À l’occasion de la journée européenne d’information sur les antibiotiques qui a lieu ce 18 novembre, tous les acteurs concernés se mobilisent face à l'inquiétante expansion de l’antibiorésistance. Hier, dans le cadre de la mission comptant 6 ministères, Marisol Touraine annonçait une feuille de route visant à maîtriser l’antibiorésistance. Aujourd'hui, un rapport rédigé par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) et Santé publique France fait le point sur la situation. Et la HAS en collaboration avec la SPILF (Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française), met à disposition des médecins généralistes des fiches mémo sur les infections urinaires et respiratoires les plus fréquentes afin d'éviter les prescriptions inappropriées. En parallèle, les experts de la société européenne de la microbiologie Clinique et des maladies infectieuses (ESCMID) se joignent à leurs homologues pour promouvoir un usage modéré des antibiotiques.
La consommation d’antibiotiques en France et en Europe demeure problématique
D'après le rapport de l'Anses et de l'ANSM, en 2015, 786 tonnes d’antibiotiques destinés à l’Homme ont été vendues dans l’Hexagone et 514 tonnes à destination des animaux. En santé humaine, plus de 90 % des antibiotiques sont consommés en médecine de ville et 7 % en établissement de santé. Pour les animaux, 96 % des médicaments sont destinés à ceux que l’on consomme et seulement 4 % sont prescrits pour nos compagnons domestiques.
Même si le rapport souligne qu’en 2015, les chiffres étaient inférieurs à ceux du début des années 2000, l’emploi d’antibiotiques en ville a augmenté sur 10 ans. Si l’on se replace dans le contexte européen, en 2014, la France était au 3e rang des plus gros consommateurs, juste derrière la Grèce et la Roumanie. Encore maintenant, d’après les déclarations de vente, la consommation d’antibiotiques de ville est de 22 doses pour 1 000 habitants et par jour en Europe contre 29,9 en France. Les Hauts de France atteignent des sommets avec plus de 32 doses !
Si on regarde la consommation dans les établissements de santé sur ces 10 dernières années dans l'Hexagone, elle serait plutôt stable. Au niveau européen, les données sont plus difficiles à interpréter. Cependant, parmi les 24 pays qui ont répondu en 2014, la France était au 7e rang des pays les plus consommateurs.
Point positif, en santé animale une diminution stable est constatée depuis plusieurs années. Ceci serait en partie dû à plusieurs initiatives mis en place depuis 2010 dont le plan EcoAntibio qui vise à réduire de 25 % de l’usage des antibiotiques d’ici 5 ans.
Surconsommation d’antibiotiques, mais lesquels ?
Les pénicillines demeurent parmi les molécules les plus consommées dans le pays. En ville, l’amoxicilline représente 37 % des achats et son association avec l’acide clavulanique 24 %. Ainsi, si la consommation a décru dans presque toutes les classes d’antibiotiques, ces deux traitements demeurent des exceptions. Ils sont d'ailleurs aussi ceux qui sont les plus utilisées en établissement de santé.
La réelle menace du Coli BLSE
D’après les laboratoires d’analyses de biologie médicale, la proportion de staphylocoque doré résistant à la méticilline en ville reste stable depuis 10 ans; elle est même en diminution régulière dans les établissements de santé. Les mêmes laboratoires rapportent, en revanche, une hausse de la résistance aux céphalosporines de 3e génération chez E.Coli qui passe de 1 % en 2006 à 4 % en 2013. Il en est de même pour les hôpitaux où elle est passée de 1,4 % en 2005 à 11,9 % en 2015. Quant aux pneumocoques, la proportion de ceux résistants à la pénicilline et aux macrolides a diminué quasi constamment depuis 10 ans, mais malgré cette baisse, la France reste une des pays d’Europe à forte résistance.
C’est donc pour E.Coli que les résultats sont les plus préoccupants. Si on y regarde de plus près, les données régionales montrent des disparités au niveau du nombre de E.Coli BLSE (bactéries produisant du bêta-lactamase à spectre étendu qui est le mécanisme de résistance le plus fréquent). Apparemment, c’est en PACA que l’on a isolés, en ville, le plus de E. Coli BLSE lors d’infections urinaires. À l’opposé, la Bretagne présente les taux les plus bas. En établissement de santé, les taux d’incidence d’E.Coli BLSE les plus élevés sont aussi en PACA et en île de France. À l’inverse, les données les plus faibles ont été relevées dans les régions Pays de Loire et Centre.
Ainsi, pour les deux secteurs, la Bretagne et les Pays de la Loire ont des niveaux de consommations comme de résistance aux antibiotiques les plus bas, contrairement à l’île de France où les taux sont élevés. Toutefois, la comparaison entre les données régionales est ardue car la fréquence des infections et les types de micro-organismes en cause diffèrent également selon les localités.
Les patients restent demandeurs
Enfin, les laboratoires Sanofi ont aussi profité de cette journée pour rendre public les résultats de leur étude « Opinion way » sur les attitudes des Français vis-à-vis de cette catégorie de médicament. Elle montre que, sur près de 1 000 participants âgés de 18 ans et plus, 40 % demandent à leurs médecins des antibiotiques alors qu’ils sont atteints de maladies virales de type angine. En outre, 29 % des interrogés et 37 % parmi les 25-34 ans pensent que ce type de traitement est efficace face à des virus.
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