C’est au cœur d’un cylindre de cinq mètres de hauteur pour cinq mètres de long que se loge l’aimant supraconducteur Iseult. Fruit de vingt ans de recherche et développement, il est traversé par un courant de 1 500 ampères qui rend l’IRM Iseult dix fois plus précis que les scanners médicaux accessibles aujourd’hui.
Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) bat ainsi le record de 10,5 teslas (T) détenu par les Américains pour ce projet de 70 millions d’euros intégré dans le PEPR SupraFusion de France 2030, le programme d’investissement du gouvernement. Il a été mené à NeuroSpin, le centre de recherche sur l’imagerie cérébrale du CEA, qui dispose déjà depuis plusieurs années d’un scanner IRM 7 T utilisé à des fins de recherche. Cette technologie offre ainsi des « images incroyables, d’une précision qui permettra d’éclairer la connaissance médicale et scientifique laissant entrevoir de grandes promesses pour l’avenir », introduit Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Le projet Iseult, dirigé par Nicolas Boulant, directeur de recherche au CEA, a été développé d’une part par le CEA, en collaboration avec des instituts de recherche comme le CNRS, l’Inserm, Inria ou l’Université de Fribourg, et d’autre part en coopération avec des industriels, dont Alstom qui signe la construction de l’aimant. « C’est une science partenariale, innovante et futuriste », se réjouit à ce titre Anne-Isabelle Etienvre, directrice de la recherche fondamentale au CEA. « NeuroSpin s’est allié avec l’Irfu* qui venait tout juste, à l’époque, de terminer la fabrication de leur aimant supraconducteur pour le Cern** (le LHC pour Large Hadron Collider -NDLR) ».
*Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’univers **Conseil européen pour recherche nucléaire, désormais appelé Organisation européenne pour la recherche nucléaire
Observer la distribution du lithium et l’accumulation de fer en quatre minutes
Le contraste, la résolution et la sensibilité d’Iseult sont tels qu’ils permettront « de révéler des veines qui n’étaient pas visibles, même avec le 7 T, et de dessiner avec finesse formes et volumes du cerveau ainsi que les interactions cérébrales », rapporte Nicolas Boulant. En effet, la puissance de champ d’Iseult offre une résolution de 0,02 x 0,02 x 1 mm3 permettant d’observer, en 4 minutes 20 d’acquisition et à l’échelle mésoscopique (une échelle intermédiaire entre le microscopique et le macroscopique), un volume équivalent à quelques milliers de neurones. Un résultat qui nécessiterait théoriquement plusieurs heures avec le type d’IRM implanté dans les hôpitaux.
Avec de nouvelles données anatomiques et fonctionnelles, les scientifiques espèrent en apprendre plus sur la relation entre structure et fonctions cognitives. « Iseult renseigne sur la biochimie du cerveau, pas seulement l’eau, mais aussi le phosphore, le fer, le glucose ou encore le glutamate ! », se réjouit le scientifique. L’équipe entrevoit la possibilité d’une détection plus précoce de la maladie de Parkinson, par l’observation de la destruction des premiers neurones à dopamine ou l’accumulation de fer ; ou encore l’identification de liaisons entre certaines zones corticales dans la sclérose en plaques. « Nous pourrions également mieux comprendre l’action du lithium et sa distribution dans le traitement de la bipolarité », détaille le directeur de recherche.
L’IRM cérébrale de 20 volontaires
Les travaux de l’équipe Iseult font l’objet de l’étude Prems qui a recruté, après avoir obtenu les autorisations en février 2023, 20 volontaires sains pour fournir ces images inédites. Cette phase pilote avait pour objectif de « confirmer la sécurité d’Iseult et réaliser les premières expériences d’imagerie pour explorer son potentiel », détaille Nicolas Boulant. Le chef de projet a ainsi déclaré, lors de la conférence de presse du CEA, que « tous les volontaires se portaient bien et ne présentaient aucun effet significatif sur leur santé lié à l’utilisation de l’IRM ».
L’équipe prévoit désormais, après le rapport de sécurité à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) de continuer l’étude avec plus de volontaires et de l’élargir par la suite à des patients malades. Quelques années de recherche sur les méthodes d’acquisition seront nécessaires avant de pouvoir explorer les pathologies neurodégénératives. Concernant l’arbitrage pour la sélection de projets qui souhaiteraient accéder à cette technologie, « le mode de fonctionnement n’est pas encore établi, des discussions ont commencé sur la gouvernance d’un tel projet, mais l’excellence sera un facteur important », explique-t-il. Quant à l’utilisation en clinique, Nicolas Boulant répond que « s’il ne faut jamais dire jamais, il serait difficile à ce jour d’avoir cette IRM dans un hôpital », du fait du coût et de l’expertise nécessaires. « C’est un instrument de recherche dont les savoirs seront transposés au milieu hospitalier », estime-t-il.
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