Aujourd’hui, l’association d’anti-angiogénique, traitement utilisé auparavant en monothérapie des cancers du rein avancés, à des anti-PD1 ou anti-PDL1, ou de 2 immunothérapies entre elles anti-CTLA4 + anti-PD1, change la donne. « Il y a dix ans, la médiane de survie des patients était de 1 an et aucune rémission complète n’était observée. Aujourd’hui, 10 % des patients sont en rémission complète avec l’association ipilimumab (I)+nivolumab (N) voire 15 à 20 % lorsque les patients sont bien sélectionnés, a expliqué le Dr Bernard Escudier (Gustave-Roussy, Villejuif). Cela change complètement la prise en charge des malades et leur pronostic. »
Rappelons que le choix du traitement dépend de critères pronostiques. La classification IMDC (International Metastatic RCC Database Consortium) est désormais l’une des plus utilisées en pratique clinique, y compris chez les patients naïfs de traitements. Celle-ci tient compte du délai entre le diagnostic et l’instauration d’un traitement systémique, du taux d’hémoglobine, de la calcémie corrigée, du score de performance de Karnofsky, du taux de neutrophiles et de plaquettes. Selon ces critères, les patients sont classés en 3 catégories : bon pronostic (0 critère présent), pronostic intermédiaire (1 ou 2 critères) et mauvais pronostic (≥ 3 critères).
Dans les deux dernières années, trois études ont montré un bénéfice de la bithérapie par rapport au traitement classique, monothérapie d’un anti-angiogénique, dans le cancer du rein métastatique :
L’étude Checkmate 214(1), de phase III, randomisée, en ouvert, a comparé le nivolumab (anti-PD1) en association à l’ipilimumab (anti-CTLA4) au sunitinib en monothérapie chez 847 patients atteints d’un CCR avancé non prétraité, de pronostic intermédiaire ou défavorable. La double immunothérapie améliore significativement la survie globale : réduction de 37 % du risque de décès par rapport au sunitinib (p < 0,0001). La SG médiane est de 26 mois sous sunitinib et non atteinte dans le bras nivolumab+ipilimumab après un suivi médian de 25,1 mois. Le taux de survie globale estimé à 1 an est de 80,1 % pour l’association d’immunothérapies versus 72,1 % dans le bras monothérapie par sunitinib. La médiane de SSP a été de 11,6 mois dans le groupe N+I et de 8,4 mois dans le groupe sunitib (p< 0,009,NS). Le taux de réponse objective est de 41,6 % dans le groupe N+I et de 26,5 % dans le groupe sunitinib (p<0,0001). Le taux de réponse complète est de 9,4 % dans le bras N+I versus 1,2 % dans le bras S. La durée de la réponse est plus longue dans le groupe association immunothérapies versus monothérapie par TKI. Moins d’effets secondaires graves de grades 3 et 4 sont observés (65 % versus 76 %).
L’essai KEYNOTE-426 de phase III dont les résultats ont été communiqués à l’ASCO GU 2019 a randomisé 861 patients atteints d’un CCRm à cellules claires, n’ayant pas reçu de traitement systémique antérieur, dans 2 bras de traitements selon une randomisation 1:1 : l’association pembrolizumab (anti-PD1) + axitinib, ou le sunitinib en monothérapie, jusqu’à la progression de la maladie, une toxicité intolérable ou la décision du patient/de l’investigateur. Les critères d’évaluation principaux étaient la SG et la SSP. Le suivi médian a été de 12,8 mois. Le taux de SG à 12 mois : 89,9 % dans le bras pembrolizumab + axitinib, 78,3 % dans le bras sunitinib. La médiane de survie sans progression a été de 15,1 mois dans le bras pembrolizumab + axitinib, 11,1 mois dans le bras sunitinib (RR : 0,69 ; P = 0,0001). Le taux de réponse objective est de 59,3 % dans le bras pembrolizumab + axitinib, 35,7 % dans le bras sunitinib.
« L’avantage de l’association pembrolizumab + axitinib a été observé indépendamment du groupe de risque (bon/intermédiaire/mauvais pronostic) et du statut PDL1 », a indiqué Bernard Escudier.
La troisième étude est Javelin renal 101 qui a évalué l’association avelumab (anti-PDL1) et axitinib (anti-angiogénique). Cette association thérapeutique avélumab+axitinib a retardé de 13,8 mois la progression de la maladie, en comparaison d’un délai de 8,4 mois pour le sunitinib. Quant au taux de réponse, il a été de 51 % chez les patients ayant reçu la combinaison avélumab+axitinib, en comparaison d’un taux de 26 % chez les patients ayant reçu le sunitinib. Toutefois, la disparition complète de la maladie (réponse complète) n’a été observée que chez 3 % des patients ayant reçu la combinaison avélumab+axitinib, en comparaison de 2 % chez les patients ayant reçu le sunitinib. En outre, pour le moment, on n’observe pas d’augmentation de la survie globale chez les patients du groupe avélumab+axitinib, mais les données de l’étude ne sont pas encore suffisamment complètes.
Force est de constater que « les associations thérapeutiques font mieux que la monothérapie dans le cancer du rein métastatique en termes de taux de régression tumorale, de SSP, et de SG pour les associations (I+N) et (P+A). L’avélumab associé à l’axitinib n’a pas pour l’instant démontré de bénéfices en termes de survie globale », a précisé Bernard Escudier.
Toutes ces associations ont obtenu un avis favorable du CHMP.
Chez les patients de pronostic intermédiaire et mauvais, l’association I+N est remboursée en France (Avis de la Commission de transparence juillet 2019). Les autres associations ne sont pas encore remboursées. « La question du choix entre ces différentes combinaisons se posera lorsqu’elles seront toutes disponibles dans l’Hexagone. Il semble que l’association I+N entraîne un taux de rémission complète plus élevé, avec donc potentiellement plus de guérison, par rapport à l’association P+A. L’association I+N sera alors davantage privilégiée chez les patients dont le pronostic est défavorable. Par contre, chez les patients dont le pronostic est bon, on privilégiera l’association P+A qui induit des durées de réponse longue. »
Pour le Dr Escudier, des questions importantes se posent : « Combien de temps devrons-nous donner ces combinaisons ? Devrons-nous les donner comme traitement d’induction et ensuite poursuivre par une monothérapie ? Ou à l’inverse débuter par une monothérapie et ensuite associer un second médicament si cela ne suffit pas. Des études sont en cours pour essayer de répondre à ces questions. L’EMA et le CHMP ont demandé à BMS de diriger une étude comparative I+N versus nivolumab seul afin de s’assurer de l’intérêt de l’association, chez les patients de pronostics intermédiaires et défavorables. »
Aujourd’hui, la bithérapie est administrée jusqu’à progression de la maladie.
La bithérapie augmente le coût de traitement
« Pour l’économie de santé immédiate, on va passer de traitements oraux à 4 000 euros par mois à des traitements IV qui vont surcharger les unités d’hôpitaux de jour, avec un coût de traitement de 8 à 10 000 euros par mois. »
Il n’existe pour l’instant aucun critère biologique formel prédictif d’efficacité. « Il y a plein de travaux en cours sur des signatures génomiques, différents marqueurs au niveau de la tumeur et du sang circulants, aucun n’est fiable. Aujourd’hui, on continue à utiliser les critères cliniques et biologiques standards pour catégoriser le pronostic des patients et choisir le traitement en fonction. On espère beaucoup qu’un certain nombre de biomarqueurs vont être validés et éventuellement utilisables en clinique. Le premier était PDL1 au niveau de la tumeur ; il a une certaine valeur prédictive mais qui est limitée et pas suffisante pour choisir le traitement et donc on attend beaucoup de tous les travaux en cours pour espérer avoir une signature génomique qui nous permette de trancher, » a expliqué Bernard Escudier.
Enfin, le Pr Escudier a souligné la difficulté en France d’obtenir l’avis favorable auprès de la Commission de transparence pour avoir enfin accès au médicament.
« En ce qui concerne l’association pembrolizumab+axitinib qui a été acceptée par l’EMA, nous ne savons quand les malades y auront accès. La France a des temps de réaction trop long. »
(1) Motzer R.J. et al. Nivolumab+ipilimumab versus sunitinib in advanced renal-cell carcinoma. N Engl J Med 2018;378:1277-90).
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