Pour son premier débat public, l’Académie de médecine a mis la barre haut, les sages de la rue Bonaparte ayant choisi de faire le point sur les avantages et les inconvénients du dépistage des cancers.
Cancer du sein, difficile de trancher !
Questionné récemment par la concertation citoyenne, le dépistage du cancer du sein est sans doute celui pour lequel il est le plus difficile de trancher. 52 % des femmes de 50 à 74 ans participent au dépistage organisé et 10 à 15 % ont des mammographies de dépistage à titre individuel. C’est inférieur aux objectifs européens (70 %), et la participation stagne avec des difficultés pour atteindre les femmes les plus éloignées du système de soins. Le dépistage conduit à détecter 9 % d’anomalies en première lecture et 7 cancers pour 1 000 femmes. « Le surdiagnostic est probablement de 10 à 20 %, soit 2 ou 3 cas pour un décès évité », estime Frédéric de Bels (INCa). Cependant, pour Catherine Hill (Institut Gustave-Roussy), « le débat est peu scientifique. À partir des mêmes études, les estimations de la réduction de la mortalité spécifique varient de 10 à 35 % et celles du surdiagnostic de 0 à 60 %. Une femme qui refuse le dépistage est beaucoup moins déraisonnable qu’une femme qui continue à fumer ». L’âge est un élément important à prendre en compte. « Avant 50 ans, il y a plus d’inconvénients que de bénéfices, souligne Catherine Hill. Malheureusement, 77 % des femmes qui entrent dans le dépistage à 50 ans ont déjà eu au moins une mammographie. » À l’inverse, le Pr Gérard Dubois (Académie de médecine) s’est étonné que le dépistage s’arrête à 75 ans, comme s’il s’agissait d’une donnée médicale. « Nous avions fixé cette limite pour l’envoi des invitations uniquement parce que les femmes répondent moins à cet âge. » Quoi qu’il en soit, le dépistage a eu des bénéfices indirects, souligne le Dr Brigitte Séradour, ancienne coordinatrice du Programme national de dépistage « en améliorant les pratiques professionnelles et la qualité du parc des mammographies. En 2017, 98 % des dépistages sont numériques ».
Col et côlon, des preuves mais trop peu de participation
Les cancers du col et du côlon sont ceux pour lesquels les bénéfices du dépistage sont les moins contestables car ils permettent le traitement de lésions précancéreuses. Malheureusement, pour le cancer du col, selon la HAS, 52 % des femmes de 25 à 65 ans n’ont pas ou pas assez de frottis. Le programme organisé, qui devrait être effectif en 2018, a pour objectif d’atteindre ces femmes.
Le dépistage du cancer colorectal diminue de 15 à 18 % la mortalité spécifique. La participation, à prendre avec prudence car les données sont incomplètes, était de 40 % en 2016. 4,7 % des tests immunologiques sont positifs, et la coloscopie détecte dans ce cas 8 % de cancers et 30 % d’adénomes avancés.
Prostate, thyroïde, mélanome : pas d’avantage démontré en population générale
Le dépistage du cancer de la prostate par PSA est, paradoxalement, quasiment systématique chez les plus de 50 ans, malgré l’avis défavorable de la HAS, du HCSP, de l’INCa et du Collège de la médecine générale. De ce fait, leur incidence a explosé, passant de 10 000 cas en 1980 à 54 000 en 2011. « 60 % des hommes de 60 ans et 80 % des hommes de 80 ans ont un cancer dans leur prostate, a rappelé le Pr Dubois. La moitié des cancers détectés après 4 dépistages entre 55 et 67 ans seraient restés latents tout au long de la vie. » En 2012, la HAS a même estimé que l’intérêt du dépistage n’était pas démontré, même chez les hommes ayant des facteurs de risque.
Le problème est similaire pour le cancer de la thyroïde dont on dénombrait 3 500 cas par an dans les années 80 et plus de 10 000 actuellement du fait de la prescription de plus en plus large d’échographies cervicales. La Corée du Sud a mis fin à son expérience de dépistage échographique généralisé, les cancers détectés étant dans 85 % des cas des cancers micropapillaires d’évolution lente (ces tumeurs sont identifiées à l’autopsie dans des proportions allant jusqu’à 37 % des cas). Les formes familiales de cancer médullaire, liées à des mutations du gène Ret, font exception. De très mauvais pronostic, elles doivent conduire à un dépistage génétique familial, suivi d’une thyroïdectomie dès l’âge de 3 à 5 ans en cas de mutation. Un dépistage de masse n’a jamais fait non plus la preuve de son intérêt pour diminuer la mortalité par mélanome. Un dépistage ciblé sur une population vulnérable (repérée, par exemple, par l’autoquestionnaire SAMScore) pourrait être plus efficace.
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