Le message est limpide : alors que le décret qui encadre les compétences des infirmières n’a pas été actualisé depuis près de 20 ans, l’Ordre national des infirmiers pose désormais la révision de ce texte comme une « priorité claire » « pour conférer plus d’autonomie à la profession, dans l’intérêt des patients et des soignants ». Une urgence exprimée par la profession paramédicale, sur la foi d’un sondage* en ligne mené par l’Ordre auprès de 41 000 infirmiers, entre le 13 et le 30 mai 2022.
Extension des pratiques avancées
Ainsi, 94 % des infirmiers jugent « urgent » d’actualiser leur décret de compétence, pour favoriser l'accès aux soins. Dans le détail, sept infirmières sur dix souhaitent que le gouvernement leur confère davantage de responsabilité « en matière de prévention et d’éducation thérapeutique, sans prescription médicale ».
Alors qu’elles sont 96 % à juger que le délai d’attente pour obtenir un rendez-vous chez un professionnel de santé est trop long, 60 % des infirmières souhaitent développer la consultation infirmière « sans prescription médicale ». Dans la même veine, 58 % des infirmières réclament la prescription « d'actes simples » et la même proportion (59 %) souhaitent que soit autorisé l'accès direct des patients aux infirmières en ville, comme en établissement.
Les paramédicales souhaitent de surcroît que de nouvelles mentions soient ajoutées aux pratiques avancées (IPA), dans le domaine du vieillissement et de la fin de vie (à 97 %), des déterminants de santé (89 %), et des problématiques de santé liées à l’environnement (87 %).
« Dossier est sur la table »
Quelques jours après la nomination de Brigitte Bourguignon, l’Ordre des infirmiers avait déjà interpellé la ministre de la Santé sur la refonte des compétences. Un chantier « prioritaire » pour l’Ordre, évoqué dès janvier par Olivier Véran. Désormais, l’Ordre infirmier attend des actes concrets. « Le dossier est sur la table de la nouvelle ministre de la Santé. L’Ordre national des infirmiers est au travail pour faire avancer cette réforme, qui doit être à la hauteur des attentes et des enjeux », confirme Patrick Chamboredon, président de l’Ordre national des infirmiers.
De fait, malgré des textes réglementaires ciblés élargissant les compétences vaccinales des infirmières ou autorisant l'arrivée des IPA aux urgences, les missions de cette profession n'ont pas été revues depuis 2004.
Prescription, addiction…
En début d’année, la Fédération nationale des infirmiers (FNI) a lancé de son côté une offensive syndicale similaire, réclamant pour les 750 000 infirmiers l’accès « au statut de profession médicale à compétence ». Parmi les nouvelles missions envisagées par la FNI : la possibilité d'adapter, en fonction des derniers examens, les traitements des malades chroniques, de pouvoir, sans prescription médicale, réhydrater un patient par perfusion lors des canicules, voire de pallier l'absence des médecins le soir et le week-end en assurant des consultations d'urgence en ville.
Au-delà de l’accès direct et des délégations de tâches, 97 % les infirmiers souhaiteraient être mieux associés aux politiques de santé publique dans les territoires, révèle le sondage. Aussi, 92 % sont favorables au développement des compétences infirmières en matière de lutte contre les addictions. L’Ordre recommande au passage la création de postes « d’infirmiers référents » pour mieux orienter les patients dans le système de soins.
Des conditions d'exercice plus difficiles
« Acteurs de santé de proximité, garants du lien social, les infirmiers déplorent un manque de reconnaissance de leurs compétences, et appellent à une réforme d’urgence dont une majorité estime qu’elle ne saurait être différée », résume Patrick Chamboredon. Pour l’heure, 93 % des infirmiers se disent inquiets de la situation du système de santé français. Et la quasi-intégralité des infirmiers considère désormais que leurs « conditions d’exercice sont devenues plus difficiles que par le passé ».
* 41 024 infirmiers ont répondu à cette consultation réalisée par internet du 13 au 30 mai 2022 auprès de l’ensemble des infirmiers inscrits au tableau de l’Ordre.