-sarcoglycanopathie. Cet essai devrait inclure des enfants de 6 à 12 ans. Un troisième traitement, cette fois destiné à la calpaïnopathie, est également en cours de développement.


Source : lequotidiendumedecin.fr