Il faut mieux distinguer les patients réellement hypersensibles aux médicaments de ceux abusivement étiquetés comme tel. C’est ce qui se dégage d’une séance de l’Académie nationale de pharmacie centrée sur l’hypersensibilité médicamenteuse.
Correspondant aux « effets indésirables médicamenteux ressemblant cliniquement à l’allergie », l’hypersensibilité médicamenteuse est de plus en plus considérée comme un fardeau sanitaire. « On a reçu il y a quinze jours un document de l’ARS qui (souligne) que (l’hypersensibilité médicamenteuse) devient un vrai problème de santé publique », rapporte Frédéric Bérard, professeur d’immunologie clinique au CHU de Lyon et vice-président de la Société française d’allergologie.
Et pour cause. L’hypersensibilité médicamenteuse peut s’avérer grave, voire mortelle. « Aux hospices civils de Lyon, on a perdu l’année dernière 11 patients », déplore le Pr Bérard.
De plus, le trouble apparaît fréquent. Selon Bénédicte Lebrun-Vignes, dermatologue et pharmacologue exerçant en médecine interne à la Pitié-Salpêtrière (AP-HP), 15 à 20 % des hospitalisations pour effets indésirables médicamenteux sont dues à des réactions d’hypersensibilité. Et, au total, 2 % de la population générale française serait concernée, quels que soient la gravité et les médicaments incriminés : pénicillines, céphalosporines, produits de contraste iodés, curares, morphine, vancomycine, fluoroquinolones, AINS, anticancéreux, etc.
Un chiffre certes non négligeable mais loin des prévalences de 8 % avancées par diverses études fondées sur des autoquestionnaires. Ce qui souligne la fragilité de certains diagnostics pouvant pourtant conduire à des évictions.
Des évictions injustifiées et délétères
Or, comme le souligne le Pr Pascal Demoly, pneumologue et allergologue au CHU de Montpellier et président de la Société française d’allergologie, les évictions dues aux faux diagnostics d’hypersensibilité « sont extrêmement délétères ». « On sait actuellement que quasiment la moitié des staphylocoques résistants et à peu près un tiers des Clostridium difficile résistants (se développent) chez des (individus) qui ont une fausse étiquette d’allergie aux pénicillines, à qui on donne des alternatives qui induisent (ces résistances). »
Ainsi, il apparaît nécessaire de mieux trier les patients. Une distinction qui peut d’abord se faire sur la base de signes cliniques – l’hypersensibilité médicamenteuse se révélant par des manifestations cutanées associées ou non à des signes de gravité (bronchospasme, hypotension, etc.). En fait, le Pr Bérard distingue deux grands types d’éruptions pouvant évoquer une hypersensibilité. Il décrit d’abord une urticaire – aiguë superficielle ou plus profonde (angiœdème) – persistant moins de 24 heures et survenant dans l’heure ou dans les jours suivant l’administration d’un médicament. « Lorsque ce délai est dans l’heure qui suit la prise du médicament, l’urticaire est plus fréquemment d’origine allergique (type I de la classification de Gell et Coombs) et (…) parfois accompagnée d’un ou plusieurs symptômes d’anaphylaxie », relève l’Académie de pharmacie. Autre atteinte dermatologique évocatrice : « une éruption “fixe” (durée de chaque lésion > 24 heures), également souvent prurigineuse, survenant de façon retardée après l’introduction du médicament ».
C’est de ces éruptions fixes que relèvent certains syndromes allergiques graves, qui doivent conduire aux urgences : érythème pigmenté fixe, syndromes de Stevens-Johnson de Lyell, pustulose exanthématique aiguë généralisée, etc.
Pour tout patient ayant présenté des symptômes suspects ou se présentant comme allergique aux médicaments, les experts incitent à faire confirmer le diagnostic par un allergologue – qui pourra réaliser des examens complémentaires (prick test, intradermoréaction, voire dosage des IgE) et confirmer la prise en charge à long terme (éviction, prémédication par antihistaminique, ou désensibilisation). À noter toutefois un obstacle à cette orientation systématique : un nombre insuffisant d’allergologues.
Quoi qu’il en soit, à l’issue de l’exploration, pour faciliter la reconnaissance ultérieure des patients présentant bel et bien une allergie ou une hypersensibilité grave, l’Académie de pharmacie précise que doit être remise aux individus concernés une « carte d’allergie mentionnant la DCI des molécules contre-indiquées ».
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