Près d’un patient sous statine sur deux arrête ou modifie son traitement pour suspicion d’effets secondaires. Un risque largement surestimé, conclut une vaste méta-analyse qui s’est attachée à évaluer de façon précise la réalité de l’intolérance aux statines.
Une prévalence inférieure 10 %
Jusqu’à présent, les données sur le sujet étaient contradictoires avec une prévalence variant de 5 à 50 %, selon les études. Pour y voir plus clair, des chercheurs dirigés par le Pr Maciej Banach (Pologne) ont analysé la littérature internationale publiée jusqu'au 31 mai 2021 pour identifier les travaux faisant état de la prévalence de l'intolérance aux statines. Au total 176 études portant sur 4 143 517 patients ont été retenues et analysées. L'objectif était de déterminer la prévalence de l'intolérance aux statines globale et selon des critères diagnostiques bien précis (critères de la National Lipid Association -NLA-, de l’International Lipid Expert Panel -ILEP- et de l’European Atherosclerosis Society -EAS-) et de rechercher d’éventuels facteurs favorisants.
Dans cette méta-analyse publiée dans l’European Heart Journal, la prévalence globale de l’intolérance aux statines était de 9,1 %. Elle était encore plus faible lorsque le diagnostic était posé sur les critères NLA, ILEP ou EAS (7 %, 6,7 % et 5,9 % respectivement).
Pour le Pr Banach, « ces résultats signifient qu'environ 93 % des patients sous statine peuvent être traités efficacement, sans aucun problème de sécurité ». Soit une tolérance finalement « similaire voire meilleure que celle observée avec d'autres médicaments de cardiologie » comme les antihypertenseurs, les anticoagulants, etc.
Effet nocebo ?
L’intolérance aux statines serait donc « surestimée et surdiagnostiquée », estiment les auteurs qui appellent à « évaluer de façon minutieuse » les patients présentant des symptômes potentiels liés à l'intolérance aux statines, « en détaillant leurs antécédents médicaux, le moment où les symptômes sont apparus, les caractéristiques de la douleur, les autres traitements en cours et les autres facteurs de risque ». Que ce soit pour éliminer une autre cause, mais aussi pour évaluer dans quelle mesure « la perception des patients sur la nocivité des statines (effet nocebo) pourrait être responsable d’une partie des symptômes, plutôt que le médicament lui-même ».
Des facteurs de risque identifiés
Ce travail a aussi permis de mettre en évidence plusieurs facteurs associés à un risque accru d’intolérance aux statines, comme l’âge avancé (OR 1,33), le sexe féminin (OR 1,47), l’obésité (OR 1,30), le diabète (OR 1,26), l’hypothyroïdie (OR 1,37) ou encore l'insuffisance hépatique et rénale chronique. Certains traitements comme les antiarythmiques et les inhibiteurs calciques ont aussi été incriminés de même que la consommation élevée d'alcool. Enfin des doses plus élevées de statines ont été associées à un risque plus important d'intolérance aux statines.
« Il est extrêmement important de connaître ces facteurs de risque afin de pouvoir prédire que tel ou tel patient présente un risque plus élevé d'intolérance aux statines et envisager alors d'emblée d'autres solutions thérapeutiques, estime le Pr Banach, comme des doses de statines plus faibles, une thérapie combinée et l'utilisation de nouveaux médicaments innovants ».
Des résultats solides
Si les chercheurs reconnaissent certaines limites à leur travail (différences entre les patients inclus et manque d'informations sur certains éléments comme la consommation d'alcool ou l'exercice physique), ils semblent plutôt confiants quant à leurs résultats. « Je crois que la taille de notre étude, qui est la plus grande au monde sur ce sujet, nous permet enfin de répondre efficacement à la question de la véritable prévalence de l'intolérance aux statines », se félicite le Pr Banach pour qui, « ces résultats montrent clairement que les patients n'ont pas à avoir peur du traitement par statine car il est très bien toléré ».
Il y a tout juste un an, un autre travail publié dans le BMJ allait déjà dans ce sens, remettant en cause les liens entre statines et symptomatologie musculaire.
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce
La prescription d’antibiotiques en ville se stabilise
Le Parlement adopte une loi sur le repérage des troubles du neurodéveloppement
Chirurgie : les protocoles de lutte contre l’antibiorésistance restent mal appliqués, regrette l’Académie