Fibrose pulmonaire post-Covid : une physiopathologie particulière

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Publié le 16/02/2023
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Le mystère a été levé par une équipe de pointe : la fibrose pulmonaire survenant après un Covid sévère fait appel à mécanisme particulier, conjuguant ischémie lobulaire et remodelage fibrotique. Des marqueurs prédictifs ont aussi été identifiés.

La physiopathologie des complications de l’infection à Covid-19 reste imparfaitement élucidée. C’est particulièrement vrai des modifications pulmonaires à long terme, post-infection aiguë. Nul ne sait en effet vraiment pourquoi certains patients évoluent vers la fibrose pulmonaire, d’autres non. Pour rappel, la fibrose toucherait près de 20 % des patients ayant dû être hospitalisés. On ne connaît guère de marqueurs biologiques permettant de prédire cette évolution

Mais, récemment, un important travail mené par une collaboration de chercheurs est venu éclairer les mécanismes impliqués dans les modifications du tissu connectif pulmonaire, consécutives à l’infection aiguë à Covid-19 (1). Cette équipe pluridisciplinaire a associé des techniques d’imagerie et de biologie moléculaire très poussées (avec même un synchrotron), pour réussir à élucider la physiopathologie de la fibrose pulmonaire post Covid-19.

« Ces travaux montrent que l’infection pulmonaire sévère à Covid-19 est la conséquence d’une micro-ischémie lobulaire secondaire, associée à un remodelage fibrotique. Ces mécanismes menant au développement d’un type de fibrose interstitielle pulmonaire bien particulier », résument les auteurs. L’éditorial accompagnant cette publication souligne : « Des marqueurs plasmatiques associés ont par ailleurs été mis en évidence. Ils pourraient être utiles en terme diagnostic et de pronostic. Ils pourraient aussi ouvrir de nouvelles perspectives thérapeutiques » (2).

Un travail pluridisciplinaire mêlant imageries et biologies moléculaires de pointe

Les chercheurs sont partis de spécimens pulmonaires issus : de personnes décédées d’une défaillance pulmonaire liée au Covid-19 (n = 31) ; de personnes décédées d’une pneumonie liée à une grippe sévère à H1N1 (n = 7) ; de personnes souffrant de fibrose interstitielle en phase terminale (n = 18) ; de sujets contrôles aux poumons sains et non infectés (n = 24).

Ces spécimens ont été analysés par diverses techniques d’imagerie très pointues (synchrotron, tomographie à contraste de phase hiérarchique basé sur les radiations, microscopie électronique à balayage pour les coulées de corrosion microvasculaires, immunohistochimie, spectrométrie de masse à désorption laser assistée par matrice). Une analyse de l’expression des ARNm et des processus biologiques a aussi été réalisée.

En parallèle, ces chercheurs ont aussi travaillé sur des plasmas : de patients hospitalisés pour Covid-19 ; de patients hospitalisés pour détresse respiratoire aiguë liée à une grippe ; de patients porteurs de fibrose interstitielle pulmonaire. Ces plasmas ont été analysés, à la recherche de biomarqueurs biologiques, par immuno-essai (Elisa). Enfin, les données anatomiques et moléculaires ont été analysées comme fonction du moment d’hospitalisation du patient.

Occlusions microvasculaires et ischémie lobulaire secondaire mènent à une fibrose particulière

« L’imagerie déployée dans ce travail de recherche a permis de mettre en évidence que la progression vers une fibrose interstitielle passe, en post-Covid-19, par un chemin bien particulier d’un point de vue tant morphologique que moléculaire », résume l’éditorialiste.

Les résultats suggèrent en particulier que « l’évolution vers la fibrose est le fruit de la micro-ischémie lobulaire secondaire, elle-même aggravée par l’affaiblissement de la circulation bronchique compensatoire », selon les auteurs. On a en effet une perturbation de la circulation microvasculaire, liée aux irrégularités des lumières vasculaires, aux nombreux thrombus et à une certaine inflammation endothéliale.

À cela, s’ajoute une néovascularisation compensatoire, liée à une stimulation de l’angiogenèse, qui précède généralement le remodelage fibrotique fatal. Ces hypothèses ont été confirmées par l’analyse des ARNm exprimés, qui a mis en évidence une augmentation de l’expression des gènes angiogéniques et fibrotiques.

Enfin, côté plasmatique ce travail a permis d’identifier plusieurs biomarqueurs clés, prédictifs de l’évolution vers la fibrose post Covid-19 (TSP2, GDF15, IGBFP7 et Pro-C3). Des taux élevés ont été corrélés à l’évolution fibrotique.

 

(1) M Ackermann et al. The fatal trajectory of pulmonary Covid-19 is driven by lobular ischemia and fibrotic remodelling. Lancet 2022(85)104296

doi.org/10.1016/j.ebiom.2022.104296

(2) F Caccuri, A Caruso. Endothelial cells are major players in SARS-CoV-2-related acute respiratory distress syndrome. Lancet 2022(86) 104328

doi.org/10.1016/j.ebiom.2022.104328

 

Pascale Solère

Source : lequotidiendumedecin.fr