En parlant de la mort de Baudelaire, Cabanès écrit : « Le mal auquel il succomba courait peut-être dans ses veines, mais il est possible que son intempérance en ait hâté l’explosion ». Ni Cabanès, ni moi n’avons connu Baudelaire ; nous nous exposons donc au reproche d’en parler un peu à la façon dont Malte-Brun écrivait sa Géographie, les pieds sur les chenets et en robe de chambre, ce qui, du reste, n’est pas désagréable en cette saison. Cependant, il nous reste des témoins vivants, qui ont partagé la vie de Baudelaire et ont pu saisir le contraste qui existait entre l’homme et le poète. Je crois que Cabanès fait peut-être une trop large part au poète dans l’homme ; qu’il le rend responsable des intempérances qu’il a plutôt commises la plume à la main, dans son rêve, que dans l’existence.
Cabanès dit : « Il a de tout temps aimé le vin ». Or Nadar, qui partageait ses repas, m’a dit : « Jamais, tout le temps que je l’ai connu, je ne l’ai vu vider une demi-bouteille de vin pur ».
Reste l’opium. Or il est très difficile d’être un opiacé, à Paris du moins : 1° parce qu’on ne fume pas d’opium fumable ; 2° parce que c’est une habitude très coûteuse et que jamais Baudelaire ne fut très riche. Enfin, les pires excès d’opium n’ont jamais, que je sache, entraîné les joueurs dans la série des accidents morbides qu’a présentés Baudelaire. J’en puis parler avec compétence, ayant habité plusieurs années les pays où l’on fume l’opium.
On a accusé Baudelaire d’une foule de vices dont il aimait du reste à se vanter. Le désir de se moquer des imbéciles et des importuns, le besoin de soigner sa gloire naissante et aussi l’irrésistible penchant qui pousse le poète à se créer lui-même un piédestal d’étrangetés, en sont la cause. Il est évident qu’il importe peu de savoir si Baudelaire a, oui ou non, couché avec une ou plusieurs maîtresses d’occasion, s’il s’est enivré un nombre raisonnable de fois, s’il a fumé l’opium par curiosité ou par passion, puisqu’il est Baudelaire. Tolstoï végétarien mange souvent du gigot. Tolstoï ? ennemi du tabac, laisse bien surprendre par ses gouvernantes les bouts de cigares qu’il oublie dans son cabinet de travail… En est-il moins Tolstoï ? Ne serait-il pas possible d’admettre, comme un semblant de vérité, qu’un grand artiste peut quelquefois aimer à se « saouler », mais qu’un charretier peut ne pas dessaouler de son existence, sans pour cela devenir un grand artiste ?
(Dr Michaut, Chronique Médicale, 1903)
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