Après la SEP, l’épilepsie ? Si les psychiatres alertent régulièrement sur les effets délétères du cannabis en matière de santé mentale – pointant notamment les risques de décompensation de psychoses chez les usagers réguliers –, les neurologues, eux, lorgnent de plus en plus sur ses vertus thérapeutiques potentielles. Déjà approuvée pour le traitement de la spasticité dans la SEP, l’utilisation des cannabinoïdes dans l’épilepsie apparaît comme une piste de recherche de plus en plus crédible. Et, déjà, de nombreux patients n’ont pas attendu le feu vert scientifique pour s’emparer de la question…
« C’est un vrai questionnement pour les patients de savoir si le cannabis peut les aider à gérer leurs crises », témoigne le Pr Sophie Dupont, neurologue et épileptologue à la Pitié-Salpêtrière. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à jeter un œil sur Internet où les questions et témoignages s’accumulent : « Je fume le cannabis depuis 5 ou 6 ans, ce qui a été toujours bénéfique par rapport à l'épilepsie », « oui, le cannabis diminue les crises mais à force il a tendance à rendre agressif », peut-on lire, par exemple, sur certains forums.
Une tendance forte
En Australie, où le cannabis thérapeutique est légal, une étude parue à la fin mars dans Epilepsy and Behavior confirme cette tendance et montre que 14 % des épileptiques y ont eu recours afin de minorer leurs crises. Chez ces consommateurs, 90 % des adultes et 71 % des parents d’enfants malades rapportent une baisse de la fréquence des crises grâce à la marijuana. La plupart justifient leur démarche par moins d’effets indésirables par rapport à d’autres médicaments antiépileptiques ou d’essayer ce moyen pour gérer une pathologie résistant aux autres traitements. « Malgré les limites de crédibilité d’un questionnaire en ligne, nous ne pouvons ignorer la proportion importante d’enfants et d’adultes qui utilisent des produits issus du cannabis, d’autant que beaucoup relatent une amélioration de leurs conditions », affirme le Dr Anastasia Suraev, qui a dirigé les travaux. Tout en pointant le manque d’étude sur le sujet.
C’est aussi ce que suggère une revue de la littérature sur les effets potentiellement bénéfiques des cannabinoïdes dans l’épilepsie publiée dans le NEJM en septembre 2015. Pour les auteurs, les conclusions sont claires : si les données disponibles laissent entrevoir la possibilité de les utiliser, les preuves sur leur efficacité ou la sécurité restent insuffisantes .
Une étude publiée depuis dans The Lancet Neurology apporte sa pierre à l’édifice. Mené sur près de 200 patients souffrant d’épilepsie résistante, ce travail montre qu’un traitement de 12 semaines avec du cannabidiol (CBD) permet de diminuer la survenue de crises de 36,5 % en moyenne sur le mois, la fréquence médiane des crises passant de 30 crises à 16/mois. « C’est une étude en ouvert, assez bien faite », évalue le Pr Dupont.
Les promesses du cannabidiol
Dans cette étude, le produit testé est un dérivé du cannabis mis au point par GW Pharmaceuticals. Composé à 98 % de CBD, ce médicament est quasiment dépourvu de tétrahydrocannabinol (THC), la substance qui serait responsable des évènements indésirables et des effets psychotropes du cannabis. D’où une moindre nocivité attendue même si certains travaux suggèrent l’existence d’interactions avec certains antiépileptiques classiques comme le valproate.
Baptisé Epidiolex®, ce médicament vient de faire l’objet d’une première étude multicentrique vs placebo. Réalisé en pédiatrie, cet essai porte sur deux types d’épilepsies sévères, les syndromes de Dravet et de Lennox-Gastaut. « Les résultats devraient tomber incessamment », s’enthousiasme le Pr Dupont. S’ils se révèlent satisfaisants, ils pourraient déboucher sur une AMM pour ces maladies et permettre la mise en place de nouveaux essais cliniques sur d’autres types d’épilepsie, afin de généraliser l’usage du CBD. « Ce qui est intéressant avec ce produit, c’est qu’il a un autre mécanisme d’action que les antiépileptiques classiques », sachant que 30 % des épilepsies sont résistantes aux traitements actuels.
En attendant, faut-il toujours déconseiller l’usage du cannabis chez les épileptiques ? « On n’est pas à l’aise avec ça, on ne veut pas les rendre accros mais ce n’est pas non plus de la cocaïne », répond le Pr Dupont. Sur le plan neurologique, « de manière occasionnelle, on manque d’arguments pour l’interdire », poursuit-elle. Pour autant, mieux vaut peut-être informer les patients des essais cliniques en cours et leur recommander d’attendre la mise sur le marché du médicament qui, lui, sera dépourvu des effets néfastes associés au cannabis.
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