Le 31 mai, toutes les grandes institutions se sont mobilisées. Si Santé Publique France fait la chasse aux idées reçues en lançant une campagne de sensibilisation du 18 mai au 30 juin, l’INCa a, quant à elle, conçu de courtes vidéos pour parler des méfaits du tabac. La nouvelle ministre de la Santé, Agnès Buzyn, s’est également saisie du sujet mardi lors des Rencontres de Santé publique France en insistant sur l’urgence de la lutte anti-tabac. Il faut bien dire que les deniers chiffres mis en avant par le BEH n’invitent pas à relâcher les efforts. D’après le baromètre santé 2016, 34,5 % des Français de 15 à 75 ans fumaient et 28,7 % de manière quotidienne. Ce qui montre que les prévalences restent stables depuis 2010 après une hausse constatée de 2005 à 2010. Néanmoins, on constate quelques disparités si on regarde la période totale entre 2010 et 2016. Par exemple, le tabagisme quotidien a diminué chez les hommes de 25 à 34 ans et chez les femmes de 15 à 24 ans.
Le tabac, un marqueur social
Phénomène déjà observé entre 2000 et 2010, les prévalences restent significativement différentes selon les facteurs socio-économiques entre 2010 et 2016. En effet, la prévalence du tabagisme quotidien a augmenté passant de 34 % à près de 39 % parmi les personnes dépourvues de diplômes alors qu’elle a légèrement baissé (de 23 % à 21,1 %) parmi ceux ayant un diplôme supérieur au Baccalauréat.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette tendance, comme l’usage de la cigarette pour gérer le stress ou le déni du risque. Ceci peut aussi être dû à des divergences au niveau des processus de sevrage. Les fumeurs appartenant à des catégories sociales moins favorisées sont aussi désireux d’arrêter le tabac que les autres mais ils y parviennent moins souvent.
L’e-cigarette, passée de mode ?
En 2016, 41,2 % des vapoteurs étaient des anciens fumeurs, une proportion en nette hausse par rapport en 2014. À l’inverse, la part de vapoteurs qui fument est en baisse passant de 75,6 % en 2014 à 58,8 % en 2016. Ces résultats peuvent être un signe d’essoufflement de la cigarette électronique.
En effet, l’expérimentation de ce dispositif n’augmente pas, ce qui signifie qu’il n’attire pas de nouveaux consommateurs. On peut supposer que si l’e-cigarette apparaît comme une aide à l’arrêt du tabac pour une partie des fumeurs, elle semble progressivement abandonnée par ceux qui ne parviennent pas au sevrage total et qui reviennent donc uniquement à la cigarette classique.
De manière générale, avec un quart de fumeurs en Allemagne, un cinquième en Italie, 15 % en 2014-2015 aux États-Unis et en l’Australie, la France reste à la traîne avec une prévalence nettement plus élevée que la plupart de ces homologues occidentaux. Toutefois, de nombreuses mesures ont été mises en place fin 2016 et pourraient se révéler efficaces dans la lutte contre le tabac, notamment l’augmentation du forfait de prise en charge des substituts nicotiniques ou le récent remboursement de la varénicline.
Dr Le Faou* : « un comportement renforcé par une dépendance »
Les leviers dont disposent les généralistes pour aider les patients au sevrage sont-ils suffisants ?
Dr Anne-Laurence Le Faou Quelques points sont attribués par la ROSP sur la prise en charge tabagique [Ndlr : intervention brève] mais face au nombre considérable de fumeurs, seuls une formation initiale solide et des liens avec des consultations de tabacologie pour les fumeurs les plus sévères peuvent les aider.
Comment évoluent les prescriptions des substituts nicotiniques ? Est-ce que les remboursements de ces substituts et de la varénicline vont encourager les fumeurs à arrêter ?
Dr A.-L. L.F. Après une désaffection sans doute liée à l’essor de la cigarette électronique, leurs ventes sont reparties à la hausse. Le remboursement, quant à lui, est un levier pour stimuler les tentatives de sevrage. Quand l’accès aux traitements est facilité, cela aide les fumeurs à faire une tentative, notamment les plus précaires.
D’après les derniers chiffres, les personnes qui n’arrivent pas à arrêter via l’e-cigarette se remettraient à fumer essentiellement du tabac. Qu’en pensez-vous ?
Dr A.-L. L.F Peut-être est-ce que les utilisateurs de cigarette électronique auraient aussi eu besoin d’un patch de nicotine en association ou de conseils personnalisés. On ne sensibilise pas assez les personnes au fait que le tabagisme est un comportement renforcé par une dépendance, qui est souvent sévère. Cette dépendance peut être physique, psychique et comportementale avec une proportion variable de chacune de ses composantes selon le patient. L’important est que les personnes apprennent à gérer les situations qui risquent de les faire rechuter.
*Responsable du centre ambulatoire d’addictologie
à l’hôpital européen Georges Pompidou (Paris)
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce
La prescription d’antibiotiques en ville se stabilise
Le Parlement adopte une loi sur le repérage des troubles du neurodéveloppement
Chirurgie : les protocoles de lutte contre l’antibiorésistance restent mal appliqués, regrette l’Académie