Le mois de novembre sera cette année encore l'occasion d'inciter les Français à arrêter de fumer avec l’opération "Mois sans tabac", lancée ce matin par la ministre de la Santé Agnès Buzyn. Pour cette troisième édition, l’accent est mis notamment sur les femmes alors que Santé Publique France pointe « une évolution très préoccupante » du tabagisme féminin, chiffres à l’appui.
Comme le rappelle le BEH publié pour l’occasion, les femmes ont réellement commencé à fumer dans les années 70, leur consommation se rapprochant progressivement de celle des hommes. En 2017, 24 % des femmes de 15 à 75 ans fumaient contre 30 % des hommes (60 % dans les années 70). L'émancipation des femmes, les stratégies des industriels du tabac mettant l'accent sur la minceur ou le "glamour" avec des marques comme "Slims", "Vogue", ou "Allure" - interdites depuis - ont contribué à cette forte augmentation, selon l'agence sanitaire.
Et si la consommation de tabac tend plutôt à reculer en France avec un million de fumeurs en moins en 2017, « le tabagisme des femmes stagne », a déploré Agnès Buzyn.
Cette relative stabilité « résulte d’évolutions contrastées selon les classes d’âges » précise le BEH. Ainsi, « la prévalence du tabagisme quotidien a augmenté parmi les femmes âgées de 45-54 ans, passant de 21,5 % en 2000 à 30,8 % en 2017. Parmi celles âgées de 55-64 ans, la baisse observée en 2017 fait suite à un doublement de la prévalence entre 2000 (11,0 %) et 2 016 (21,1 %). En revanche, dans la tranche d’âge des 35-44 ans, le tabagisme féminin a reculé entre 2000 et 2017.
Une morbi-mortalité accrue
« Sans surprise, cette augmentation du tabagisme féminin s’est traduite par une augmentation de la morbi-mortalité liée au tabac » souligne le Pr François Bourdillon, directeur général de Santé publique France. Entre 2002 et 2015, l’incidence du cancer du poumon a augmenté de 72 % chez les femmes, celle des hospitalisations pour BPCO a doublé, et celle des infarctus du myocarde avant 65 ans a augmenté de 50 %.
En termes de mortalité, sur la même période le nombre de décès attribuables au tabagisme a été multiplié par deux en population féminine et « la mortalité par cancer du poumon est en passe de dépasser celle par cancer du sein » souligne Agnès Buzyn
« Du fait de leurs plus petits gabarits, les femmes sont plus sensibles à des quantités identiques de toxiques du tabac et développent certaines maladies plus précocement » précise le Dr Anne Borgne, médecin tabacologue.
Des freins au sevrage spécifiques
Autre particularité féminine : « l’arrêt peut être plus compliqué en raison notamment de l’anxiété que cela peut révéler ».
Par ailleurs, « les femmes ont souvent peur de grossir si elles arrêtent » rappelle Agnès Buzyn, alors que nous savons qu'avec un bon accompagnement, la prise de poids n’est pas inéluctable, c'est tout l'intérêt d'un suivi comme celui de Tabac Info Service ».
Faut-il pour autant mener des actions de communications spécifiques envers les femmes ? Pas forcément répond le Pr Bourdillon, exception faite probablement des femmes enceintes pour qui des actions spécifiques sont envisagées.
« L'année prochaine, la campagne contre l'alcool pendant la grossesse se doublera probablement d'une campagne contre le tabac » a indiqué François-Xavier Brouck, directeur des assurés à la Caisse nationale d'assurance maladie.
Selon le BEH, 30 % des femmes fument au moment de la conception et 16 % continuent en fin de grossesse, soit un des taux les plus élevés d'Europe (entre 5 et 10 % en Angleterre et les pays du Nord). Et si la grossesse est pour la moitié des fumeuses l'occasion de s'arrêter, 82 % reprennent après l'accouchement. "Les femmes enceintes ont l'idée fausse qu'aucun traitement ne peut les aider, alors que des substituts nicotiniques peuvent leur être prescrits", a souligné la tabacologue Nadia Lahlou, directrice scientifique de Tabac Info service, qui milite en faveur d'un soutien particulier des femmes même après la grossesse.
Avec 12 millions de fumeurs et 200 décès par jour, "soit un crash d'avion" quotidien, « le tabac reste le comportement qui cause le plus grand nombre de décès chaque année en France », a rappelé Agnès Buzyn, qui souhaite que cette nouvelle édition de "Mois sans tabac" soit certes l’occasion pour les femmes de prendre conscience des dangers du tabagisme mais permette aussi à toutes les personnes qui le souhaitent, quel que soit leur genre ou leur âge, de s’engager dans une démarche de sevrage. À l’heure actuelle, 185 000 fumeurs se sont déjà inscrits.
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