Le syndrome de Gougerot-Sjögren est une maladie auto-immune hétérogène avec divers symptômes subjectifs tels que la sécheresse (notamment oculaire et buccale), la fatigue et la douleur, ainsi que des manifestations systémiques très variées et un risque accru de lymphome. Pathologie à prédominance féminine (9:1), elle se traduit de manière très hétérogène selon les patients.
À partir des variables que sont les symptômes, les manifestations systémiques, ou encore les risques, les auteurs de l’étude publiée dans le Lancet Rheumatology * le 1er mars ont identifié trois sous-groupes distincts de Sjögren associés à trois trajectoires pronostiques. Jusque-là, « la plupart des stratifications étaient fondées uniquement sur les symptômes subjectifs, et décrivaient leur intensité (faible ou élevée) ou prédominance (sécheresse oculaire avec ou sans fatigue et douleur) », expliquent-ils. Cette classification permettrait de stratifier les patients dans de futurs essais cliniques, et de repérer ceux aux pronostics plus lourds. L’étude a été financée par la Fondation pour la recherche médicale, le ministère de la Santé, la Société française de rhumatologie, ainsi que par leurs homologues britanniques.
Plus de lymphomes dans deux sous-groupes
Les auteurs ont réalisé une analyse en cluster sur deux cohortes françaises : la cohorte Paris-Saclay (n = 534, 94 % de femmes, 6 % d’hommes et un âge médian de 54 ans) et la cohorte Assess (n = 395, 94 % de femmes, 6 % d’hommes et un âge médian de 53 ans), pour identifier les trois sous-types. Ils ont ainsi isolé 26 variables liées à la maladie comprenant les symptômes subjectifs, les manifestations cliniques et les paramètres biologiques à partir de la cohorte Paris-Saclay. Le groupe 1 (n = 205) comprenait les patients avec peu de symptômes, peu de manifestations systémiques et une activité lymphocytaire B élevée ; ces patients avaient été diagnostiqués un peu plus tôt que la moyenne des autres groupes. Le groupe 2 (n = 160) rassemblait ceux aux manifestations systémiques importantes et affichait une proportion plus importante d’hommes que les autres groupes (20 %) ; tous les patients d’ethnie africaine de l’étude se trouvaient dans ce groupe, ainsi que 12 % des patients d’ethnie asiatique (88 % dans le groupe 1). Le groupe 3 (n = 169) réunissait la présence de symptômes subjectifs et une faible activité systémique.
Ces trois sous-groupes dégagés ont été validés avec la cohorte Assess, avec quelques particularités. Le groupe 3 comptait 13 % des patients (contre 32 % dans Paris-Saclay) et les hommes étaient plutôt regroupés dans le groupe 1 et 2. Dans cette deuxième cohorte, les auteurs ont observé au cours du suivi une évolution péjorative de l’activité de la maladie et des symptômes pour les patients du groupe 1. De plus, les lymphomes, complication principale de la maladie, ont été uniquement développés par des patients du groupe 1 (3 % d’entre eux) et 2 (4 % d’entre eux).
Peu de corrélations avec les précédentes classifications
Les groupes définis par les auteurs ont donc chacun un pronostic et des mécanismes pathophysiologiques différents, ainsi que des pronostics distincts en termes de risque d’évolution systémique et symptomatique, et d’incidence du lymphome. Les auteurs observent également à partir de ces résultats « une corrélation pauvre entre cette nouvelle classification et la classification symptomatique précédente ». Cependant, ils confirment la plus forte activité de la maladie et les complications systémiques chez les individus d’ethnie africaine en comparaison avec les Caucasiens. Enfin, ils précisent que les limites de leur étude résident dans le manque de données (10 %) pour la cohorte Assess, « ayant nécessité de multiples imputations ». Et d’ajouter qu’ils n’ont pas pris en compte les antécédents de traitement pour les Sjögren, qui peuvent pourtant avoir une influence sur les manifestations de la maladie.
*Dont les équipes du département de rhumatologie de l’hôpital Bicêtre AP-HP, centre national et européen de référence pour les maladies systémiques auto-immunes, de l’Université Paris-Saclay et de l’Inserm, coordonnées par le Dr Yann Nguyen et les Prs Xavier Mariette et Raphaèle Seror.
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