Gladstone disait un jour à la Chambre des communes : « L’alcool fait de nos jours plus de ravages que ces trois fléaux historiques : la famine, la peste et la guerre ». Cette proposition n’a rien d’exagéré ; et pour avoir l’air de combattre la nouvelle plaie sociale, on s’est livré récemment, sur les murs, à une débauche d’affiches blanches où sont étalées des instructions très paternelles et qui auront sans doute le même succès d’estime que la loi de 1872 sur l’ivresse publique.
Que peut-on bien attendre de simples conseils alors que les habitudes sont invétérées, les cabarets et débits multipliés et protégés par les nécessités fiscales et électorales ? Les empoisonneurs publics auraient bien tort de s’émouvoir et de craindre pour l’écoulement de leur marchandise.
Cependant, on s’imagine volontiers que le mal est moins grand que chez nos voisins, les Anglais et les Allemands ; et les publications populaires, telles que l’Almanach Hachette, entretiennent avec complaisance cette erreur funeste. C’est ainsi qu’on a pu lire ici même un écho répétant que « l’Allemagne est le pays d’Europe qui souffre le plus du fléau de l’alcoolisme ». La vérité est tout autre et, bien qu’elle ne soit pas inédite, ni flatteuse pour notre amour-propre, elle est bonne à redire dans l’intérêt du salut public.
Grâce aux patientes recherches de M. Denis, instituteur à Genève, qui les fit connaître au congrès de l’alcoolisme à Bâle, en 1895, on apprit avec stupeur que la France tenait le record de l’alcoolisme, à la tête, et de beaucoup, de toutes les nations avec une consommation annuelle de 14 litres d’alcool pur, à 100 degrés, par habitant, alors que l’Allemagne ne vient qu’après avec 10 litres et demi seulement et l’Angleterre un peu plus de 9 litres. La consommation de l’absinthe en France est passée de 58 milliers d’hectolitres en 1885 à 165 milliers en 1894.
Chaque Parisien, en 1901, a consommé une moyenne de 268 litres de vin, d’après les chiffres de l’octroi. Cette même moyenne n’avait pas dépassé 197 litres en 1897 et 186 litres en 1887. C’est un beau résultat, dit ironiquement M. Edmond Théry dans « L `Economiste européen », pour la Faculté de médecine qui, depuis plus de quinze années, interdit systématiquement l’usage du vin à sa clientèle. Si l’on considère uniquement la consommation la consommation des boissons distillées ou spiritueux (alcool à 50 degrés), on constate que la France et l’Allemagne sont aujourd’hui, à très peu près, sur le même rang avec 8 à 9 litres par tête et par an. Mais la consommation s’est accrue en France d’une façon continue : elle passait de 2 litres en 1835 à 5 litres en 1875. L’Allemagne, au contraire, qui consommait en 1885 l’énorme chiffre de 16 litres d’alcool à, 50 degrés, par habitant, n’était plus qu’à 9 litres à peine en 1892, soit une diminution de 7 litres en 5 ans. Ce résultat est dû à la loi de 1887 qui frappe l’alcool d’un impôt énorme.
Notons, enfin, que l’Angleterre, qui consommait 5 litres de spiritueux en 1850, était toujours au même chiffre en 1895. Malgré cet état stationnaire, en somme très méritoire, de l’alcoolisme, on sait que l’Angleterre a vu sa mortalité par tuberculose diminuer de moitié durant le demi-siècle écoulé, c’est-à-dire précisément depuis les environs de 1850. Ce n’est donc pas à la diminution de l’alcoolisme qu’il faut attribuer ce remarquable recul de la tuberculose chez nos voisins.
(Dr E. Calarand, de Saint-Mandé, dans la « Chronique médicale », 1903)
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