Cette année, l’ASCO a mis en lumière surtout des progrès incrémentiels dans des cancers rares ou graves (cancer du col, tumeurs germinales, cancer du pancréas…). Les études de séquençage à haut débit tiennent le haut de l’affiche ; elles permettent de mieux caractériser le profil moléculaire des tumeurs et de stratifier les traitements (lorsqu’ils existent) en fonction des anomalies identifiées. Cette médecine de précision est le leitmotiv de nombreuses équipes de recherche, en particulier françaises, qui ont fait le buzz à l’ASCO. Des essais thérapeutiques de phases I/II se multiplient en immunothérapie antitumorale avec les anti-PD1 et anti-PDL1, véritables boosters de l’immunité révélés l’année dernière dans le traitement du mélanome métastatique… Voici quelques morceaux choisis.
Génomique à haut débit : cocorico français
L’institut Gustave-Roussy aura eu une actualité forte au 49e Congrès de l’ASCO (American Society of Clinical Oncology) : le Dr Antoine Hollebecque (IGR) a présenté le bilan à 9 mois de l’étude MOSCATO (MOlecular Screening for CAncer Treatment Optimization) utilisant la génomique à haut débit comme outil de décision pour un traitement moléculaire ciblé. L’analyse moléculaire haut débit de l’ADN tumoral est réalisable en routine (avec un rendu le plus souvent inférieur à 1 mois) et permet d’orienter les patients vers des thérapies innovantes.
Des résultats actualisés de l’étude clinique SAFIR 01, large étude prospective de médecine personnalisée où le choix thérapeutique est déterminé en fonction du « profil génomique » du tissu métastatique, ont été présentés par le Pr Fabrice André (IGR). SAFIR 01 permet d’avoir une base clinicobiologique du tissu métastatique. Elle permet d’identifier également des facteurs limitants à l’étude : la qualité de la réalisation des biopsies et la facilité d’accès aux médicaments innovants.
Le Pr François Barlesi (hôpital Nord, Marseille) a présenté les résultats d’une cohorte prospective BIOMARQUEURS France. Cette étude décrit l’épidémiologie moléculaire des mutations des cancers du poumon en France de 10 000 patients et permet de connaître l’impact de la connaissance des profils tumoraux moléculaires sur la prise en charge des patients dans le but d’adapter dans le futur les stratégies thérapeutiques.
Cancer du col métastatique
Chaque année en France, le cancer du col de l’utérus touche près de 3 000 femmes. La grande majorité (99,7 %) sont liés à des virus du papillome humain (HPV). « Lorsque la maladie est localisée, neuf femmes sur dix sont toujours en vie à cinq ans du diagnostic ; lorsque le cancer est métastatique, ce chiffre chute en dessous de deux femmes sur dix. En effet, les options thérapeutiques pour les patientes qui ont une maladie de stade avancé ou pour celles dont la maladie récidive après une première ligne thérapeutique sont à ce jour
très limitées », a rappelé le Dr Krishnansu S. Tewari (Université de Californie Irvine Medical Center Orange).
Selon l’expert, les résultats positifs de l’étude GOG240 de phase III pourraient modifier le standard thérapeutique dans cette situation, basé jusqu’à présent sur le doublet de chimiothérapie paclitaxel + cisplatine ou paclitaxel + topotécan. L’étude GOG240 a ajouté au doublet de chimiothérapie, l’anti-angiogénique bévacizumab (Avastin), l’angiogénèse tumorale étant un des mécanismes de la croissance tumorale.
Cette nouvelle stratégie a permis de prolonger la vie de femmes atteintes d’un cancer du col de l’utérus avancé (n=452), avec une réduction significative (-29 %) du risque de décès. La survie globale (OS) médiane était de 17 mois avec l’association bévacizumab + chimiothérapie contre 13,3 mois avec la chimiothérapie utilisée seule. Des résultats positifs ont également été obtenus en terme de taux de réponse objective et survie sans progression. Le risque d’aggravation de la maladie ou de décès a été réduit de 33 % chez les femmes traitées.
Chimiothérapie « dose-dense » pour les tumeurs germinales
« Cela faisait 25 ans que nous n’avions pas connus de progrès réel pour les patients atteints d’un cancer du testicule de mauvais pronostic », a indiqué le Pr Karim Fizazi (IGR, Villejuif) au vu des résultats finaux de l’essai international GETUG 13 de phase III, mené chez des patients atteints de tumeurs germinales (tumeurs non séminomateuses) disséminées de mauvais pronostic.
Le cancer du testicule est la tumeur la plus fréquente avec 1500 et 2 000 nouveaux cas par an en France chez l’homme jeune. « Si les patients atteints d’une tumeur de bon pronostic obtiennent le plus souvent la guérison, les patients du groupe de mauvais pronostic (biomarqueurs tumoraux élevés, métastases viscérales extrapulmonaires, tumeur primitive médiastinale…) n’obtenaient jusqu’alors la guérison que dans environ 50 % des cas. » L’objectif de cet essai était de proposer un traitement personnalisé aux patients en fonction de la vitesse de diminution des biomarqueurs sanguins hCG, alpha-fœto-protéine, LDH après une seule cure de chimiothérapie standard à base de bléomycine, étoposide, cisplatine.
Le groupe ayant un protocole de chimiothérapie « dose-dense » utilisant six médicaments de chimiothérapie au lieu de trois (taxol-BEP-oxali platine/ puis cisplatine-ifosfamide-bléomycine) a bénéficié d’<une réduction de 34 % du risque de progression tumorale ou de décès. « Le taux de guérison atteint ainsi environ 75 %. Ce bénéfice est acquis sans majoration d’effets secondaires graves, malgré des neurotoxicités plus fréquentes mais globalement réversibles, ni de seconds cancers chimio-induits. De plus, parmi les patients en rechute, moins de patients du groupe “dose-dense” ont eu recours à la chimiothérapie intensive avec autogreffe de moelle. »
Nanotechnologie et métastases pancréatiques
Le cancer du pancréas métastatique est associé à une médiane de survie de 6 mois et un taux de survie à un an de 20 %, à 5 ans moins de 10 %.
Les oncologues disposent de peu d’options thérapeutiques en dehors de la gemcitabine administrée seule (traitement standard), du Folfirinox®, l’erlotinib (Tarceva®) a l’AMM mais n’est pas remboursé dans cette indication, avec un bénéfice en terme de survie de quelques semaines.
L’étude de phase III MPAC (Metastatic Pancreatic Adenocarcinoma Clinical Trial) a évalué l’association du nab-paclitaxel (Abraxane®, Celgene®) à la gemcitabine versus gemcitabine seule. « Cette nanotechnologie, nanoparticule de paclitaxel associé à l’albumine, permet une meilleure pénétration de la chimiothérapie dans la cellule tumorale?», explique le Dr Emmanuel Mitry (Institut Curie, Paris). Les résultats de MPAC montrent une amélioration significative de la survie globale: 8,5 mois versus 6,7 mois dans le bras gemcitabine seule, soit une réduction du risque de décès de 28 %. « Ce sont des résultats encourageants et une nouvelle option thérapeutique pour ces patients au pronostic très sombre. » Abraxane® n’a pas encore reçu son remboursement en France.
Immunothérapie anti-cancéreuse
L’immunothérapie avait marqué les esprits au cours de l’ASCO 2012 avec l’arrivée d’une nouvelle classe thérapeutique en évaluation, les anti-PD1 (pour Programmed cell Death1, récepteur qui inhibe la réponse immune en s’opposant à l’activité des cellules T dirigées contre les cellules tumorales) et les anti-PDLigand1. De nombreux essais de phase I et II ont été encore présentés cette année à l’ASCO parmi lesquels, l'essai avec le lambrolizumab 1, un anticorps monoclonal anti-PD1 (Merck) chez 135 patients atteints de mélanome métastatique prétraités ou non avec un anticorps anti-CTLA4, l’ipilimumab (Yervoy®, BMS) avec des résultats encourageants en terme de réponse objective et de survie sans progression. Fort de ces résultats, la FDA (Food and Drug Administration) a accordé à cet anticorps le statut de « traitement novateur », qui pourrait faciliter son arrivée sur le marché.
Mentionnons les résultats obtenus dans le mélanome de stade avancé lors d'un autre essai de phase I2 avec un autre anticorps anti-PD-1, le nivolumab développé par BMS, combiné avec l'ipilimumab. Une régression tumorale importante a été obtenue chez environ un tiers des patients. Suite à cet essai conduit par l'américain Jedd Wolchok (Memorial Sloan-Kettering Cancer Center, New York), un essai de phase III devrait débuter rapidement.
Ces molécules sont également développées dans d’autres tumeurs solides tels que les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC), les cancers du sein triple négatifs, les cancers de la vessie et de la prostate…
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