« L’arthrose n’est pas une maladie de l’usure des cartilages mais une maladie inflammatoire de bas grade », a souligné le Dr Jérémie Sellam (hôpital Saint-Antoine, Paris) lors d’une session consacrée à l’arthrose. En effet, plusieurs travaux récents attribuent une participation systémique aux dégâts articulaires. Pour preuve, l’obésité multiplie par deux le risque de souffrir d’une arthrose digitale alors que les articulations des doigts ne sont pas soumises à un surcroît de contraintes mécaniques en rapport avec le surpoids. Récemment a été mis en évidence dans l’arthrose le rôle des adipokines sécrétés par le tissu graisseux telles que la leptine, l’adiponectine ou la visfatine. Or la plupart des pathologies où sont présentes les adipokines recouvrent la sphère métabolique (diabète) ou cardiovasculaire (athérosclérose).
« Chacun des paramètres du syndrome métabolique est plus fréquent dans la population des arthrosiques par rapport à celle des non arthrosiques », a avancé le Dr Sellam. L’étude japonaise ROAD a révélé que l’HTA et le diabète seraient des facteurs de risque indépendants de gonarthrose ou de progression arthrosique. Le risque relatif d’arthrose est de 2,74 chez les sujets hypertendus par rapport aux normotendus. Chez les patients diabétiques, il est de 1,94 par rapport aux non diabétiques et le surpoids est associé à un risque relatif de 1,66 par rapport aux individus de poids normal. Reste que toutes les études ne sont pas parvenues aux mêmes conclusions, ce qui mérite une confirmation plus solide.
En tout cas, l’accumulation des marqueurs cardiométaboliques est associée indiscutablement à une fréquence accrue de gonarthrose. Sur 482 femmes ayant eu une radiographie des genoux, les obèses sans aucun paramètre cardiométaboliques sont 13 % à souffrir d’arthrose, contre 23 % des obèses avec deux paramètres cardiométaboliques parmi le diabète, la CRP élevée, la dyslipidémie, l’hypertension artérielle ou une augmentation du rapport taille/hanche. L’observation se confirme sur l’arthrose des mains avec un risque relatif de 1,4 si l’indice de masse corporelle seul dépasse 27 kg/m² alors que le risque relatif est de 2,3 si le même surpoids est lié à une HTA et un diabète.
Dans le cas du diabète, l’arthrose est d’évolution plus péjorative. « Le diabétique fait plus d’arthrose plus sévère et il va plus vite à la prothèse », a indiqué le Dr Sellam. Sur le plan physiopathologique, il existe une « caramélisation » de l’articulation due aux produits de glycation qui précipitent les lésions du cartilage, l’hyperglycémie étant aussi suspectée de sensibiliser les chondrocytes au stress inflammatoire par sécrétion d’interleukine-8.
Aussi une origine locale
À côté de la piste inflammatoire systémique, la graisse de Hoffa est largement suspectée de jouer un rôle crucial dans la genèse de l’arthrose du genou de l’obèse. Cet amas graisseux se situe en dessous de la rotule et est en connexion avec la synoviale. Dans la cohorte de Rotterdam, les obèses dont l’inndice de masse corporelle est compris entre 25 et 27,5 kg/m2 ont un risque doublé de gonarthrose alors que le risque de coxarthrose reste stable.
Cette tendance se vérifie pour les obésités encore plus sévères (› 27,5 kg/m²). « Les deux articulations portantes ne se comportent pas de la même façon en fonction du surpoids », note le Dr Florent Eymard (centre hospitalier Henri-Mondor, Créteil). « On ne peut pas dire qu’il ya plus de volume de graisse de Hoffa chez la femme obèse souffrant de gonarthrose, mais peut-être le tissu de Hoffa se comporte-t-il différemment chez l’obèse ? », s’interroge le spécialiste. Des expérimentations vont dans ce sens. « À Henri-Mondor, on a pu montrer sur le même patient que le tissu de Hoffa induisait un profil plus inflammatoire sur ses chondrocytes que son propre tissu sous-cutané », a indiqué le Dr Eymard.
Arsenal actuel limité
Toutes ces nouvelles connaissances physiopathologiques laissent espérer de nouvelles solutions thérapeutiques à une heure où l’arsenal reste somme toute limité. Le Pr Thomas Bardin (hôpital Lariboisière, Paris) a souligné le rôle des traitements non pharmacologiques comme la rééducation, les orthèses ou les prothèses pour les formes les plus évoluées. Sur la douleur, le paracétamol reste la clé de voûte du traitement. Les AINS sont plus efficaces mais plus dangereux surtout s’il y a un effet de report sur cette classe. Des nouveaux antalgiques comme les anti- NGF (tanezumab par exemple) sont en développement mais ils sont presque « trop actifs » car, faute des stimuli nociceptifs d’alerte, l’arthrose a évolué dans quelques cas vers une arthropathie neuropathique destructrice.
En ce qui concerne les anti-arthrosiques d’action lente menacés de déremboursement (ils le sont encore à 15 %), le Pr Xavier Chevalier (président de la section arthrose de la Société Française de Rhumatologie, hôpital Henri Mondor, Créteil) a souligné l’intérêt de ces molécules qui « nous ont permis de progresser sur la connaissance de l’évolution naturelle de l’arthrose. On espère trouver des médicaments qui agissent sur des cibles bien définies ». Pour Thomas Bardin, « même si leur efficacité est limitée, leur mise à disposition se justifie. D’autant que, dans cette pathologie, le placebo possède un niveau d’efficacité très élevé ».
Médecines alternatives
Quant aux médecines alternatives, le Pr Chevalier a estimé : « Les médecines alternatives ne sont pas à rejeter en bloc car leur condamnation risque de casser la relation médecin-malade ».
L’activité physique a un effet controversé selon les études, certains pensent qu’elle aggrave l’arthrose d’autres qu’elle ralentit le processus destructif. En revanche, tout le monde s’accorde sur l’intérêt du renforcement musculaire du quadriceps sur la symptomatologie du patient souffrant de gonarthrose. « Le muscle est un organe de contrôle neuromusculaire et pas seulement un organe de force », a indiqué le Pr Yves Henrotin (université de Liège, Belgique). Le renforcement permet un meilleur contrôle proprioceptif et neuro-musculaire et protège l’articulation.
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