Une étude menée par l’équipe de cardiologie interventionnelle de l’hôpital Henri-Mondor (AP-HP) sur des patients de plus de 18 ans montre que le jeûne, supérieur à six heures pour les aliments solides et deux heures pour les liquides, ne serait pas nécessaire pour les interventions coronariennes percutanées. L’équipe a évalué la non-infériorité « d’une stratégie d’alimentation libre » par rapport au jeûne, et a conclu à sa sécurité et son confort pour le patient. Pour le Dr Madjid Boukantar, premier auteur de l’étude et cardiologue interventionnel à Henri Mondor, cette étude fournit un levier supplémentaire pour la « simplification des procédures ». « Nous avons montré que la stratégie d’alimentation libre avec une intervention coronaire percutanée augmente le confort des patients sans risque, et libère du temps médical, paramédical et administratif », explique le cardiologue au Quotidien. Ces résultats sont publiés dans la revue JACC Cardiovascular interventions.
Le jeûne est habituellement indiqué dans les interventions coronaires percutanées, par reproduction des pratiques d’usage de l’anesthésie générale, pour réduire le risque d’inhalation en cas de complications graves nécessitant une intubation. Il fait l’objet de recommandations de la Société d’angiographie et d’interventions cardiovasculaires (2021) bien que les preuves scientifiques manquent. De plus, les complications nécessitant une réanimation restent exceptionnelles (incidence de 0,15-0,4 % pour les chirurgies cardiaques d’urgence et de 1 % pour les arrêts cardiaques).
8,2 % d’événements indésirables sans jeûne contre 9,9 %
Cet essai prospectif de non-infériorité monocentrique a inclus 739 patients randomisés, soit dans un bras « à jeun » qui jeûnait au moins 6 heures avant la procédure (n = 379), soit dans un bras « non à jeun » qui pouvait librement manger et boire (n = 376). Les patients subissaient tous une intervention coronaire percutanée dont 697 étaient électives et 42 semi-urgentes ; 517 étaient des coronarographies et 222, des angioplasties, parfois complexes ou à haut risque. Les procédures d’urgence ont été exclues.
Le critère de jugement principal était un critère composite associant malaise vagal, hypoglycémie (≤ 0,7 g/L) et nausées/vomissements isolés ; et les critères secondaires étaient la néphropathie induite par les produits de contraste et la satisfaction des patients. Ainsi, 8,2 % des patients non à jeun ont été sujets à l’un des composants du critère principal, contre 9,9 % chez les patients à jeun. Avec une marge de non-infériorité définie à 4 %, les auteurs ont conclu à l’absence de différence significative entre les deux bras. Le temps moyen de jeûne dans le groupe « à jeun » était de 15 heures, et de 3 heures dans le groupe « non à jeun ». Concernant les critères secondaires, les taux de néphropathie induite étaient similaires dans les deux groupes, tout comme la satisfaction concernant la procédure et la douleur perçue. Aucun événement indésirable relatif à la nourriture n’a été retrouvé.
Des avantages pour les patients comme pour le personnel soignant
Outre la sécurité, c’est en termes de « confort » que cette étude ouvre de nouvelles perspectives pour le patient. En effet, les patients non à jeun ont rapporté qu’ils ressentaient moins la faim et la soif le jour de l'examen et ont émis le souhait, pour 79 % d’entre eux, de ne pas être à jeun en cas de nouvelle intervention coronarienne.
« À l’hôpital Henri Mondor, nous sommes dans une démarche de simplification et d’amélioration du parcours patient. Nous essayons de leur permettre plus d’autonomie et de confort, et cette étude s’inscrit parfaitement dans cette optique », commente le Dr Boukantar. De plus, les auteurs rapportent des bénéfices également pour le personnel soignant du fait d’un allégement de la logistique relative à la prescription médicale de la mise à jeun et à l’attribution des repas. « Cela va aussi nous permettre de maintenir les rendez-vous que nous annulions du fait d’un non-respect du jeûne », se réjouit-il.
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