Les facteurs de risque de covid long précisés par la cohorte des vétérans

Par
Publié le 13/10/2022

Parmi 200 000 vétérans américains ayant fait un Covid, au moins 13 % de Covid longs ont été enregistrés. Age, comorbidités, épisode aigu sévère et absence de vaccination majorent le risque. Les minorités ethniques payent aussi un plus lourd tribut.

Crédit photo : phanie

Les facteurs de risque de développer un Covid-19 long, c’est-à-dire de présenter des symptômes liés au Covid-19 persistant plus de 3 mois après l’infection, restent assez discutés. Plusieurs hypothèses ont été avancées. Aujourd’hui, une analyse menée dans la vaste cohorte américaine des vétérans vient pointer des signes cliniques fort simples à identifier. Dans cette cohorte, rassemblant essentiellement des hommes blancs d’âge mûr, après ajustements seuls l’âge, la présence de multiples comorbidités, appartenir à une minorité, avoir fait une infection aiguë sévère ou n’être pas vacciné (moins de deux injections) au moment de l’infection majorent significativement le risque de développer un Covid long.

L’étude s’est intéressée, au sein de la cohorte des vétérans, aux sujets ayant fait une infection documentée à Covid-19 entre février 2020 et mai 2021, toujours vivants et sans évidence de réinfection dans les trois mois suivants. Soit près de 200 000 personnes dont 89 % d’hommes, d’âge moyen 60 ans (60,4 ± 17,7 ans), majoritairement blancs (67 %).

Pas de définition universelle

« Parmi ces 200 000 personnes, 13,5 % ont développé un Covid long au cours des 13 mois de suivi moyen. Celui s’est présenté sous diverses formes cliniques et, surtout, sa fréquence a une importante variabilité d’une région à l’autre, et en fonction des centres médicaux consultés par ces patients. Ce qui est en partie lié à l’absence de définition universelle validée de ce qu’est un Covid long… absence dont souffrent tous les travaux menés sur ce thème », rappellent les auteurs.

« Le taux de Covid longs dans cette cohorte est d’ailleurs inévitablement sous estimé », ajoutent-ils. « Notre approche, fondée sur les registres, n’a capturé que les symptômes et manifestations de Covid long ressentis comme tels par les patients, et côtés comme tels dans les bases de données par leurs médecins. Ce taux de 13 % représente donc probablement plus le taux de Covid long sévères que celui de l’ensemble des Covid longs », commentent les auteurs. Pour rappel, dans une revue de la littérature rassemblant 57 études et 250 000 survivants au Covid-19, dont près de 80 % avaient été hospitalisés, on est autour de 50 % de séquelles post-Covid à 6 mois. Quand, dans la vaste étude en population britannique React-2, on est à 38 % des patients toujours symptomatiques à 3 mois (un symptôme : 38 % : trois symptômes : 15 %).

Des surrisques significatifs

L’analyse multivariée des caractéristiques des sujets ayant développé un Covid long, comparativement à ceux qui en sont exempts, a été réalisée après ajustements sur l’âge, le sexe, la race et/ou ethnie, le lieu de résidence (urbain/rural), le score de comorbidité de Charlson (CCI), l’époque d’infection (première ou deuxième vague pandémique), le nombre de soins primaires, la santé mentale, le nombre de consultations chez des spécialistes dans les deux années précédentes ainsi que sur le statut vaccinal, pour les sujets infectés après le 1er janvier 2021. Elle met en évidence plusieurs facteurs de risque indépendants, parmi lesquels l’âge, la sévérité de l’infection et la présence de multiples comorbidités :

- Âge : comparativement à des personnes de 18-49 ans, les plus de 50 ans ont un surrisque qui croît progressivement avec l’âge (RR = 1,4 [1,3-1,5]) jusqu’à 80-84 ans. Au-delà, ce surrisque tend à décroître.

- Sévérité : plus la symptomatologie de l’infection était marquée et sévère, plus le risque de Covid long augmente. Il est majoré de 70 % chez les patients ayant présenté cinq symptômes, par comparaison aux asymptomatiques. Le risque est plus que doublé chez les patients ayant dû être hospitalisés, versus les non-hospitalisés (RR = 2,6) ; tout comme chez ceux mis sous ventilation, versus pas de ventilation (RR = 2,5).

- Comorbidités : le score de comorbidité de Charlston (CCI) est étroitement associé au risque de Covid long. Par comparaison à un CCI de zéro, le risque augmente assez linéairement, de 20 % pour un CCI à 1, jusqu’à 90 % pour des CCI à 7-8. Le risque fait même plus que doubler pour des CCI ≥ 9 (RR = 2,2). Les comorbidités le plus souvent associées au Covid long sont la BPCO, l’asthme, l’insuffisance cardiaque, des antécédents d’infarctus, d’AVC, l’insuffisance rénale et le diabète. Dans les traitements « associés » au développement d’un Covid long, on retrouve les opioïdes et les antagonistes calciques, mais pas les antidépresseurs, ni les IEC ou les statines.

- Ethnie : comparativement aux blancs, les autres races/ethnies ont un risque majoré de 10-20 % de Covid long. Les minorités souffrent donc d’une double peine, puisqu’elles tendent aussi à faire plus de Covid-19 sévères. Ce qui peut être à mettre en lien, pour certaines minorités, à l’accès réduit aux soins.

- Vaccination : n’avoir reçu aucune dose ou une seule de vaccin à ARNm avant l’infection est aussi un facteur de risque. Comparativement, ceux ayant reçu deux doses, ont un risque réduit de 30 % (RR = 0,78). D’autres études vont dans le même sens. Manifestement la vaccination exerce une certaine protection. C’est une excellente nouvelle.

(1) GN Ioannou et al. Rates and factors associated with documentation of diagnostic codes for long covid in the national veterans affairs health care system. JAMA Network Open. 2022;5(7):e2224359. doi:10.1001/jamanetworkopen.2022.24359

Pascale Solère

Source : lequotidiendumedecin.fr