Les anticorps monoclonaux anti-amyloïdes pourraient bien s’avérer actifs contre la maladie d’Alzheimer. C’est ce que laisse espérer un essai de phase 3 publié fin novembre dans le New England Journal of Medicine (NEJM) et conduit sur un nouveau représentant de la classe : le lecanemab (laboratoire Eisai). « Cela fait plus de 20 ans qu’on attendait de tels résultats », souligne Bruno Dubois, professeur de neurologie à la Pitié-Salpêtrière et membre de l’Académie de médecine.
Les plaques cérébrales amyloïdes associées à la maladie d’Alzheimer ont été identifiées au début des années 2000 comme des cibles thérapeutiques potentielles. Ainsi, le développement d’anticorps monoclonaux dirigés contre ces lésions a été avancé comme une piste prometteuse. Notamment après la publication « d’images de quasi disparition des lésions amyloïdes obtenues sur des souris transgéniques », se souvient le Pr Dubois. Mais, depuis, les échecs se sont enchaînés, déplore le neurologue. Au point de remettre en question le rôle des plaques amyloïdes dans la pathogenèse de la maladie.
Même l’aducanumab, qui avait fait parler de lui en 2020, a finalement été abandonné. Certes, la molécule avait reçu outre-Atlantique le feu vert de la Food and Drug Administration. Mais l’organisme américain d’assurance maladie avait finalement refusé le remboursement. Et du fait de résultats contradictoires – principalement liés à des « erreurs de développement », regrette le Pr Dubois –, l’aducanumab avait été retoqué en Europe.
Une moindre aggravation de la démence
La donne pourrait changer avec le lecanemab. « Pour la première fois, on a, avec un anticorps anti-amyloïde développé de façon propre, un effet clinique sur les symptômes de la maladie », souligne le Pr Dubois. De fait, dans l’essai du NEJM conduit chez plus de 1 700 patients de 50 à 90 ans recrutés à des stades légers d’Alzheimer, l’administration du lecanemab (10 mg/kg IV toutes les deux semaines) s’est avérée associée à une moindre aggravation de la démence. Avec toutefois des effets qui restent « modestes », admet le neurologue. Après 18 mois de suivi, les patients du bras interventionnel ont vu leur score de démence CDR-SB (pour Clinical Dementia Rating–Sum of Boxes) se détériorer d’1,21 point – contre 1,66 point chez les volontaires du groupe placebo.
Les bénéfices potentiels du traitement pourraient cependant augmenter sur une plus longue période de suivi. Car sur la base de simulations conduites après un précédent essai, « le lecanemab pourrait ralentir la progression de la maladie de 2,5 à 3,1 ans, et permettre d’aider les patients à se maintenir dans les premiers stades pendant une plus longue période », se félicite le laboratoire Eisai dans un communiqué.
Reste le profil de sécurité du lecanemab, caractérisé par les mêmes effets indésirables que l’aducanumab. « On retrouve à l’imagerie des ARIA (Amyloid Related Imaging Abnormalities), soit des œdèmes localisés liés à la détersion des plaques amyloïdes (ARIA-E), ou des réactions de la microglie, voire des accidents hémorragiques très localisés (ARIA-H) », avec un risque de céphalées, nausées, vertiges et chutes, résume le Pr Dubois. Cependant, ces effets semblent moins fréquents et sévères qu’attendus : moins de 3 % des participants du bras interventionnel auraient manifesté des symptômes liés à des ARIA.
Vers une nouvelle ère ?
Au total, pour le Pr Dubois, cet essai de phase 3 contribue à confirmer l’hypothèse amyloïde. « Cette étude est intéressante car elle valide le modèle qui sous-tendait le développement de médicaments », estime le neurologue. Et, selon lui, les anticorps anti-amyloïdes pourraient bien être d’ores et déjà « entrés dans une nouvelle ère ». Et si, depuis l’aducanumab, seul le lecanemab semble avoir atteint la phase 3, d’autres anticorps monoclonaux anti-amyloïdes en développement ont aussi donné des signaux encourageants.
Quoi qu’il en soit, un défi majeur posé par l’émergence de cette classe thérapeutique concerne le repérage précoce des patients, éventuellement « encore au stade prodromal », avance le Pr Dubois, qui travaille à l’élaboration d’une application d’aide au repérage des patients concernés. « Car plus on administrera tôt ces médicaments, plus leur effet pourrait être important », prévoit-il.
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