Nouveau coup dur pour la Dépakine. Huit mois après que son fabricant, Sanofi, a été mis en examen pour "homicides involontaires", "tromperie aggravée" et "blessures involontaires", une étude française conduite sur « la plus grande cohorte d’enfants exposés aux anti-épileptiques in utero » confirmerait l’impact neuro-développemental du valproate de sodium et de l’acide valproïque. D’après ce travail publié le 22 octobre dans la revue Scientific Reports, les enfants nés de mères traitées par ces molécules pendant leur grossesse seraient en effet cinq fois plus à risque que les autres de présenter des troubles neuro-développementaut avant l'âge de 6 ans.
Les effets tératogènes du valproate sont en fait relativement bien connus, des malformations congénitales ayant été décrites dès les années 1980. Depuis les années 2000, diverses études ont par ailleurs suggéré que cette molécule était associée chez les enfants exposés in utero à un QI moindre, à des retards de marche ou d’acquisition du langage, à des troubles de déficit de l’attention, voire du spectre autistique, etc. Cependant, « compte tenu de la variété des méthodes et des résultats considérés », aucun de ces travaux n’a permis de « tirer des conclusions fermes » concernant l’effet neuro-développemental du valproate, expliquent les auteurs de cette nouvelle recherche.
Ces derniers se sont ainsi donné pour objectif de réaliser une nouvelle évaluation du risque de troubles neuro-développementaux associé aux anti-épileptiques, et en particulier au valproate, voire de repérer les doses et périodes d’exposition les plus délétères.
Pour ce faire, cette équipe de chercheurs issus notamment de la Cnam et de l’ANSM s’est intéressée aux données enregistrées dans le Système national de données sanitaires (SNDS) de plus d’1,7 millions enfants nés en France entre 2011 et 2014. Un suivi de ces enfants a ensuite été réalisé jusqu’en 2016, soit pendant une durée moyenne de 3,6 ans.
Des résultats probablement sous-estimés
Résultat : au sein de la cohorte d'enfants, les troubles neuro-développementaux étaient significativement plus fréquents parmi les 991 identifiés comme ayant été exposés au valproate que parmi les 1 710 441 autres. En effet, chez les premiers, les auteurs de l’étude rapportent un taux d’incidence des troubles mentaux et du comportement de 13,5 pour 1 000 personnes-années, contre 2,5 pour 1 000 personnes-années chez les autres.
Autrement dit, d'après les auteurs, le risque de présenter des troubles neuro-développementaux serait près de 4 fois plus élevé chez les enfants exposés au valproate in utero que chez les autres. Ce dernier chiffre dépasserait par ailleurs 5 chez les enfants nés de mères ne présentant aucun antécédent de maladie mentale, et pourrait être sous-estimé. « [C’est que] le suivi limité de l'étude a probablement conduit à identifier uniquement les cas les plus sévères, tandis que les cas moins graves, qui se manifestent généralement à des stades ultérieurs de développement, nécessiteraient un suivi plus long pour être détectés », expliquent les chercheurs.
Un risque dose-dépendant augmenté aux derniers trimestres de grossesse
Dans tous les cas, l'article suggère que la consommation de Dépakine pendant les deux derniers trimestres de la grossesse serait particulièrement délétère. Les enfants soumis au valproate pendant le premier trimestre de la grossesse ne souffriraient pas plus de troubles neuro-développementaux que ceux jamais exposés à la molécule in utero. Au contraire, le risque de présenter ce genre d'affections serait multiplié par trois chez les enfants exposés au deuxième ou au troisième trimestre de la grossesse.
Autre facteur susceptible d'augmenter un tel risque : la dose. D’après les auteurs, les effets neuro-développementaux de la molécule seraient en effet dose-dépendant. « Le risque est plus faible chez les enfants exposés à de plus faibles doses du médicament que chez ceux exposés à des doses plus élevées », écrivent-ils, bien qu’ils remarquent que de « faibles doses de valproate » semblent suffisantes pour augmenter les risques de troubles neuro-développementaux.
Attention aussi à la prégabaline ?
À noter que les auteurs de cette étude se sont également intéressés à aux effets neuro-développementaux d’autres molécules thérapeutiques (lamotrigine, carbamazépine, clonazépam, prégabaline, gabapentine, lévétiracétam, oxcarbazépine, phénobarbital, topiramate) potentiellement utilisés en alternative au valproate.
D’après eux, l’exposition in utero à tous ces médicaments ne serait pas associée à un risque accru de troubles neuro-développementaux. Sauf peut-être pour la prégabaline, dont l’utilisation pendant la grossesse pourrait être liée à une augmentation du risque de 50 %. Des études complémentaires sont cependant attendues pour confirmer ce résultat.
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