Thérapie génique, cannabis thérapeutique, prédiction des crises grâce à l’IA, etc. à l’occasion des 22es journées françaises de l’épilepsie (Paris, 7-10 octobre), le Pr Sophie Dupont* revient sur les grandes tendances actuelles en
matière d’épilepsie. De plus en plus, les spécialistes lorgnent sur les moyens modernes, avec en ligne de mire deux défis majeurs : l’amélioration des processus d’alerte pour les patients et le développement de nouvelles voies thérapeutiques.
Vous étiez aux manettes des 22es journées françaises de l’épilepsie. Quelles sont les grandes tendances qui s’en dégagent ?
Pr Sophie Dupont : Comme chaque année, ce congrès se voulait très transversal et a abordé de très nombreuses thématiques. Deux grandes tendances importantes se dégagent cependant : l’émergence de la thérapie génique et l’irruption de l’intelligence artificielle.
En quoi l’IA peut-elle être utile dans l’épilepsie ?
Pr S. D. : L’idée serait d’avoir des outils qui aident à l’interprétation de l’EEG et permettent à la fois de repérer les anomalies épileptiques mais aussi d’anticiper les crises.
Pour les patients, c’est le caractère totalement imprévisible de la crise qui est invalidant. D’où l’idée de repérer des modifications électriques annonciatrices, grâce à des algorithmes intelligents. Il existe déjà des petits appareils miniaturisés qui permettent un enregistrement EEG grâce à de simples oreillettes. On pourrait donc imaginer un monitoring continu qui alerterait le patient en cas de signal afin qu’il puisse anticiper et se mettre à l’abri. L’amélioration des processus d’alerte pour les patients et le développement de nouvelles voies thérapeutiques dont nous avons déjà parlé, constituent sans doute les deux défis majeurs pour les prochaines années.
Justement, quelles sont les pistes thérapeutiques les plus prometteuses ?
Pr S. D. : Tout l’enjeu des années à venir va être de trouver des anti-épileptiques novateurs qui sortent des mécanismes d’action traditionnels. La recherche s’oriente vers des traitements qui ciblent soit des voies finales communes comme l’inflammation, soit des voies très spécifiques à certaines formes d’épilepsie, avec notamment des espoirs de thérapie génique. L’idée est de venir réparer le gène défectueux pour stopper la cascade de dysfonctionnements à l’origine de l’épilepsie.
Pour certaines épilepsies monogéniques, il commence à y avoir des études chez l’animal avec des résultats plutôt prometteurs. Encore faut-il pouvoir diagnostiquer tôt les malades concernés. Par ailleurs, la plupart des épilepsies sont non génétiques ou polygéniques ce qui complique les choses.
Quid du cannabis thérapeutique ?
Pr S. D. : Déjà autorisé aux États-Unis, le cannabidiol (Epidiolex) vient d’avoir son AMM européenne dans deux indications : le Dravet et le Lennox Gastaut. Dans ces encéphalopathies épileptiques de l’enfant, ce médicament a montré qu’il permettait de diminuer la fréquence des crises. En France, il peut être utilisé en ATU en attendant la fixation de son prix.
En parallèle, le cannabis thérapeutique devrait être testé dans certaines épilepsies réfractaires dans le cadre de l’expérimentation lancée par l’ANSM.
Deux sessions étaient consacrées à l’épilepsie du sujet âgé. Pourquoi cette préoccupation ?
Pr S. D. : Compte tenu du vieillissement programmé de la population, l’épilepsie du sujet âgé va devenir un vrai problème de santé publique. Avec la petite enfance, c’est la période où l’incidence de la maladie est la plus élevée du fait d’une surreprésentation dans cette tranche de certaines pathologies favorisantes comme les AVC, les maladies neurodégénératives, etc. Ces épilepsies peuvent être trompeuses sur le plan clinique, avec parfois des syndromes confusionnels au premier plan. Au niveau thérapeutique, l’enjeu chez ces patients volontiers polymédiqués est de privilégier des molécules avec des demi-vies assez longues, qui ne soient pas inductrices enzymatiques et de choisir des médicaments avec un bon profil de tolérance cognitif et non sédatif.
Les comorbidités psychiatriques de l’épilepsie suscitent aussi de plus en plus d’intérêt...
Pr S. D. : On porte effectivement de plus en plus d’attention à ces comorbidités car on sait désormais qu’elles peuvent avoir un impact non seulement sur la qualité de vie des patients, mais aussi sur la prise en charge et l’équilibre de l’épilepsie. Le but est de mieux les prendre en charge et de les traiter davantage.
La dépression touche environ 30 % des patients épileptiques, avec un lien bidirectionnel entre les deux. Pendant très longtemps, ces dépressions n’étaient pas traitées car on craignait que les antidépresseurs n’aggravent l’épilepsie. Avec les nouvelles molécules type IRS, cette crainte n’a plus lieu d’être. Il semble au contraire que la prise en charge d’une dépression associée améliore l’équilibre de l’épilepsie.
L’anxiété et la psychose sont aussi plus fréquentes en cas d’épilepsie, de même que les troubles de l’attention et l’hyperactivité chez l’enfant.
* Neurologue à l’hôpital Pitié-Salpétrière (Paris) et co-présidente du comité d’organisation des 22es journées françaises de l’épilepsie.
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