3e rapport du Lancet Countdown : la prochaine génération de Français sous la menace des vagues de chaleur et des nouveaux risques infectieux

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Publié le 14/11/2019

Crédit photo : AFP

Risques infectieux, vague de chaleur, insécurité alimentaire... l'avenir s'annonce bien incertain pour Camille né(e) en 2019. Selon le 3e rapport du Lancet Countdown publié ce jeudi dans la prestigieuse revue britannique, ce nourrisson fait partie de la génération qui portera le plus lourd fardeau lié au changement climatique.

Selon ce rapport, fruit du travail de 120 experts et de 35 institutions (dont l'organisation mondiale de la Santé et la banque mondiale), Camille fera face à un monde plus chaud de 4 degrés si rien n'est fait pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. En ce qui concerne le risque infectieux, la dengue est le principal « gagnant » du réchauffement climatique. La décennie écoulée a vu les 9 années les plus propices en matière de transmission de la dengue.

En France métropolitaine, cela se traduit par la survenue des premiers cas autochtones de dengue et de Zika. Toutefois, des conditions climatiques plus favorables et l'implantation progressive de l'Aedes albopictus ne suffisent pas à enraciner une maladie vectorielle sur un territoire, comme l'avait expliqué au « Quotidien » Serge Morand. Les experts de la commission du Lancet estiment toutefois que les capacités du moustique à transmettre la dengue sur le territoire métropolitain a augmenté de 60 % depuis les années 50.

Les vagues de chaleur plus fréquentes

Camille sera également exposée(e) à un risque accru d'inondations graves, de sécheresse prolongée et de feux de forêt. « Avec sa population âgée, l'Europe est en première ligne en ce qui concerne les risques liés aux canicules », juge le Dr Nicholas Watts, directeur exécutif du Lancet Countdown.

En France, un excès de 2,7 millions de personnes âgées de 65 ans et plus ont été exposés aux vagues de chaleur en 2018, en comparaison à 2005. Dans le reste du monde, 220 millions de personnes de plus de 65 ans ont été exposées aux chaleurs extrêmes en 2018, un nouveau record qui dépasse de 11 millions celui de 2015. « Les patients atteints d'insuffisance cardiaque ou rénale sont par ailleurs à risque d'aggravation de leur pathologie lors des épisodes de forte chaleur, ajoute Anneliese Dupoux, directrice du centre Virchow-Villermé qui a participé à la réalisation du 3e rapport du Lancet Countdown, c'est aussi dans cette population-là que l'on a une surmortalité au cours de la canicule. »

Anneliese Dupoux craint en outre une augmentation du risque allergique et de l'asthme. L’association de surveillance de la qualité de l'air, le Réseau national de surveillance aérobiologique et l'Association des pollinariums sentinelles de France s'en étaient d'ailleurs déjà fait l'écho dans nos colonnes.

Menaces alimentaires

Dans un tel environnement dégradé, la sécurité alimentaire de la génération de Camille n'est plus assurée. Selon le Dr Poornima Prabhakaran, de l'université de Londres, le rendement de l'agriculture est menacé par des printemps plus précoces, les événements de chaleurs extrêmes et le stress hydrique : « les plantes ont une maturation plus rapide et moins d’efficace, et sont aussi moins résistantes aux attaques de nuisibles », explique-t-elle.

Depuis les années 60, les données de la littérature rassemblées par la commission du Lancet font état d'une baisse de 12,4 % des rendements français de maïs, celui du blé d'hier a baissé de 1,25 % et celui du riz de 0,65 %. Toutefois « l'autosuffisance alimentaire de notre pays n'est pas encore menacée en France, contrairement à de nombreux pays africains, analyse Anneliese Depoux, mais cela se traduira par de l'instabilité régionale et d'importants flux migratoires ».

En France, mobiliser les médecins

Existe-t-il des raisons pour Camille de rester optimiste ? Le Pr Anthony Capon, directeur du Monash University Sustainable Development Institute (Victoria, Australie), veut y croire : « Nous assistons à une inflexion ces dernières années, la croissance des énergies renouvelables représente 45 % de la croissance électrique totale dans le monde en 2018, explique-t-il. Et l'électricité à faible émission de carbone représentait plus de 30 % de la production totale d'électricité en 2016. »

Pour Anneliese Depoux, ces progrès « sont trop lents, la tendance en cours va nécessiter une adaptation du système de soin et une mobilisation de tous les médecins ». Le 22 novembre prochain, l'Université de Paris, le Centre Virchow-Villermé et l'Université d'Heidelberg organisent d'ailleurs sur le Site universitaire Necker un colloque destiné aux médecins et dédié aux impacts sanitaires du changement climatique.


Source : lequotidiendumedecin.fr