Réorganisation du système de soins

Un Ségur en demi-teinte

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Publié le 16/04/2021

Que résulte-t-il de la grande consultation lancée par le gouvernement après la première vague de Covid-19 ? Un bilan mitigé pour le Ségur de la santé, qui n’a pas été à la hauteur des attentes concernant la réorganisation du système de soins...

Un Ségur de l’hôpital, mais pas du système de soins dans son ensemble

Un Ségur de l’hôpital, mais pas du système de soins dans son ensemble
Crédit photo : phanie

« Sur le bilan du Ségur de la santé, le constat est partagé. Il y a certes eu un geste en faveur des rémunérations du personnel paramédical et des mesures d’attractivité pour les jeunes médecins qui vont rejoindre l’hôpital public. Mais pour le reste, ce Ségur reste une déception car il n’a pas vraiment permis d’avancer sur les autres gros chantiers, en particulier la gouvernance à l’hôpital et la réorganisation de notre système de soins », indique la Dr Aline Frazier-Mironer, rhumatologue à l’hôpital Lariboisière (Paris) et membre du Collectif inter-hôpitaux.

Des gagnants et des perdants

C’est à l’issue de la première vague du coronavirus qu’a été lancé, le 25 mai 2020, ce Ségur de la santé. « Nous irons vite, nous irons fort », avait alors promis le ministre de la Santé, Olivier Véran, en présentant le cadre de cette concertation, destinée à améliorer les conditions de travail du personnel et la prise en charge des malades. « Il s’est très vite avéré, comme l’ont déploré nos collègues libéraux, que ce Ségur serait celui de l’hôpital, public et privé. Et pas celui du système de soins dans son ensemble », indique la Dr Frazier-Mironer.

Mi-juillet, le gouvernement a signé des accords avec les principales organisations représentatives des personnels de la fonction publique hospitalière. « Finalement, ce sont 8,2 milliards d’euros par an qui seront consacrés à la revalorisation des professionnels », a indiqué le ministère de la Santé, en ajoutant que près de deux millions de professionnels des établissements de santé et des Ehpad (infirmiers, aides-soignants, sages-femmes, manipulateurs-radio, secrétaires médicaux… ) allaient voir leur rémunération augmentée de 183 € nets par mois. « C’était une revalorisation nécessaire pour le personnel paramédical », note la Dr Frazier-Mironer, qui se montre plus réservée sur l’engagement financier en faveur des médecins, via la revalorisation de l’indemnité d’engagement de service public exclusif (IESPE).

« Cela va surtout profiter aux jeunes médecins, ce qui est évidemment une très bonne chose. Mais c’est vrai qu’il y a aussi un certain sentiment d’injustice parmi les plus anciens. Certes, il y a eu des arbitrages financiers sans doute serrés et, en général, ces mesures ne sont jamais rétroactives. Mais les médecins plus âgés auraient aimé pouvoir gagner un échelon salarial », indique-t-elle.

Et en rhumatologie ?

La rhumatologie hospitalière était bien sûr concernée par ce Ségur au même titre que les autres spécialités. « Nous sommes une spécialité où il n’y a pas de gardes. Nous n’avons donc pas de complément de rémunération comme cela peut être le cas pour les anesthésistes ou les chirurgiens. Avec son salaire de base, un rhumatologue hospitalier peut certes vivre correctement, même si cela est sans doute plus facile en province », estime la Dr Frazier-Mironer.

Selon elle, la priorité aujourd’hui, pour la rhumatologie hospitalière, est l’octroi de moyens supplémentaires pour mener à bien des projets pluridisciplinaires. « Si on choisit cette spécialité, c’est, en principe, parce qu’on a une certaine appétence pour le travail en équipe, souligne-t-elle. Et la grande force de l’hôpital, c’est la possibilité de travailler avec des infirmières, des kinésithérapeutes, des ergothérapeutes… L’intérêt est donc de pouvoir développer la coopération avec les personnels paramédicaux pour faire progresser la prise en charge des patients. Je pense en particulier aux infirmières qu’on peut mobiliser pour faire de l’éducation thérapeutique ou une évaluation pré-thérapeutique des patients sous biothérapies intraveineuses ».

Mais ces projets ne sont pas toujours simples à mettre en œuvre. « Principalement par manque de moyens mais aussi, parfois, en raison des pesanteurs liées à cette gouvernance bicéphale, avec une hiérarchie pour les médecins et une autre pour les paramédicaux », souligne la Dr Frazier-Mironer.

D'après un entretien avec la Dr Aline Frazier-Mironer, hôpital Lariboisière (Paris), membre du Collectif inter-hôpitaux

Antoine Dalat

Source : lequotidiendumedecin.fr