Le plan d’action est particulièrement offensif ! Il faut reconnaître que l’objectif de l’Association française pour l’étude du foie (AFEF) est ambitieux : l’élimination avant 2025, en France, de l’infection par le virus de l’hépatite C (VHC), découvert voici quarante ans (1989). Cet objectif est donc aujourd’hui à portée de prescription. Un défi qui n’a cependant rien de présomptueux, puisqu’il correspond à celui visé par l’Organisation mondiale de la santé, avec une deadline un peu plus tardive, fixée à 2030. Pour répondre à cet enjeu, l’AFEF vient d’émettre des recommandations qui s’appuient sur deux grandes mesures : le dépistage pour chaque adulte au moins une fois dans sa vie et le traitement universel. L’AFEF interpelle de nombreux acteurs de notre système de santé comme l’Assurance maladie, mais aussi les soignants. Elle incite en particulier les pouvoirs publics à laisser la main aux médecins généralistes pour occuper une place active dans la prescription des antiviraux. Ainsi, une majorité de patients pourraient être pris en charge par un traitement universel, dans le cadre d’un parcours de soins simplifié.
Selon les hépatologues, un des arguments justifiant ce traitement universel est le développement des médicaments pangénotypiques qui ont véritablement révolutionné la prise en charge de la maladie, avec des stratégies et des résultats très efficaces sur des durées de 8 à 12 semaines, sans effets indésirables majeurs. Actuellement, ces médicaments ne peuvent être prescrits que par des spécialistes en hépato-gastroentérologie, en médecine interne ou en infectiologie. « Or, aujourd’hui, il n’y a pas d’arguments scientifiques pour empêcher les généralistes de prescrire ces médicaments pangénotypiques pour les cas les plus simples, comme cela se fait dans certains autres pays », explique le Pr Victor de Lédinghen, hépatologue au CHU de Bordeaux et membre du comité scientifique de ces recommandations de l’AFEF. « Dans leur pratique quotidienne, les généralistes prescrivent des traitements bien plus à risque que ces antiviraux. Les recommandations de l’AFEF encadrent de façon précise les conditions pour les prescrire. »
Bilan préalable
Comme pour beaucoup de médicaments, ces conditions de prescription nécessitent d’effectuer un bilan préalable. Une fois le diagnostic établi (charge virale du VHC détectable), l’évaluation des comorbidités est indispensable : consommation d’alcool, surpoids, syndrome métabolique, diabète, co-infection VHB et/ou VIH, insuffisance rénale sévère, antécédent de traitement antiviral. À cela s’ajoute un bilan biologique : NFS, plaquettes, fonctions hépatique et rénale. La recherche du génotype du VHC n’est pas nécessaire, en raison de la prescription de traitements pangénotypiques. Le bilan initial est complété en évaluant la sévérité de l’atteinte hépatique. Celle-ci peut être écartée en cas de Fibroscan® < 10 kPa ; ou par des tests sanguins : si Fibrotest® ≤ 0,58 ou Fibromètre® ≤ 0,786.
Deux types de traitement
Enfin, avant de prescrire un traitement antiviral, le médecin doit s’assurer que le patient sera bien en capacité d’avoir une bonne observance. Il doit aussi vérifier quels sont les autres médicaments pris, interroger le patient sur une éventuelle auto-médication ou prise de naturothérapie. Et connaître sa consommation de millepertuis, de pamplemousses et d’oranges sanguines. L’AFEF préconise pour le prescripteur l’usage d’outils digitaux pour éviter des risques d’interactions médicamenteuses : le site Web www.hep-druginteractions.org ou l’appli smartphone HEP iChart.
Une fois ces prérequis établis, deux types de traitement peuvent être envisagés : Epclusa® (sofosbuvir + velpatasvir) durant 12 semaines ; ou Maviret® (glecaprevir + pibrentasvir) durant 8 semaines. À noter que le premier médicament disponible en milieu hospitalier arrive en officine d’ici quelques jours, le deuxième est déjà en pharmacie de ville. L’AFEF préconise que ces agents antiviraux soient pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie. Cette disposition pourrait remplacer une ALD qui ne paraît pas nécessaire pour un patient n’ayant pas de maladie hépatique sévère, et qui doit juste suivre un traitement de 8 ou 12 semaines.
Le résultat du traitement antiviral doit être évalué 12 semaines après la fin de la prise des médicaments, en analysant la charge virale. Si celle-ci est indétectable, le patient est considéré comme guéri. Par la suite, aucun suivi particulier n’est nécessaire, sauf :
– En cas de comportements à risque (dans le domaine sexuel ou des drogues), pour lesquels une recontamination doit être régulièrement recherchée (analyse de la charge virale du VHC).
– Chez les patients avec une comorbidité hépatique (consommation d’alcool, syndrome métabolique).
Un tutoriel de formation destiné aux généralistes sera disponible dans quelques jours sur www.youtube-ame.afef.
Quand passer la main
Pour les patients aux profils plus complexes, en raison de comorbidités hépatiques, rénales sévères ou métaboliques, d’une co-infection à VHB et/ou VIH ou d’une atteinte jugée sévère du foie selon les tests évaluant la fibrose hépatique, il est recommandé au médecin généraliste de passer la main, pour une prise en charge spécialisée. Les recommandations de l’AFEF abordent ces cas spécifiques, comme le suivi des patients avec une maladie sévère hépatique, après l’échec d’un traitement antiviral, ou encore en cas de cirrhose décompensée, de transplantation hépatique ou d’insuffisance rénale sévère.
« En pratique, si nos recommandations ouvrent aux médecins généralistes la possibilité de prescrire certains antiviraux, nous avons parfaitement conscience que tous ne le feront pas. Chaque praticien a la liberté de le faire ou pas », précise le Pr Victor de Lédinghen. « On peut penser que dans les régions où la prévalence de l’hépatite C est la plus importante, en particulier en Île-de-France et en PACA, nous pourrions avoir plus de médecins généralistes impliqués. »
Pour conclure ses recommandations, l’AFEF souligne la dimension historique que représente l’élimination de cette infection par le virus de l’hépatite C. Et cet objectif va d’ailleurs bien au-delà du rôle des généralistes : « Tous les acteurs impliqués dans la prise en charge de cette infection doivent s’associer pour permettre à la France d’être le premier pays européen à pouvoir annoncer l’élimination virale sur son territoire. Ce défi unique dans l’histoire récente de la médecine est à la portée de notre pays, et ce grâce à tous : autorités sanitaires, personnels soignants et associations de patients. »
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