Les critères d’inclusion dans l’expérimentation du cannabis médical s’élargissent. Et ce, afin de toucher plus de patients souffrant de symptômes rebelles en oncologie. Selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), depuis la mi-avril, les patients atteints de cancer du sein ou de la prostate encore sous hormonothérapie - qui devaient jusqu'à présent attendre la fin de leur traitement anticancéreux pour participer à l’expérimentation - sont désormais éligibles au cannabis thérapeutique.
Des patients jusqu'à présent exclus de l'expérimentation
Pour rappel, depuis son lancement, l’expérimentation est ouverte notamment aux patients présentant certains symptômes rebelles en oncologie insuffisamment soulagés par les thérapeutiques habituelles (ou tolérant mal ces médicaments classiques). Toutefois, « le traitement par cannabis médical ne pouvait jusqu’à présent être mis en place au cours de chimiothérapies anticancéreuses », rappelle l’ANSM. En cause : de potentielles interactions médicamenteuses, « qui pouvaient diminuer les concentrations de certains médicaments anticancéreux et induire ainsi une moindre efficacité, et donc une perte de chance pour le patient ».
Cependant, ces possibles interactions délétères entre cannabis et thérapies anticancéreuses restaient à évaluer. Dans ce contexte, « l’ANSM a demandé au Groupe de pharmacologie clinique oncologique (GPCO, groupe associé Unicancer) d’étudier spécifiquement les interactions entre le cannabis médical et certains traitements anticancéreux ».
Aucune interaction liée au THC
Résultat : aux doses recommandées dans l’expérimentation, les risques d’interactions délétères entre les molécules d’hormonothérapie et chacun des deux cannabinoïdes majoritaires (THC, CBD) présents dans les huiles et fleurs de Cannabis sativa utilisées apparaissent faibles.
En effet, aux concentrations atteintes dans le cadre de l’expérimentation, « aucune interaction (n’est) attendue » entre le THC et les médicaments d’hormonothérapie, rapporte l’ANSM. De même, le CBD semble ne pas interagir avec l’enzalutamide, l’apalutamide, les analogues GnRH et le dégarelix utilisés contre le cancer de la prostate.
Des concentrations de certains anticancéreux augmentées par le CBD
Cependant, le CBD semble capable d’interagir avec d’autres molécules d’hormonothérapie. Mais le plus souvent, ces interactions potentielles semblent plutôt augmenter les concentrations de médicament anticancéreux – sans « risque de perte de bénéfice clinique », souligne l’ANSM. C’est le cas avec l’abiratérone, le darolutamide et la cyprotérone utilisés contre le cancer de la prostate, ou avec le létrozole utilisé contre le cancer du sein. Ainsi le cannabis thérapeutique peut-il être utilisé concomitamment à ces traitements – dont les effets indésirables, alors potentiellement majorés, sont toutefois à surveiller.
Prudence avec le tamoxifène, l'anastrozole ou l'exémestane ?
En fait, il n’y a qu’avec trois molécules utilisées dans l’hormonothérapie du cancer du sein que le cannabis thérapeutique pourrait provoquer des interactions potentiellement plus problématiques.
D’abord, une « légère diminution des concentrations des molécules anticancéreuses actives » peut être causée par une interaction entre tamoxifène et CBD. Cependant, l’ANSM juge « négligeable » l'impact de cette interaction sur le bénéfice clinique (« au regard des fortes variations de concentrations observées dans la population générale ») et « possible » l’utilisation du cannabis thérapeutique sous traitement par tamoxifène.
Dans le même esprit, une interaction pharmacodynamique entre CBD d’une part et anastrozole et exémestane d’autre part est « suspectée dans le sens d’une diminution potentielle de l’effet du traitement anticancéreux ». Dace à des « données cliniques absentes ou limitées », l’ANSM laisse néanmoins la prescription de cannabis thérapeutique « à la discrétion de l’oncologue en fonction de l’objectif thérapeutique (adjuvant/palliatif/…) ».
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