En dehors de journées dédiées, l’épilepsie fait peu parler d’elle. Où en est-on en 2023 ?
Pr Sophie Dupont : Aujourd’hui en France, 650 000 individus (dont la moitié d’enfants) sont concernés, ce qui place les épilepsies en seconde position en termes de prévalence dans les maladies neurologiques, après la maladie d’Alzheimer. L’épilepsie est donc une maladie fréquente qu’il faut considérer, au-delà des crises, dans une prise en charge globale, du fait de ses répercussions sur la vie privée (anxiété…), professionnelle et sociale, y compris chez les épileptiques bien équilibrés. D’où l’intérêt fondamental du binôme généraliste-neurologue.
Nous attendons d’ailleurs au cours du premier semestre 2023 une parution de la Haute Autorité de santé sur l’organisation des filières de soin, axées sur le côté pluridisciplinaire et global des soins. Il existe aujourd’hui de nombreuses initiatives locales mais qui reposent trop souvent sur la seule bonne volonté des soignants.
Sur le plan thérapeutique, quels sont les principaux défis ?
Pr S. D. : L’un des enjeux majeurs reste les 30 % de malades pharmacorésistants. Le problème est complexe car toutes les épilepsies pharmacorésistantes ne partagent pas la même origine : certaines sont dues à des lésions cérébrales, d’autres sont causées par des mutations génétiques de novo. Par exemple, dans les encéphalopathies épileptiques et développementales, des mutations de novo au sein de gènes impliqués dans la croissance des cellules (voie de signalisation mTOR) et présentes uniquement au sein de certains neurones (mutations somatiques) ont récemment été découvertes.
De nouveaux médicaments sont disponibles depuis peu ou en passe de l’être. Peuvent-ils changer la donne pour ces patients ?
Pr S. D. : Le cénobamate et le cannabidiol, longtemps du domaine de l’ATU, seront enfin disponibles en ville en 2023 dans certaines formes très sévères. Nous disposons également de médicaments de repositionnement, dont l’amphétaminique fenfluramine (avec les précautions vis-à-vis des effets cardiovasculaires) en ajout à un traitement antiépileptique dans des formes d’épilepsies sévères dont le syndrome de Dravet. Cela élargit l’arsenal thérapeutique mais de là à gagner des points dans les formes pharmacorésistantes… je ne peux pas m’avancer.
De nouvelles pistes visent les causes de l’épilepsie, métaboliques (et notamment enzymatiques) mais aussi génétiques. Des inhibiteurs de la voie de signalisation mTOR sont commercialisés depuis peu. Dans le cas des mutations somatiques, l’idée est de pouvoir cibler uniquement les cellules « mutées » en identifiant des biomarqueurs spécifiques.
Les enjeux sont aussi d’avoir de nouvelles techniques chirurgicales permettant de détruire la zone épileptogène sans ouvrir la boîte crânienne afin de répondre aux besoins des patients qui ne peuvent ou ne souhaitent pas être opérés par la chirurgie classique. Certaines méthodes arrivent déjà : les centres français commencent à s’équiper de la technologie laser dans le cadre de protocoles de recherche et les ultrasons sont attendus dans les années à venir.
Pourra-t-on prochainement bénéficier de la stimulation cérébrale en boucle fermée ?
Pr S. D. : Ce dispositif est déjà disponible aux États-Unis mais on l’attend dans les toutes prochaines années en France. La stimulation cérébrale en boucle fermée (closed-loop) cible les patients non éligibles à la résection chirurgicale traditionnelle de la zone épileptogène. Placé sous la boîte crânienne, un enregistreur permanent est relié à une électrode qui stimule immédiatement les neurones concernés si une activité électrique cérébrale anormale est détectée.
Pour les patients, un enjeu majeur serait aussi de pouvoir anticiper leurs crises. Où en est-on sur ce point ?
Pr S. D. : Il est toujours impossible d’anticiper les crises de manière fiable. C’est pourquoi nous réfléchissons plutôt aujourd’hui à un concept un peu différent, à savoir la prédiction des moments où le patient serait le plus susceptible de déclencher une crise. Différentes équipes dans le monde et en France planchent sur la « météorologie des crises », au moyen d’outils connectés (accéléromètres, tachymètres, enregistrements EEG miniaturisés…) impliquant la télésurveillance passive des patients afin de connaître les cycles de crises un peu plus finement et à l’échelon individuel.
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