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Hépatite B, à quand la guérison ?

Publié le 20/05/2016
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Avec 250 millions de porteurs chroniques dans le monde et 300 000 en France, l’hépatite B demeure un problème de santé publique. Les antiviraux actuels ont montré leurs limites mais de récents progrès laissent espérer la guérison d’ici 5 à 10 ans. Ils constituaient le hot spot du congrès international EASL sur le foie.
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Crédit photo : RUSSELL KIGHTLEY/SPL/PHANIE

Après l’hépatite C, l’hépatite B est-elle en passe de pouvoir être guérie ? Le développement préclinique d’un grand nombre de nouveaux concepts thérapeutiques antiviraux et immunologiques laisse en tout cas entrevoir des avancées significatives dans les toutes prochaines années. Et pour le Pr Fabien Zoulim (Hospices Civils de Lyon, directeur du laboratoire des Hépatites virales à l’Unité Inserm 1 052), « guérir du VHB est désormais une question d’années… »

Même si elles permettent de circonscrire en partie la maladie, les approches thérapeutiques actuelles ne sont pas totalement satisfaisantes. Les interférons alpha entraînent une suppression virale soutenue chez seulement 20 % des patients tandis que les analogues nucléosidiques l’obtiennent chez une majorité de patients mais au prix d’un traitement à vie. De plus, cette virosuppression induite n’élimine pas le risque de carcinome hépatocellulaire.

En fait, c’est la disparition de l’antigène HBs (AgHBs) qui permet de stopper les traitements et de diminuer le risque de carcinome hépatocellulaire si elle survient avant l’âge de 50 ans. C’est pourquoi « la persistance de l’antigène HBs sous traitement doit être considérée comme un échec des thérapies », résume le Pr Zoulim. Or, avec les thérapeutiques actuelles, le taux d’élimination de l’AgHBs reste inférieur à 10 %. Un constat qui a conduit à réorienter les recherches pour passer du concept de la viro-suppression à vie à celui de la guérison.  « Nous visons d’ici 5 à 10 ans, la guérison fonctionnelle, c’est-à-dire l’élimination totale de l’AgHBs, la formation d’anticorps anti-HBs et la persistance contrôlée du mini-chromosome viral localisé dans le foie (ADNccc) », explique le Pr Zoulim. La guérison complète (avec en plus l’élimination totale de l’ADNccc) arrivera dans un second temps.

Deux pistes très prometteuses


Grâce aux progrès majeurs obtenus depuis 2010 (meilleure connaissance du cycle viral, de la formation de l’ADNccc et identification du récepteur hépatocytaire avec lequel interagit le virus VHB), deux voies sont lancées : celles des antiviraux directs et celle de l’immunothérapie, avec déjà des résultats de phase 1. Parmi les antiviraux directs, les plus prometteurs, des molécules « inhibitrices d’entrée » ont déjà été synthétisées. Les résultats de phase 1b de l’un d’entre eux, le myrcludex, sont encourageants, tout comme ceux de molécules agissant sur d’autres mécanismes (interférons, cytotoxines) qui se révèlent capables de dégradation partielle de l’ADNccc.

Mais c’est aussi l’emploi de révolutions technologiques comme le « Gene editing » (« ciseaux génétiques ») médiatisées dans les maladies génétiques et appliquées ici au virus de l’hépatite B. Par exemple, les CRISPR/Cas9 occasionnent des délétions génétiques de l’ADNccc avec pour conséquence une baisse du nombre de cellules hépatocytaires exprimant l’antigène viral.

Les chercheurs s’attaquent aussi à l’épigénétique. « Récemment, il a été démontré que deux protéines virales, HBc et HBx, modulent l’activité de l’ADNccc. En interférant avec la fonction de ces protéines, l’espoir est de rendre silencieux l’ADNccc et de stopper toute réplication virale. » Plusieurs inhibiteurs de capside (coque qui entoure le génome) sont aussi en lice avec un effet antiviral confirmé. D’autres molécules ciblent l’antigène HBs. L’exemple le plus avancé est celui des SiRNA avec une chute significative des quantités d’AgHBs en quelques jours après une seule injection dans un essai de phase 1/2. Enfin, côté immunothérapie, l’idée est de contrecarrer les mécanismes mis en œuvre par le virus pour affaiblir ces cellules T. Plusieurs stratégies sont en cours d’évaluation pour « rebooster » l’immunité adaptative et innée.

 

 

Hélène Joubert

Source : lequotidiendumedecin.fr