Après le paracétamol, l'amoxicilline, seule ou en association à l'acide clavulanique, fait l'objet de fortes tensions d'approvisionnement en France », a confirmé l’ANSM le 18 novembre.
Or cette fois, la pénurie pourrait provoquer une « crise majeure de santé publique », s’inquiètent la Société de Pathologie infectieuse de langue française (Spilf), la Société française de pédiatrie (SPF), le Groupe de Pathologie infectieuse pédiatrique (GPIP) et l’Association française de pédiatrie ambulatoire (Afpa), dans un communiqué commun.
Une situation de pénurie sans précédent en pédiatrie
Les difficultés d’approvisionnement en antibiotiques ne sont certes pas nouvelles. « Depuis quelques années, des ruptures prolongées de stock de nombreux antibiotiques ont pu être observées », rappellent les pédiatres et infectiologues. Mais ce qui inquiète les spécialistes, c’est l’ampleur des nouvelles ruptures– « quasi-complètes », révèlent-ils – et le fait que les spécialités concernées soient « les deux antibiotiques les plus prescrits en pédiatrie (60 à 70 % des prescriptions) ».
De fait, selon l’ANSM, sont particulièrement touchées les suspensions buvables en flacon d’amoxicilline (Clamoxyl et génériques) aux doses de 125 mg/5ml, 250 mg/5 ml et 500 mg/5 ml, et celles d’amoxicilline/acide clavulanique (Augmentin et génériques) à la dose de 100 mg/12,5 mg/ml).
Effet domino
Et « les stocks des alternatives aux formes pédiatriques d’amoxicilline ne permettront pas de tenir au-delà de quelques semaines », préviennent pédiatres et infectiologues qui craignent un report sur les formes adultes. Avec à la clé, un risque majeur de pénurie des présentations d’amoxicilline « adultes » encore « disponibles ». D’ailleurs, comme l’admet l’ANSM, des « formes orales, plutôt destinées à l'adulte (comprimés, gélules, etc.), font également l'objet de tensions ». Ainsi, « l’effet domino » des ruptures pourrait in fine atteindre les stocks d’alternatives orales, voire parentérales, classées comme « critiques », « augmentant le risque d’impasse thérapeutique » et l’impact environnemental des antibiotiques.
Au total, les pédiatres et infectiologues entrevoient une « crise majeure de santé publique » qui pourrait avoir des conséquences « supérieures à (celles) de l’épidémie de bronchiolite » en termes de morbimortalité. Et toucherait également les adultes « à très brève échéance ».
Des niveaux trop élevés de consommation
À quoi est due cette pénurie sans précédent – qui ne concerne d’ailleurs pas que l’Hexagone mais toute l’Europe « ainsi que d’autres marchés internationaux », souligne l’ANSM ? Selon l’agence, l’origine des tensions se trouverait d’abord dans des « difficultés sur les lignes de production industrielle ». « Lors de la pandémie de Covid-19, la demande en amoxicilline avait très fortement diminué, conduisant à une réduction voire un arrêt de certaines lignes de production, qui n'ont pas retrouvé leur capacité d'avant la pandémie », explique le régulateur français. D’après l’ANSM , « les laboratoires expliquent (aussi) ces tensions en amoxicilline par l'augmentation très importante de la consommation en antibiotiques ». Pourtant, « les situations conduisant le plus souvent à la prescription d’antibiotiques en France ne relèvent pas de traitement antibiotique selon les recommandations actuelles », insistent les infectiologues.
Dans ce contexte, l’ANSM assure avoir « demandé aux laboratoires d’augmenter leur capacité de production » et travaille à « identifier (de nouvelles) pistes d'importation ».
Des recommandations adaptées
L’agence a par ailleurs élaboré avec plusieurs sociétés savantes, des recommandations adressées aux prescripteurs ou aux dispensateurs et visant à réduire au maximum l’utilisation des antibiotiques.
Le texte rappelle d’abord les situations – liées dans la plupart des cas à des pathogènes viraux – qui ne nécessitent pas d’antibiotiques : « rhinopharyngite, laryngite, otite congestive, séreuse ou de diagnostic incertain, bronchiolite, bronchite aiguë, angine aiguë chez l’adulte sauf en cas de Trod positif, angine aiguë chez l’enfant de moins de 3 ans, liste l’ANSM mais aussi grippe, Covid-19, crise d'asthme fébrile, suspicion de pneumonie sans examen de confirmation, infections cutanées superficielles (impétigo) et dermatoses impétiginisées, fièvre non expliquée ». Le régulateur rappelle d’ailleurs la possibilité de remettre aux patients une « ordonnance de non prescription ».
Et en cas de besoin d’antibiotique, l’ANSM propose de suivre les recommandations de la HAS en « considérant (deux) adaptations ». La première : limiter à 5 jours la durée du traitement par antibiotique oral pour la plupart des infections courantes. La seconde : en cas d'otite moyenne aiguë purulente de l'enfant de plus de 6 mois, ne proposer un antibiotique qu’en l’absence d’amélioration après 36-48h sous antipyrétique. Chez le nourrisson de moins de 6 mois ou face à une otite compliquée, un antibiotique peut néanmoins se voir introduit d’emblée.
« De plus, toute prescription de ces antibiotiques en téléconsultation doit être proscrite », ajoutent les spécialistes, qui semblent, entre les lignes de leur communiqué, craindre que leurs préconisations restent insuffisantes. « La question est de savoir comment faire appliquer plus strictement ces recommandations. »
Et en cas d’aggravation de la pénurie, « la situation va s’avérer très compliquée à gérer », prévoient les sociétés savantes, qui évoquent alors de véritables changements de protocoles de prise en charge.
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